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M. Aillagon veut agir "vite"

Publie le vendredi 4 juillet 2003 par Open-Publishing

in : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3246--326382-,00.html


M. Aillagon veut agir "vite"
LE MONDE | 03.07.03 | 14h27

"Il faut faire vite", a estimé Jean-Jacques Aillagon, ministre de la
culture, à l’issue de la réunion organisée mercredi 2 juillet avec
les syndicats des professions artistiques au sujet des intermittents.
"Je voudrais, en début de semaine prochaine, avoir une opinion
arrêtée sur les mesures qu’il conviendrait de préciser ou
d’améliorer", a-t-il dit.

Au moment du démarrage des principaux festivals de l’été, menacés par
les actions des intermittents qui protestent contre l’accord signé
par trois syndicats minoritaires et le Medef le 27 juin, le ministre
a défini trois objectifs : lutter contre les abus du système
d’indemnisation des intermittents, soutenir les jeunes créateurs,
identifier les points de l’accord qui pourraient être améliorés.

Pour "éviter que l’accord ne compromette la situation des
intermittents et des jeunes compagnies", le ministre envisage de
créer un fonds spécifique pour renforcer l’aide aux jeunes
compagnies. Le financement proviendrait à la fois des budgets propres
au ministère de la culture et de crédits supplémentaires, a affirmé
M. Aillagon, après en avoir discuté avec le premier ministre, Jean-
Pierre Raffarin. Mais la Rue de Valois souhaite attendre "la fin du
processus de négociation" pour préciser le montant de la dotation et
les modalités d’application avec les compagnies concernées. "C’est la
prolifération des abus qui a lourdement lesté le régime des
intermittents", estime le ministre.

Pour lutter contre ces "abus", le ministre annonce que le
gouvernement prendra, à l’automne, par voie d’ordonnance, des mesures
concernant " la généralisation du guichet unique des employeurs et le
croisement des fichiers sociaux pour repérer les situations
illégitimes". Avec le ministère des affaires sociales, M. Aillagon a
décidé d’un "programme d’intensification des contrôles", qui seront
appliqués notamment à l’audiovisuel public et aux théâtres et aux
opéras nationaux. "J’ai rappelé aux sociétés de l’audiovisuel public
qu’il convenait qu’elles soient exemplaires", a précisé le ministre,
qui compte confier à "des personnalités indépendantes" une enquête
sur ces abus : "L’intermittence est parfois justifiée dans un secteur
où le travail discontinu est courant, mais elle permet à certains
employeurs des commodités de gestion en instaurant une
hyperflexibilité."

M. Aillagon, qui doit recevoir à nouveau les syndicats jeudi 3
juillet à 17 heures, leur a demandé de recenser les points de
l’accord qui posent des problèmes techniques. La CGT, majoritaire,
n’est pas "satisfaite" de cette première réunion de travail et ne
voit "aucune avancée". "L’accord a été conclu dans une situation de
mascarade, il faut se donner les moyens d’une vraie négociation", a
déclaré Jean Voirin, secrétaire général de la fédération CGT du
spectacle. La CGT compte néanmoins se rendre jeudi au rendez-vous
proposé par le ministre, en apportant un mémorandum qui dresse la
liste des problèmes engendrés par le nouvel accord.

Un certain nombre d’élus, y compris dans la majorité parlementaire,
ont estimé que le calendrier de l’accord était mal choisi, à la
veille de l’ouverture des festivals de l’été. "Le calendrier est fixé
par l’Unedic et non par le ministère de la culture, à l’issue d’un
long processus de négociations", s’est défendu M. Aillagon, qui a
reconnu que "le calendrier n’-était- pas idéal".

MANIFESTATIONS ET ANNULATIONS

Pendant ce temps, les intermittents ont continué à se mobiliser. Dans
la matinée de mercredi, environ 200 intermittents de la CGT et de la
Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France se sont
réunis devant le siège de l’Unedic, dans le 12e arrondissement de
Paris, demandant à ce qu’une délégation soit reçue, ce que l’Unedic a
refusé. Ils protestaient notamment contre la campagne de publicité
que l’Unedic avait fait paraître dans différents journaux la veille,
campagne qu’ils ont qualifiée "d’entreprise de désinformation payée
avec notre argent". Dans l’après-midi, environ 5 500 manifestants ont
défilé, à l’appel de la CGT, entre la place du Palais-Royal et le
ministère des affaires sociales, rue de Grenelle.

Mais c’est surtout dans l’Ouest du pays que la situation s’est durcie
mercredi, notamment à Nantes. Les organisateurs de Scopitone ont
déclaré forfait après l’occupation par des intermittents d’une des
salles où devait se tenir le festival. Les intermittents en grève
avaient exigé l’annulation de la manifestation, contre l’avis des
participants au festival (intermittents et artistes compris) et des
organisateurs, dont l’Olympic de Nantes, l’une des salles de musique
actuelles les plus dynamiques de France. L’équipe organisatrice a
précisé qu’il n’était "pas question pour l’Olympic et les
associations co-organisatrices du festival de demander l’intervention
des forces de l’ordre contre nos collègues et les artistes de notre
ville". Le Lieu unique (LU), scène nationale de Nantes, a publié de
son côté un communiqué rappelant que deux représentations de La Bête
dans la jungle avaient été annulées les 26 et 27 juin en solidarité
avec les intermittents. Chaque salarié permanent du LU, qui n’est pas
en grève, versera une journée de salaire au mouvement.

Enfin, une lettre publique, signée par quelque 200 artistes et
intellectuels et adressée au premier ministre, lui demande
d’intervenir devant "la situation de blocage". Les signataires (dont
Isabelle Adjani, Guy Bedos, Catherine Deneuve, Jean-Pierre Vincent)
souhaitent que M. Raffarin sursoit à l’agrément nécessaire à la
validation des modifications du statut des intermittents. Ils
réclament la nomination d’un médiateur. Pour de nombreux acteurs de
la vie culturelle, la réforme du statut des intermittents s’inscrit
dans un mouvement de remise en cause de la prise en charge de la
culture par la collectivité. C’est l’analyse défendue dans un texte
diffusé à l’initiative de Jack Ralite et du philosophe Jean-Luc
Nancy, qui a déjà recueilli des dizaines de signatures,
d’universitaires (Jacques Derrida), d’éditeurs (Hubert Nyssen) ou de
créateurs (Catherine Diverrès, Stuart Seide ou Jean-Claude Petit).