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Les Sages ont parlé. Les arcanes secrets de la secte républicaine

Publie le jeudi 6 avril 2006 par Open-Publishing

de Luc Mazenc

Salut les gens,

Le peuple ‹ nous, les gens ‹ vient d’entendre la parole sacrée des Sages. Les Gardiens des valeurs républicaines ont confirmé solennellement la constitutionnalité du C.P.E et de la loi sur l’ "égalité des chances". Les Sages ont parlé, de la plus haute instance de notre République sacralisée par ses valeurs ancestrales et par les vieilles barbes contre-révolutionnaires ‹ une Révolution inaboutit, phagocitée d¹ailleurs par la caste des Sages d’alors. Toujours la même secte .

Depuis quelques semaines déjà, nous attendions impatiemment ces paroles sacralisées et sacralisantes. Nous voilà informé. La République a révélé, une fois de plus, les arcanes secrets de son idéologie. Notre Constitution républicaine précise bien en effet, de toute son autorité idéologique : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Selon cette loi républicaine, qui révèle une contradiction flagrante, ce « droit » à obtenir un emploi est ainsi indissociablement lié au devoir de travailler. Ce « devoir » est le pendant normatif de ce « droit positif ». Belle inversion des causes et des effets, qui permet à l’oligarchie capitaliste de renverser la responsabilité sociale des entrepreneurs en leur conférant le droit d’imposer le devoir de travailler à leur service, tout en faisant accroire qu’ils accordent un droit (à l’emploi). La règle constitutionnelle laisse penser qu¹elle concéde des droits au travailleur, tandis que, manifestement, c¹est en réalité le propriétaire des moyens de production qui s¹arroge le droit d¹imposer le devoir de travailler à son service.

Et, plus précisément, ce qui est dissimulé sous les arcanes de l’idéologie républicaine, laquelle permet d¹occulter les rapports de production dans le système capitaliste, c’est une légitimation de la captation de la plus-value du travail du salarié par le capitaliste, par le propriétaire des moyens de production.

En bref : les lois républicaines sacralisées qui définissent le statut du travail à l’intérieur du système de production capitaliste promulgent que travailler au service des propriétaires des moyens de production est une obligation que notre Constitution républicaine sacralise ‹ laquelle légitime, impose et organise le travail aliéné comme la captation de la plus-value du travail par le capitaliste.

Par l’intermédiaire de ses Sages, la secte républicaine a délivré ses secrets les plus prudemment dissimulés sous le cache-sexe de l’idéologie républicaine ‹ Liberté, Egalité, Fraternité ‹ afin d¹empécher toute transformation du mode de production capitaliste en recourant à de fausses solutions (le CNE/CPE aujourd¹hui).

Et le C.P.E ‹ tout comme la Loi sur l’ « Egalité des chances » (l’objectif étant à terme d’étendre ce principe à tous les contrats de travail) ‹ reléve bien de l’ idéologie républicaine :

 la Liberté pour les propriétaires des moyens de production de contraindre les hommes à aliéner leur liberté dans le travail, sans aucun retour en terme de responsabilisation du profiteur, qui ne devra même plus justifier les motifs de licenciement. Très clairement, il s’agit bien de la liberté d’une ploutocratie financière (les détenteurs du capital et autres "actionnaires" du capital) et d’une oligarchie affairiste (le Medef notamment), au détriment de la liberté du plus grand nombre.

 l’Egalité de tous face à un système législatif républicain qui légitime et impose le système de domination capitaliste grâce notamment au « contrat encadré par la Loi ». C’est la roulette Russe à six balles pour le salarié.

 la Fraternité, c¹est-à-dire l’imposition par la Loi et l’obligation faite à chaque « citoyen » de participer au système de domination et d’exploitation capitaliste. En d’autre termes, la "soumission-volontaire", le travail obligatoire au service des propriétaires des moyens de production.

Mais comment cette idéologie s¹est-elle instituée, historiquement ? Pour situer l’origine historique de l¹ idéologie républicaine, il faut résolument interroger Platon, cet invétéré menteur, sa "République" et le statut du Savoir en République. Que dit Platon dans son ouvrage « Constitution et gouvernement de la Cité », traduit par "La République" ?

Il dit notamment ceci :

« - Donc, ne faut-il pas que nos chefs, puisqu’ils doivent être les meilleurs d’entre les gardiens, soient les plus aptes à garder la cité ? (...) Ainsi, comme je le disais tout à l’heure, il faut chercher les plus fidèles gardiens de cette maxime qui prescrit de travailler à ce que l’on regarde comme le plus grand bien de la cité. Il faut les éprouver dès l’enfance en les engageant dans des actions où l’on peut surtout l’oublier et être trompé, puis choisir ceux qui se souviennent, qui sont difficile à séduire, et exclure les autres, n’est-ce pas ?

 Oui.

 Et il faut aussi leur imposer des travaux, des douleurs, des combats, en quoi on s’assurera de leur constance. (...) Par suite, pour être vraiment aussi exact que possible, ne convient-il pas d’appeler, d’une part gardiens accomplis ceux qui veillent sur les ennemis de l’extérieur et les amis de l’intérieur, afin d’ôter aux uns la volonté, aux autres le pouvoir de nuire, et de donner, d’autre part, aux jeunes gens que nous appelions tout à l’heure gardiens, le nom d’auxiliaires et de défenseurs de la pensée des chefs ?

 Il me semble.

 Maintenant, repris-je, quel moyen aurons-nous de faire croire quelque noble mensonge ‹ l’un de ceux que nous avons qualifiés tantôt de nécesssaire ‹ principalement aux chefs eux-mêmes, et, sinon, aux autres citoyens ? (...) Aussi, avant tout et surtout, le dieu ordonne-t-il aux magistrats de surveiller attentivement les enfants, de prendre bien garde au métal qui se trouve mélé à leur âme, et si leurs propres fils ont quelque mélange de fer et d’airain, d’être sans pitié pour eux, et de leur accorder le genre d’honneur dû à leur nature en les reléguant dans la classe des artisans et des laboureurs ; mais si de ce dernier naît un enfant dont l’âme contienne de l’or ou de l’argent, le dieu veut que qu’on l’honore en l’élevant soit au rang de gardien, soit à celui d’auxiliaire, parce qu’un oracle affirme que la cité périra quand elle sera gardée par le fer ou par l’airain. Sais-tu quelque moyen de faire croire cette fable ? Aucun, répondit-il, du moins pour les hommes dont tu parles ; mais on pourra la faire croire à leur fils, à leurs descendants et aux générations suivantes. Et cela sera bien propre à leur inspirer plus de dévouement pour la cité et leurs concitoyens, car je crois comprendre ce que tu veux dire. » (Platon : "La République", Traduit par R. Baccou, Garnier-Flammarion, 1966, III/412a-III/416a).

Et tant que l’on y est, nous les esclaves ignorants de nos Maîtres savants, nous pourrions lever les tabous qui nous interdisent d’aller interroger la croyance ultimement déterminante dans la fabrication de l’idéologie républicaine. Je veux parler de l’adage socratique-platonicien que ces premiers philosophes ont extrapolé d’un autre oracle ‹ l’oracle du temple de Delphes : « Connais toi toi-même ».

C’est donc au fond le statut du Savoir en régime républicain qu’il nous faudrait questionner ‹ toute cette métaphysique qui provoque cette toute-puissance de la « Connaissance », cette toute-puissance de la soit-disant « sagesse » et cet élitisme républicain anti-démocratique.

Comment accepter ce statut de la Connaissance faisant du Savoir un Pouvoir, sachant que le totalitarisme résulte bien d’une « intrication du principe du Pouvoir, du principe de la Loi et du principe du Savoir. » (C. Lefort) ? Et là, je vois précisément l’empreinte de la secte républicaine, avec toute sa métaphysique du Soi, resurgir dans des projets fachistes tel que le « Plan de prévention de la délinquance » et autres témoignages de radicalisation de la secte. D’où l’importance de lutter contre ce nouveau fachisme (pétition : http://www.pasde0deconduite.ras.eu.org). (1)

Cette absolutisation sectaire du Pouvoir, ce Savoir identifié à un Pouvoir par les détenteurs du Savoir, les "initiés" des réseaux occultes du Pouvoir : tout ça est une idéologie en acte. La Secte a su récupérer toutes les révoltes sociales depuis la Révolution française, en détournant le pouvoir de la souveraineté populaire. On se souvient aussi de la « République coloniale », toujours en action d’ailleurs. Et, dissimulée sous le masque de l¹idéologie républicaine, les Sages semblent aujourd¹hui encore décidés à tout mettre en ¦uvre pour contrôler toute tentative d¹émancipation populaire, quitte à engendrer une fois encore un totalitarisme pour sauver la République et pour dissimuler, sous le masque de l’idéologie, la vérité sur le système de production capitaliste.

La Vème République, et peut-être même l¹idéologie républicaine tout court, sont à bout de souffle.

Comment, nous ‹ la gente ignorante, les âmes impures pétries d’un « mélange de fer et d’airain » ‹ pouvons-nous encore croire aux oracles républicains comme à nos élites républicaines, à nos singes savants ?

Deux mille ans après les mensonges de Platon, comment pouvons-nous encore croire que ce système est démocratique ‹ libertaire, égalitaire et fraternitaire ‹ tandis que tout nous montre qu’il est profondément élitiste et sectaire, ploutocratique et oligarchique ?

Mais « s’ils sont grands, c’est parce que nous sommes à genoux ».

Bien à vous. Luc.


(1) Avec cette utopie manageriale ‹ cette idéologie de la « connaissance de soi », du « savoir être (soi) », cette domination des corps et ce gouvernement des âmes, préalabres au gouvernement autoritaire des hommes ‹ c’est toute une dictature-éducatrice mise en place par un Etat-Thérapeute et totalitaire qui se diffuse, en vue d’instituer un « coaching » généralisé pour fabriquer des êtres hétéronomes et fonctionnalisés adaptés au système industriel de production capitaliste.

Et je pense à la Secte socialiste du Nouveau Christianisme et de la Religion industrielle, avec ses gourous, qui eut la sinistre postérité que l’on sait. Et cette religion civile newageuse, je la verrais bien comme cela : une forme de républicanisme radical et de spiritualisme radical dans une « République totale » (totalitaire). Un spiritualisme radical ‹ par exemple la « religion laïque » d’un Luc Ferry, d¹un Villepin (voir son livre « Le cri de la gargouille ») ou encore d¹un Sarkosy (« Les religion, la République, l’espérance »).

On peut d’ailleurs observer, actuellement, combien la « citoyenneté » et l’idéologie républicaine sont surinvoquées (et les Compagnies du même nom aussi) face à la déliquescence de la Religion industrielle, pour sauver le mythe du Progrés et sa sacro-sainte « Croissance ». On a tendance à penser que le régime et le système de production capitaliste vont résister de toutes leurs forces pour se maintenir, quitte à exercer un contrôle total sur les « citoyens » avec tous les moyens coercitifs qui sont à leur disposition, notamment la psychologie et la psychothérapie, les psychotropes et le management des hommes : la gouvernance globale. Ceci pour faire respecter la discipline républicaine et envoyer tout le monde au travail ‹ et au STO s’il le faut (CNE, CPE, RMA).

Et nous pouvons être tristes de constater combien les tentatives déconstructionnistes de la métaphysique occidentale ‹ la "pensée 68", celle des Foucault, Bourdieu, Derrida, Deleuze ... héritiers de la Théorie critique (qui est certes critiquable à son tout) ‹ sont aujourd’hui déconsidérées par les « intellectuels organiques » et les « nouveaux chiens de garde ». Des « piétres penseurs » (D. Lecourt) comme les philosophes Luc Ferry, André Comte-Spontville ... etc ‹ des platoniciens militants, thuriféraires d’une « religion laïque » dans une « République totale » et une société new age.