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Les élèves, agents de nettoyage !

Publie le mercredi 1er avril 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

HILDESHEIM (ALLEMAGNE) ENVOYÉE SPÉCIALE

Horst Richter, le porte-parole de la mairie d’Hildesheim (Basse-Saxe), l’a clairement signifié : ’Aucun tabou n’est assez fort dès lors qu’il s’agit d’économiser.’ Pourquoi pas, dans ce cas, prier les écoliers de bien vouloir désormais nettoyer eux-mêmes leurs classes si cela peut permettre à la municipalité d’économiser 174 000 euros par an sur son budget ? Face aux ’finances catastrophiques de la ville’ dont fait état Hildesheim, cité du nord de l’Allemagne d’environ 100 000 habitants, le calcul a été rapide. Lire la suite l’article Le 25 février, une lettre signée Kurt Machens, le maire (sans parti politique) d’Hildesheim, a donc été envoyée aux directeurs des 27 établissements publics que compte la ville pour les informer qu’à partir du 1er avril - cela n’aura rien d’un canular - les agents de nettoyage n’assureraient plus que deux fois par semaine, au lieu de cinq, le ménage des lieux. A leur place, et sous la surveillance des professeurs, les élèves seraient conviés à ’balayer leur classe, laver le tableau, vider les poubelles’. Et ce dès l’école primaire.

La paisible ’capitale de l’art roman ottonien’ en fut toute retournée. ’Les employés de la mairie doivent-ils assurer de la même manière la propreté de leur lieu de travail ?’, s’est enquis, via la Hildesheimer Zeitung, le quotidien local, le directeur d’un des Gymnasium (collège-lycée) concernés. ’Nous voilà ridiculisés aux yeux de toute l’Allemagne’, a réagi le responsable local du Parti social-démocrate (SPD), Hartmut Häger. ’Le devoir des élèves est d’apprendre, pas de balayer’, a fait valoir Andreas Krischat, le porte-parole du ministère de l’éducation du Land de Basse-Saxe, dans la Süddeutsche Zeitung. Quant à la municipalité, a-t-il rappelé, son devoir est de ’financer le fonctionnement des lieux d’enseignement, la loi est claire sur ce point’.

Au pays de l’’enfant roi’, où, en matière d’éducation, le principe même d’autorité paraît suspect - l’Allemagne postnazie a vite fait de l’assimiler à de l’autoritarisme, et lui préfère toujours la conciliation -, la mairie d’Hildesheim a dû faire des concessions. Bien qu’elle ait pris soin, entre-temps, de préciser que les sanitaires continueraient d’être lavés quotidiennement par des agents de nettoyage, et qu’elle se soit étonnée qu’on puisse ’assimiler le travail des mères de famille ou des concierges à une punition’, elle a reconnu ’une erreur de communication’.

Le 5 mars, sous la pression d’un corps enseignant et de parents outrés - d’après un sondage de la Hildesheimer Zeitung, 64 % des habitants se disent contre cette mesure -, elle transformait le ménage contraint des salles de classe par les élèves en "démarche pédagogique", et annonçait que cette dernière serait "laissée au bon vouloir des établissements". Les économies escomptées par Hildesheim n’en seront pas moins réalisées : "Nous ne pouvons que dire : nous n’avons plus d’argent." A partir du 1er avril, le contrat des employés de service diminuera donc de moitié, et ce pour tous les établissements municipaux.

A moins d’accepter de travailler dans des locaux plus ou moins propres à longueur d’année, élèves et professeurs d’Hildesheim n’ont donc guère le choix. Pour les motiver, la municipalité s’apprête d’ailleurs à passer commande de dizaines de pelles, balais et balayettes. Après tout, bien d’autres jeunes Allemands se prêtent déjà à la tâche depuis longtemps sans avoir le sentiment d’être pour autant esclavagisés : "Dans de nombreux établissements scolaires d’Allemagne, cela va de soi, et personne ne trouve à y redire. C’est que les raisons invoquées n’y sont pas d’ordre économique", signale l’hebdomadaire Die Zeit.

"LE SENS DES RESPONSABILITÉS"

Dans le système fédéral allemand, où les questions de scolarité relèvent de la responsabilité des Länder, impossible de connaître le nombre d’écoles où se pratique le Fegedienst (la "corvée de balayage"). Mais, à la conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles des Länder, à Bonn, la mesure est plutôt vue d’un bon oeil. "Dans certains établissements où les professeurs se déplacent de classe en classe tandis que les élèves ont toujours cours dans la même salle, cela fait sens, pédagogiquement parlant, de les faire participer à leur entretien", remarque son porte-parole, Andreas Schmitz. D’ailleurs, la prestigieuse Fondation Robert Bosch ne distingue-t-elle pas régulièrement, avec son Prix des écoles - qui, chaque année, récompense des lieux d’enseignement innovants -, des établissements prônant la philosophie du Fegedienst ?

De cette "responsabilisation bénéfique des élèves", la ville-Etat de Hambourg est convaincue. Depuis janvier 1995, les jeunes Hambourgeois rangent et nettoient eux-mêmes leurs salles de classe. "Seuls les établissements spéciaux, pour enfants handicapés par exemple, échappent à cette tendance", explique Jan Bruns, le porte-parole de l’inspection académique du Land, qui évoque 87 % d’établissements pratiquant cette discipline. "Et cela n’a pas la moindre incidence sur les résultats scolaires des élèves, souligne-t-il. Passer le balai prend au maximum dix minutes chaque jour."

Une précision d’importance, car une hantise de l’Allemagne est celle du niveau de son système éducatif, montré du doigt en 2001 par une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : d’après l’enquête PISA, les élèves allemands âgés de 15 ans avaient, en littérature comme en maths, des notes inférieures à la moyenne des 32 pays évalués... Depuis, le pays n’a cessé de chercher à y remédier. Si les résultats se sont entre-temps améliorés, le désarroi demeure.

Pourtant, loin de porter préjudice aux élèves, le Fegedienst ne peut que leur rendre service, Kurt Machens en est convaincu. "Il est plus important que jamais de donner aux élèves le sens des responsabilités. Les écoles ne sont pas seulement un lieu d’acquisition des savoirs, mais aussi d’apprentissage de la vie", insiste-t-il. Un avis partagé et exprimé par ce lecteur de la Hildesheimer Zeitung sur le site Web du journal : "Voilà la meilleure préparation qui soit au monde du travail. Des managers déconnectés de la réalité et qui détruisent notre société, nous n’en avons que trop ! Alors, chers pédagogues, sachez saisir la véritable chance que vous offre la municipalité."

Lorraine Rossignol

 http://www.lemonde.fr/europe/articl...

Messages

  • ou comment supprimer des emplois ! C’est minable de faire ça à des élèves qui sont fatigués après une journée de classe !

    Heureusement qu’ici chez nous, les élèves et les profs ne stagnent pas toute la journée dans une même classe, car non seulement les élèves seraient obligés de faire le ménage mais aussi les profs !

  • Horst Richter, le porte-parole de la mairie d’Hildesheim (Basse-Saxe)

    Porte parole, c’est un boulot qui sert à rien, il devrait déjà sucrer son propre poste pour faire faire des économies à sa ville puisque ça à l’air de lui tenir tellement à coeur.