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Le tireur fou de la région des lacs

Publie le jeudi 3 juin 2010 par Open-Publishing

Je ne voudrais pas passer pour plus malin que je ne suis, mais dans un livre écrit il y a une dizaine d’années sur Censure et libertés au Royaume-Uni, j’avais exposé à quel point l’Angleterre était, de tous les pays démocratiques l’un des plus fliqués et flicables.

Vingt ans de compagnonnage avec l’œuvre de George Orwell m’avaient rendu lucide. C’est bien son propre pays que l’auteur de 1984 avait décrit dans sa célèbre dystopie. C’est bien la tentation totalitaire chez ses compatriotes que le grand romancier et essayiste avait repérée dès les années trente.

Il y a quatre millions de caméras vidéos en Grande-Bretagne. Ce maillage insensé d’un pays où, il n’y a pas si longtemps, les bobbies ne portaient pas d’arme, n’a pas pour fonction d’empêcher les crimes de tireurs fous ou rationnels (on se souvient des attentats meurtriers dans les transports en commun de Londres en juillet 2005, 52 morts, 700 blessés). Pas plus que l’ADN généralisé. Ces techniques peuvent faciliter la découverte des criminels. Tous comme les radars sur les routes (il y en a un nombre effarant dans ce pays où, traditionnellement, les conducteurs comptent parmi les plus prudents au monde), les caméras servent à installer un sentiment de culpabilité de tous les instants chez les gens. Leur multiplication ces trois dernières décennies fut concomitante du recul de la démocratie et de la domination du capitalisme financier.

La Région des lacs est l’une des plus paisibles qui soit. C’est la région des poètes romantiques du XIXe siècle. La lumière y est unique, tout en douceur. Il y a des caméras partout, qui ne servent à rien.

Derrick Bird a pu tirer à partir de trente endroits différents. Avant cette série meurtrière, il avait tué son frère jumeau et son avocat. Malgré les quatre millions de caméras.

En 1987, Michael Ryan tua 16 personnes à Hungerford, dont sa mère. La fusillade dura une heure.

En 1996, Thomas Hamilton tua 16 enfants de 5 à six ans et un instituteur de 45 ans dans l’école primaire de Dunblane. Malgré les quatre millions de caméras.