Accueil > Lucie Aubrac : (r)appel à résistance

Lucie Aubrac : (r)appel à résistance

Publie le jeudi 15 mars 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944

Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la
Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et
retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie
économique, sociale et culturelle.

Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et soeurs
de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a
pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.

Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succèderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais :

• Nous appelons d’abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités
publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble
l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la
clandestinité le 15 mars 1944 :

Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des « féodalités économiques », droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, lois
sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent
pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ?
Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne
doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature
internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

• Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats
héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité
aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs
conséquences, définir ensemble un nouveau « Programme de Résistance » pour notre
siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l’intolérance et de la
guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.

• Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grandsparents, les éducateurs, les autorités publiques à une véritable insurrection pacifiquecontre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la
culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous
n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts
privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux
ordonnances sur la presse de 1944.

Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire
avec notre affection : « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. »

Signataires :
Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin,Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-PierreVernant, Maurice Voutey.

************
Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 24 juin 1793)

Messages

  • Décès de Lucie Aubrac
    … « quel plus bel hommage pourrait lui être rendu que celui d’entretenir la flamme de la résistance à la résignation, de parler, de raconter sans cesse ce que furent les résistants d’alors... » a écrit Marie George Buffet.
    C’est vrai, le courage de ses femmes et de ses hommes, leur engagement, leur volonté, alors que tant de français baissaient la tête devant l’occupant nazi mérite qu’on le dise, qu’on le raconte, qu’on le répète pour leurs petits enfants et pour les nouvelles générations. Comme Lucie Aubrac, mon père a été témoin aux procès Barbie et Touvier. Voici quelques lignes de son parcours.

    "Né le 31 août 1917 à Tarbes (Hautes-Pyrénées), Pierre-Yves Lesage, particulièrement actif dans la mobilisation pour l’Espagne républicaine, mobilisé au 17e Train à Toulouse puis au 2e Hussard de Tarbes, part fin août 1939 pour le front du Nord et de Lorraine avec le 71e GRDI. Fait prisonnier le 17 juin 40 et interné au camp de Longvic, près de Dijon, il s’évade fin août à la veille du transfert en Allemagne. Démobilisé à Tarbes début septembre 1940, Pierre-Yves Lesage est chargé de reconstituer les Jeunesses communistes. Menacé d’arrestation, il travaille comme mouleur dans diverses fonderies de la région, toujours en contact avec les organisations clandestines pour organiser les sabotages des productions et assurer la distribution de tracts et de journaux clandestins. En octobre 1942, il participe à la formation, à Tarbes, du premier groupe de ville des FTPF. En août 1943, il rejoint le maquis de Nay (Basses-Pyrénées) et participe à l’attaque de la gendarmerie locale. Il s’enfuit. Deux semaines plus tard la direction des FTP l’envoie à Lyon.. Après l’arrestation de la plupart des membres de l’état-major par Klaus Barbie et la Gestapo, Pierre-Yves Lesage, dit Jean, est chargé d’organiser les rescapés de la rafle et de les mettre à l’abri dans un maquis de la vallée de l’Azergue. Le 12 juillet 1944, il est arrêté par la Gestapo et emprisonné au quartier général de la Milice où oeuvrait Paul Touvier. Pendant trente-six jours il endura les pires souffrances morales et physiques. Le 17 août , il profita de la panique provoquée par le débarquement allié en Provence pour s’évader. Transféré à Saint-Étienne, il est incorporé à la 301e compagnie FTPF et fait partie du premier détachement qui entra à Lyon à l’aube du 3 septembre. Son unité partit pour le front des Alpes et forma le 2e Bataillon du 99e RIA. Lesage était sous-Lieutenant. Le Parti communiste lui demanda de se faire démobiliser et de rejoindre Tarbes où il devint président départemental de l’UJRF. Sa santé, affaiblie par les souffrances et les privations, ne lui permit pas de poursuivre son activité militante. Il part pour Marseille puis Lyon où il exerça diverses activités professionnelles, puis en 1952, il retourne dans les Pyrénées. Une vie mouvementée dont il retraça chaque moment sur des pages et des pages d’écriture…. Il est notamment l’auteur de deux manuscrits sur Barbie et Touvier, dont il a été témoin à charge lors du procès de Klaus Barbie, à Lyon, en 1987 et témoin de l’accusation au procès de Paul Touvier, à Versailles, en 1999, d’un ouvrage « De la drôle de guerre à la guerre drôle » et de multiples récits sur sa vie aux maquis."

    Pour la mémoire de Lucie, de mon père, de tant et tant d’anonymes, je veux croire, je veux me persuader que les jeunes d’aujourd’hui s’auront défendre les acquis du programme du Conseil national de la Résistance, en votant pour Marie George Buffet. Hélène

  • J’ai appris avec beaucoup de tristesse le décès de Lucie Aubrac, qui a été pour moi et tant d’autres une personnalité remarquable d’engagement. Résistante, militante pour l’émancipation des femmes, intellectuelle, féministe, Lucie Aubrac a été une conscience de notre temps. Grande figure de la Résistance, elle participa à la création du groupe Libération-Sud avec son mari et le philosophe Jean Cavaillès ; militante anticolonialiste acharnée, défenseuse des droits humains, elle s’est ensuite engagé auprès d’Amnesty International et aux côtés des sans-papiers. Elle a été aussi membre du parti communiste.Mes pensées les plus amicales vont aujourd’hui à son mari et à ses proches.