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NI KARCHER NI CHARTERS !

Publie le lundi 18 septembre 2006 par Open-Publishing

SUD Education Journal de rentrée septembre 2006

NI KARCHER NI CHARTERS !

« Cette République est celle de tous les enfants, pour que chacun
puisse grandir en se disant la République doit m’aider à réaliser mon
rêve. » Cette déclaration de Villepin, Premier ministre de ce
gouvernement, en visite à Evreux pour illustrer sur le terrain la
politique du gouvernement en matière d’égalité des chances,
s’adressant aux enfants rassemblés devant la mairie, est un mensonge.
"Cette République" n’est pas "celle de tous les enfants". Pas celle
d’Abdallah, d’Aminata D., d’Aminata S., honteusement expulsés cet
été, pas celle de tous ces enfants qui sont ou seront rejetés hors de
France.

Cette rentrée scolaire ne sera pas comme les autres. Elle sera
différente parce que des chaises seront vides dans les écoles, les
collèges, les lycées. Les absents seront moins nombreux que prévus et
annoncés par Sarkozy. Grâce à la mobilisation sans précédent
d’enseignants, de parents, d’élèves et de certains élus, son tableau
de chasse est resté presque vide.

Mais c’est déjà beaucoup trop. La
politique de ce gouvernement contre les sans papiers et leurs enfants
est une honte, une faute morale, mais aussi une absurdité dont la
prétention au « bon sens » cache mal les ressorts nauséeux. Car ceux
qui les accusent de tous les maux se gardent bien d’apporter la
moindre preuve, et pour cause ! Nos problèmes ne viennent pas des
personnes sans papiers mais des exploiteurs de travail clandestin,
des marchands de sommeil, des forces de répression et de tous les
trafiquants de misère qui tirent profit de la terreur administrative
artificiellement créée par le ministère de l’Intérieur.

Notre problème, en pleine chasse à l’enfant, c’est surtout le silence
assourdissant du ministre de l’Education, ministre de tous les élèves
du pays. Les enseignants ne peuvent se taire. Ils ne peuvent pas
oublier que leur mission est d’être, selon la belle expression de
Piaget, "des éveilleurs d’intelligence et des éveilleurs de
conscience". Par les mots, nous enseignons les textes internationaux
ratifiés par la France qui fondent nos valeurs : Déclaration
universelle des droits de l’Homme, Conventions de Genève, Convention
des Nations Unies sur les droits de l’enfant, Convention européenne
des droits de l’Homme. Textes qui protègent, qui préservent les
droits fondamentaux de chacun.

Par leur mise en pratique, nous
essayons de leur donner vie. Aussi nous pouvons, nous devons, dire et
redire NON : _ quand un Etat envoie sa police rafler des enfants dans
les écoles pour les emmener en centres de rétention ; _ quand des
parents sont menottés comme des criminels devant leurs enfants ou se
retrouvent piégés, arrêtés, en répondant à une simple convocation
administrative ; _ quand dès leurs 18 ans, des jeunes formés dans nos
écoles deviennent des "irréguliers" et se retrouvent traqués comme
tels ; _ quand le ministère de l’Education nationale centralise
informatiquement les données identitaires et comportementales de nos
élèves, de la maternelle au lycée, afin de les communiquer à la
police via les élus locaux.

C’est intolérable, inacceptable. Et nous devons le répéter, le
clamer, comme enseignants, comme syndicalistes, comme citoyens,
conscients de l’importance, de la nécessité du rassemblement de tous
ceux qui veulent que ce pays devienne vraiment ce qu’il prétend
être : le pays des droits de l’Homme. Le jour de la rentrée sera un
jour de la honte pour ceux qui ont pensé, ordonné, exécuté ces actes
moralement répugnants que sont les expulsions de nos élèves.
Saint-Denis le 30 août 2006

CHASSE À L’ENFANT
SARKOZY REVIENT BREDOUILLE

La circulaire du 31 octobre 2005 - suspendant les expulsions de
familles sans papiers ayant des enfants scolarisés jusqu’à la fin de
l’année scolaire - fut un premier recul du ministre qui espérait que
la mobilisation créée par Resf déclinant, il pourrait procéder à des
milliers d’expulsions en été. Ce fut le contraire qui se passa.

Second recul, la circulaire du 13 juin régularisant des familles sur
critères a soulevé un immense espoir chez les sans papiers. Elle
avait le même but : déminer une situation dangereuse pour le ministre-
candidat Président, confronté à l’ampleur de l’action résolue du
Collectif Uni(e)s contre l’immigration jetable et de Resf.
Resf est resté très mobilisé pendant ces vacances : organisation d’un
réseau de veille pour intervenir en cas d’urgence (arrestation, mise
en rétention...), permanences, accompagnements dans les préfectures,
soutien devant les tribunaux, intervention dans les aéroports,
conférences de presse...

Depuis sa création, en juin 2004, Resf - qui
compte aujourd’hui plus de 150 associations et de multiples comités
locaux qui couvrent une grande partie du territoire - a été rejoint
par de nombreuses personnes qui ne se souciaient pas auparavant de la
question des sans papiers et par des politiques de plus en plus
présents à nos côtés. En témoignent les centaines de parrainages
républicains organisés dans les mairies (à Paris, Lyon, Marseille
mais aussi à Parassy, petit village du Cher, à Liomer en
Picardie...), à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans les Conseils
régionaux. L’ampleur des mobilisations va bien au-delà des militants
habituels, au-delà de ce que nous pouvions prévoir : près de 120 000
signataires de la pétition « Nous les prenons sous notre protection
 »... et les signatures arrivent toujours.

C’est dire à quel point l’action du réseau, largement couverte par
les médias y compris étrangers, partout où des jeunes, des enfants,
leurs familles étaient menacés, a eu un écho important dans le pays,
déclenchant ce vaste mouvement de solidarité qui gagne l’opinion
publique, qui gêne tant le ministre de l’Intérieur et le contraint au
recul, mais aussi aux provocations comme à Cachan.

Quotas arbitraires
L’application de la circulaire du 13 juin reste très problématique.
On constate une grande disparité dans la façon dont les dossiers ont
été reçus et traités dans les diverses préfectures. Telle famille est
régularisée ici, telle autre - dans la même situation - est refusée
là. A l’évidence, chaque préfet a interprété à sa manière la
circulaire et décidé de ses propres conditions d’application afin de
rester dans les ordres de grandeur décidés et chiffrés par le
ministre dès le début : 20 000 dossiers reçus, 6 000 régularisations.

Le ministre a réuni les préfets le 24 juillet pour « harmoniser » les
pratiques des préfectures. « Harmoniser » signifie ici durcir.
Sarkozy avait d’abord annoncé que 20 000 familles avaient déposé un
dossier et que 6000 seraient régularisées. En réalité, ce sont autour
de 30 000 dossiers qui ont été déposés. Et le ministre dit toujours :
6 000 régularisation.
Dire aujourd’hui, contrairement à ce qui avait été annoncé par la
préfecture de Paris, que les critères de régularisation sont
cumulatifs, oser annoncer, avant même leur examen, que 70 % des
dossiers seront refusés, c’est un système de quotas.

Cela signifie
pour des milliers de familles, qui ont posé leur demande dans le
cadre de la circulaire du 13 juin, de rester dans le non-droit et
l’angoisse quotidienne, désormais fichées. Après des procédures
expéditives (à Paris, consigne a été donnée aux employés de limiter
l’examen de chaque dossier à un quart d’heure !) et des appréciations
arbitraires, les premiers refus sont arrivés. Les contrôles
d’identité se multiplient, les centres de rétention sont pleins, les
expulsions continuent, qu’il s’agisse de célibataires, de familles ou
de jeunes scolarisés. Alors, la peur est là, dans l’attente des
réponses et des expulsions promises pour les 70% refusés.
Démagogie irresponsable
Le ministre de l’Intérieur accuse Resf de « démagogie » et « 
d’irresponsabilité ».

On pourrait dire, comme les enfants : « C’est
celui qui le dit qui y est ! » C’est Sarkozy le démagogue, qui flatte
les masses pour gagner et exploiter leur faveur, qui assène et
ressasse les mêmes arguments fallacieux et provocateurs, assimilant
immigration, invasion, chômage, délinquance et insécurité. C’est
Sarkozy l’irresponsable, qui instrumentalise les sans papiers, la
question de l’immigration - pour rafler des voix en caressant dans le
sens du poil les électeurs des Le Pen et de Villiers - qui alimente
la xénophobie, le racisme et favorise le repli communautariste, tout
en fermant les yeux sur tous les secteurs d’activité qui exploitent
le travail au noir.

Quand l’étrange « médiateur » Arno Klarsfeld définit le non-
régularisable type comme « quelqu’un qui arrive avec un enfant de 15
ans, l’inscrit tout de suite au lycée, et qui fait chat perché vous
ne pouvez plus me toucher », on ressent un malaise. Quand il accuse
Resf, reprenant les mêmes termes que son ami ministre, de « démagogie
 » et « d’irresponsabilité », est-ce bien le rôle d’un médiateur ? La
médiation - entremise destinée à concilier - suppose l’écoute, la
distance et non l’engagement partisan.
Inefficace et injuste
Sarkozy veut 25 000 expulsions en 2006. Il peut bien expulser 25 000,
voire 30 000 sans papiers.

Et alors ? Ce n’est pas ainsi qu’il
résoudra le problème de l’immigration dite clandestine. « Dalla gunne
ya mpaan kalle nga » disent les Soninkés : « mieux vaut travailler à
l’étranger que mourir chez soi. » Parce que les hommes et les femmes
qui ont faim, qui ont peur - et parfois cumulent la faim et la peur -
continueront de venir, de revenir, aucune police des frontières,
aucun mur ne les arrêtera. Certains mourront en route, noyés, de
faim, de soif... du côté de Lampedusa, du détroit de Gibraltar ou
d’ailleurs, mais ils viendront parce qu’ils n’ont pas d’autre choix,
pour vivre, simplement pour vivre.

Nous ferions pareil dans la même
situation. Les mêmes qui ordonnent leur traque, aussi.
C’est toute la question d’un système économique mondial qui considère
chaque individu comme une « ressource » humaine à son service, qui
exclut, discrimine et aggrave les scandaleuses inégalités de
développement et de répartition des richesses entre le Nord et le
Sud. Quand la politique, à l’échelle mondiale, aura combattu
réellement les déséquilibres économiques et sociaux, quand la
politique aura combattu toutes les formes d’oppression et permis la
libre circulation des personnes, alors il n’y aura plus de sans
papiers.

On ne peut pas dire que la récente conférence de Rabat donne
beaucoup d’espoir. La France régresse à la 18ème place au classement
des pays riches qui viennent en aide aux pays en développement (15ème
préalablement sur un peu plus de 20 pays occidentaux).
La rentrée scolaire sera agitée si, au-delà des mots et des postures,
le ministre veut réellement procéder à des expulsions massives. Nous
restons déterminés à nous opposer à la politique inhumaine et
répressive du ministre de l’Intérieur. Donc, solidarité,
mobilisation, résistance ! Nous serons aux côtés de tous ceux qui
sont menacés, qu’il s’agisse des familles, des jeunes majeurs
scolarisés ou des célibataires.

De tous ceux qui risquent d’être
renvoyés brutalement, contre leur gré, vers les situations
difficiles, parfois tragiques, auxquelles ils avaient voulu échapper.
Sud éducation appelle au rassemblement (organisations, collectifs,
associations, citoyens...) pour organiser la solidarité et faire en
sorte qu’on avance vers une régularisation massive à l’instar
d’autres pays d’Europe. Sud éducation, Resf, on continue !

ZPAJOL liste sur les mouvements de sans papiers