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Nicolas Sarkozy a-t-il du coeur ?

Publie le jeudi 15 juin 2006 par Open-Publishing
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de Laurent Greilsamer

Cela ne nous regarde pas, mais le bruit court déjà tout Paris et les
provinces. Cécilia est revenue place Beauvau, au ministère de l’intérieur.
La Cécilia. La seule, l’unique Cécilia Sarkozy.

On imagine le jeune Louis jouant dans les couloirs du ministère, peut-être
dans le bureau de son père. Louis joue tandis que monte de la France un cri
encore vague mais têtu : ne touchez pas aux enfants ! Il ne s’agit ni de lui
ni de ses camarades : il s’agit des enfants sans papiers, fils et filles de
sans-papiers venus en France illégalement. Au fil des années, ces enfants
ont été scolarisés et plus ou moins bien intégrés.

Que faire ? Nicolas Sarkozy étudie le dossier. Là, nous brodons, car nous
devons avouer que nous ne campons pas dans le bureau de Nicolas Sarkozy. Que
faire, donc ? Justement, le ministre termine la lecture de la synthèse des
rapports des préfets de la République, des préfets inquiets qui retiennent
toute son attention : depuis des mois, des enseignants, des parents et des
militants s’organisent et s’opposent à l’expulsion des enfants sans papiers
et de leurs parents. Même s’ils ont obtenu un moratoire jusqu’au 4 juillet,
leur mobilisation ne faiblit pas. Et les premiers militants de gauche ont
été rejoints par des femmes de militaires en poste en Bretagne...
Cette synthèse l’ébranle. Mais il y a aussi Ségolène, Ségo par-ci, Ségo
par-là. Par là surtout, sur son terrain : la sécurité, un monopole de droite
rentable. Voilà un autre souci. En écoutant ses préfets qui lui font part de
la colère montante d’une fraction de l’opinion, il ferait d’une pierre deux
coups : déborder Ségolène sur sa gauche et éteindre un début d’incendie.

Justement, Arno Klarsfeld arrive dans son bureau. Nicolas Sarkozy a déjà
fait appel à lui à deux reprises : il lui a demandé un rapport sur les lois
mémorielles et lui a confié une mission de réflexion sur la délinquance des
mineurs. Mais là, Klarsfeld junior vient de sa propre initiative. Il veut
convaincre le ministre de mettre un terme à la reprise des expulsions
d’enfants à la fin du moratoire. Pour lui et son père Serge Klarsfeld, qui a
rédigé le Mémorial des 11 000 enfants juifs de France déportés durant la
seconde guerre mondiale, le cas des enfants sans papiers n’est pas
négociable. Si on ne les écoute pas sur ce dossier, ils tireront à vue.

Arno plaide auprès de Nicolas : "Ces gamins parlent la langue française, ils
ont tous leurs petits copains en France, ils ont leurs habitudes à la
boulangerie du coin, leurs joueurs de foot préférés chez les Bleus et ne
connaissent rien du pays vers lequel on va les envoyer." Nicolas opine. Il
faut faire quelque chose. Et la machine Sarko se met en route. Deux jours
plus tard, devant le Sénat, le ministre de l’intérieur choisit une
immigration humaine...
Les radios parlent de "clémence". Le Monde titre à la "une" : "Sans-papiers
 : Sarkozy fait un geste". Nos confrères du quotidien espagnol El Pais vont
plus loin et décrètent : "Sarkozy a du coeur". Allons bon ! Nous qui
imaginions avoir affaire à un homme politique.

Du dernier ressac de l’affaire d’Outreau, on retiendra la difficulté du
monde judiciaire à porter le fer dans la plaie quand il s’agit de lui-même.
Le rapport de l’inspection générale des services judiciaires s’arrête là où
on l’attendait. Résumons : plus de soixante magistrats ont eu à connaître de
ce dossier qui a conduit treize innocents en prison et devant les assises,
mais la justice observe qu’elle a respecté ses règles.
Voilà décidément une affaire trop sérieuse pour être exclusivement confiée
aux juges. Peut-être faudrait-il y mettre du coeur ?

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