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Louise Blanquart, journaliste et militante

Publie le samedi 12 janvier 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

de Catherine Simon

Ouvrière, philosophe, journaliste et militante, connue bien au-delà du cercle communiste où elle a longtemps grandi et travaillé, Louise Blanquart est morte mercredi 2 janvier, à l’âge de 86 ans.

"Louise, c’est cette fille qui a les yeux si bleus et qui est chrétienne ?", avait un jour lancé, un peu perplexe, le responsable communiste Jacques Duclos. Pour ce qui est des yeux, il n’y a pas d’erreur. D’un bleu rare, lumineux, les yeux de cette libre-penseuse, figure du militantisme ouvrier français, ne se laissaient pas oublier facilement. Pas plus qu’elle.

Pour ce qui est de la "chrétienne", les choses sont plus complexes. Née dans une famille modeste de Lille, elle est l’aînée de cinq enfants. Très marquée par le catholicisme de ses parents - le père dirigeait l’union régionale de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) du Nord, la mère vivait "enfermée dans la religion", se rappelle sa fille -, elle garde de son enfance une passion pour sainte Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et saint François. "A l’âge de 7 ans", elle se croit "amoureuse de Dieu", confie-t-elle, s’amusant d’elle-même, dans une émission de France Culture en 1999. Cela lui passera.

Un soir, dans les années 1950, la jeune femme, devenue ouvrière, réalise, alors qu’elle est en train de faire sa prière, que "ce n’est pas avec Dieu, mais avec (elle-même)" qu’elle parle. Cette contre-révélation la "libère", nous expliquera-t-elle, des années plus tard. Sans, pour autant, lui faire perdre cette soif singulière de spiritualité, qu’elle exprimera, tout du long de sa vie, par sa passion de la poésie, de Rimbaud à Neruda ou Aragon, sans oublier la Bible et Le Cantique des Cantiques.

Celle qui avait été, dans les années 1940, militante de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et élue, en 1944, dirigeante des Compagnons de saint François, fut avant l’heure une "établie" (du nom donné aux intellectuels qui décidèrent de s’établir en usine après Mai 68, pour vivre la condition ouvrière). C’est ainsi qu’après avoir travaillé comme institutrice de maternelle, assistante sociale puis secrétaire de rédaction du journal catholique Sillage, elle choisit, en 1946, de se faire embaucher aux usines Wonder de Saint-Ouen. Elle travaille ensuite dans plusieurs usines de l’alimentation. C’est à la fin des années 1940 qu’elle entre au Parti communiste. Et en 1955 qu’elle devient secrétaire de la Fédération CGT de l’alimentation, responsable des branches féminines.

Certes, la vie d’usine lui a "remis les pieds sur terre", mais la "dureté du monde ouvrier, du monde communiste" l’a parfois meurtrie. Fidèle, paradoxale, elle s’en échappe. Au printemps 1964, elle devient rédactrice en chef d’Antoinette, journal des femmes de la CGT, poste dont elle démissionne, en avril 1968, avant de rejoindre, en 1970, la rédaction de L’Humanité. Elle y traite de politique intérieure et, en particulier, de la situation des femmes.

PASSIONNÉE DE PHILOSOPHIE

La découverte du mouvement féministe, l’apprentissage de la "conscience sociale de sexe" l’amènent non seulement à militer (au sein du groupe Ruptures, notamment), mais aussi à s’ouvrir à des courants de pensée longtemps stigmatisés par les cadres du PCF. En 1974, elle publie Femmes, l’âge politique (Editions sociales) et se passionne pour les débats qui soulèvent et déchirent le mouvement des femmes. Les théories d’Antoinette Fouque l’intéressent ; elle se lie d’amitié avec l’écrivain Nancy Huston.

Autodidacte (elle a quitté l’école à la fin du primaire), passionnée de philosophie, elle dévore Marx et Althusser, mais aussi Spinoza, plus tard Deleuze et Guattari aussi bien que Foucault, Derrida, Balibar... Son minuscule appartement de Montmartre, à Paris, en témoignera longtemps, tapissé de livres. Quelques semaines avant sa mort, elle avait entamé la lecture de la biographie de Hannah Arendt par Laure Adler.

Humaniste rigoureuse, fidèle à la "classe ouvrière, même si on ne dit plus comme ça", Louise Blanquart s’était rapprochée, dans les années 1990, du mouvement écologiste. Elle avait adhéré au parti des Verts. Lectrice du Monde, elle regardait beaucoup la télévision, mais retournait sans cesse à ses livres de poésie.

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

Messages

  • oui c’était une femme super , on en voudrait tant aujourd’hui des militantes comme ça , populaire , avec du charisme et non des bobos qui parlent comme les medias de la bourgeoisie ; aussi vides que prétentieux

  • Bonjour, je viens de lire l’article sur Louise Blanquart de Catherine Simon et je voudrais entrer en contact avec cette dernière pour lui proposer de participer à un colloque en mars prochain (2009).

    Pouvez-vous lui demander de me contacter ? A l’avance, je vous en remercie.

    Jean-François Sabouret

    Jean-François Sabouret
    Directeur de Recherche au CNRS
    Directeur du Réseau Asie - IMASIE
    (Institut des Mondes Asiatiques, CNRS/UPS 2999)
    Maison des Sciences de l’Homme, B. 306
    54, Bd Raspail 75270 Paris cedex 06
    Tel : 33(0)1 49 54 21 41 / Port : 06 87 80 70 47
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