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Manifestants tabassés par la police à Tunis

Publie le dimanche 13 novembre 2005 par Open-Publishing

Ces défenseurs des droits de l’homme soutenaient les grévistes de la faim.

par Christophe BOLTANSKI
Libération : vendredi 11 novembre 2005

Tunis envoyé spécial

Le policier, comme la plupart de ses collègues, ne porte pas d’uniforme. Une tête rase, le ton martial, il se contente, pour l’instant, de pousser ces visiteurs indésirables. « Partez en douceur, sinon on sera obligé d’utiliser d’autres moyens. » Bousculés, tiraillés de tous côtés, les manifestants se mettent à scander : « Avec notre sang, avec notre âme, nous sommes prêts à nous sacrifier pour la liberté. »

En ce 8 novembre, ils sont quelques dizaines à avoir réussi à passer entre les mailles des forces de l’ordre et à être parvenus jusqu’au centre culturel Ibn Khaldoun, au coeur de Tunis. Ils avaient prévu d’y tenir une réunion de solidarité avec les huit personnalités de l’opposition qui, depuis le 18 octobre, observent une grève de la faim pour réclamer le respect des libertés publiques et l’élargissement de tous les détenus politiques. Comme d’habitude, la salle a été déclarée « en travaux » quelques heures avant. Les organisateurs ont décidé de maintenir quand même le rendez-vous. A peine dispersés, des petits groupes se reforment autour de l’avenue Habib Bourguiba, la principale artère de la ville pavoisée de portraits du président Zine el-Abidine Ben Ali et de banderoles à sa gloire.

Dans ce petit pays très surveillé, les agents en civil interpellent ces figures de la société civile et de l’opposition par leur prénom : « Madame Khedija », « Monsieur Rachid ». Et puis, soudain, ils attaquent. Me Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, est frappé à la tête, jeté par terre, sur les rails du tramway, roué de coups de pieds. Les policiers passent à tabac deux dirigeants de partis reconnus.

Me Trifi estime avoir été personnellement « ciblé ». C’est la première fois que ce défenseur des droits de l’homme subit une agression physique. Son organisation avait déjà été empêchée de tenir son congrès en septembre. Cet accès de violence témoigne de l’extrême nervosité du pouvoir à la veille de la tenue, à Tunis, du Sommet mondial de l’information. Les dirigeants occidentaux avaient appelé à cette occasion la Tunisie à « démontrer qu’elle défend fermement et promeut » la liberté d’opinion et d’expression. A l’évidence, le message n’a pas été entendu.