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Lettre ouverte à Darcos d’un mari dont l’épouse s’est suicidée

Publie le mardi 6 janvier 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

Où comment on traite l’information...

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Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, Monsieur le Recteur
d’académie, Mr l’inspecteur d’Académie

Je vous remercie des condoléances dont vous m’avez fait part après
le suicide de ma femme Muriel, institutrice spécialisée, qui s’est
donné
la mort dans l’après midi du 6 octobre dernier au groupe scolaire
Gambetta de Massy, son lieu de travail.

Je prends le temps de vous répondre, passé le premier choc, pour
attirer cependant votre attention sur plusieurs faits qui dans ces
circonstances douloureuses ont témoigné de bien peu d’empathie, et de
respect des personnes.

Le corps de ma femme n’était pas encore au funérarium, que
l’Inspecteur d’Académie convoquait dans les locaux du groupe scolaire
une réunion des enseignants, auxquels il enjoignait de n’évoquer “que
des problèmes personnels”, face aux questions que ne manquerait pas de
susciter un tel événement.

Dès le lendemain, 7 octobre, le Recteur d’Académie divulguait une
information du dossier médical de ma femme censé être confidentiel,
trahissant ainsi le secret professionnel, au journal de 13h de France
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et sur RTL le même jour.
A cette entorse grave au secret professionnel, s’ajoutaient des
informations totalement inexactes qui tendaient de manière allusive à
faire passer ma femme pour une dépressive chronique. Ainsi, la moitié
de
son temps d’arrêt maladie en 2007 n’était pas dû à la dépression mais
à
une cause médicale bien distincte.
Suite à cet arrêt de travail, ma femme a repris son poste en décembre
2007 juste avant les vacances de Noël., et non à la rentrée 2008 comme
l’a affirmé publiquement sa hiérarchie.

Ces mêmes interventions publiques et largement médiatisées ont en
revanche bien peu fait mention de la compétence et de la qualité du
travail de ma femme, reconnues et saluées tant par ses collègues que
par
les parents d’élèves.
Muriel était une femme passionnée par son travail, animée du souci
permanent de bien faire et d’une grande exigence professionnelle.
Outre
sa formation de professeur des écoles et sa formation de rééducatrice,
elle avait fait deux années d’études supérieures en lettres
(hypôkhagne
et khagne,) puis obtenu sa licence de Lettres en Sorbonne. C’est dire
que son engagement auprès des enfants dans le cadre des Réseaux d’Aide
Spécialisé aux Eléves en Difficulté était un choix personnel qui
correspondait à une motivation profonde./*

Je peux témoigner, comme tout son entourage, qu’elle souffrait du
manque de reconnaissance dont pâtit particulièrement cette catégorie
d’enseignants, et qu’elle évoquait souvent, la semaine précédente,
l’intention annoncée de supprimer des postes et de modifier
profondément
le fonctionnement du RASED comme une source d’angoisse pour elle. Que
cette intention, enfin, allait totalement à l’encontre du
développement
de son travail en direction des enfants en difficultés.

Personne ne saura ce qui a pu déclencher son acte de désespoir. Mais
la façon expéditive et réductrice qui a été utilisée pour parler de
son
acte n’a rien à voir avec le respect de la vérité ni de sa personne.

Enfin, si le souci de filtrer l’information semble avoir été
primordial pour sa hiérarchie, pourquoi les détails de sa mort ont-ils
été divulgués sur les ondes à des heures de grande écoute, sans tenir
compte des conséquences possibles pour mes enfants ?

Cet ensemble de considérations m’amène à souhaiter le rétablissement
public d’une certaine équité dans la présentation de cette affaire,
aussi ma réponse prendra-t-elle la forme d’une lettre ouverte adressé
à
la presse

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, Messieurs, l’expression
de ma haute considération .

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Patrick Carpentier

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