Accueil > « Nous ne voulons pas être les geôliers du monde » : grandes manoeuvres pour (…)

« Nous ne voulons pas être les geôliers du monde » : grandes manoeuvres pour délocaliser guantanamo

Publie le dimanche 21 août 2005 par Open-Publishing

par le Collectif guantanamo, 20 août 2005

3 ans et demi après l’ouverture du camp de concentration de guantanamo, premier goulag tropical et global de l’Empire, les hommes du Pentagone et de la Maison blanche ont du se rendre à l’évidence : guantanamo n’est pas populaire et son existence pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. La révolte contre ce bagne qualifié de “trou noir juridique” gagne désormais les bancs du Sénat et du Congrès des USA. Des élus tant démocrates que républicains réclament désormais l’ouverture d’une enquête indépendante sur les méthodes de détention et d’interrogatoire utilisées à guantanamo.

Les révélations faites par des détenus libérés sur les tortures et les humiliations exercées sur les détenus musulmans par le personnel militaire et civil affecté à la garde et aux interrogatoires ne font qu’alimenter la colère contre l’Empire aux quatre coins du monde. Il est donc temps de prendre des mesures pour effacer ou du moins occulter la tache de guantanamo. Certains, au Pentagone, seraient partisans d’une fermeture pure et simple du bagne. Mais Dick Cheney ne l’entend pas de cette oreille et milite activement pour le maintien du camp. Son intérêt est principalement personnel et financier : c’est la société Halliburton qui a raflé la plupart des contrats de construction et de maintenance du camp, ce qui représente des commissions occultes juteuses pour le vice-Président.

L’option qui a donc été choisie est celle d’un réduction du nombre des détenus à guantanamo, au prix d’une délocalisation de la majorité des 510 détenus restants. D’intenses négociations sont donc en cours entre les USA et plusieurs régimes pour transférer les détenus dans les prisons de leurs pays. Les 3 principaux concernés sont l’Afghanistan - dont 350 ressortissants sont détenus à la base militaire US de bagram, qui a servi de “centre de filtration” vers guantanamo et 110 autres sont détenus à guantanamo -, l’Arabie saoudite - dont 129 sujets sont détenus à Cuba - et le Yémen - qui a 107 ressortissants dans le goulag tropical. À terme, ne devraient rester à guantanamo que 164 détenus.

Comme l’a déclaré Matthew Waxman, assistant adjoint pour les affaires de détenus du secrétaire d’État à la Défense : « Nous, les USA, ne voulons pas être les geôliers du monde. Nous pensons qu’il serait plus prudent de transférer cette charge à nos partenaires de coalition. »

Amnesty International a condamné ces projets de délocalisation, arguant que les détenus risquent la torture s’ils sont transférés dans leurs pays et n’ont aucune garantie d’être traités de manière équitable. L’organisation cite ainsi l’exemple de Walid Mohamed Shahir Mohamed Al Qadasi, transféré de guantanamo en avril 2004 et toujours détenu au Yémen 16 mois plus tard, sans procès ni même la moindre inculpation.
Vaut-il mieux être détenu à guantanamo ou dans une prison saoudienne, yéménite, afghane ou pakistanaise ? La réponse est bien difficile. Mais il nous semble que le combat pour la liberté et la justice sera plus facile si les détenus sont dans le même pays que leurs familles, leurs amis et leurs avocats. Tant qu’ils sont à guantanamo, ils restent privés du plus élémentaire des droits. Voici 14 mois que le Pentagone fait fi de la décision de la Cour suprême US selon laquelle chaque détenu avait le droit de remettre en cause sa détention devant une juridiction US normale.

Pour ce qui est de la torture, guantanamo ne semble vraiment pas mieux loti que les prisons saoudiennes ou autres. En témoigne le cas du détenu égyptien Sami Al Lathi, 49 ans, qui est contraint de vivre en fauteuil roulant après avoir eu deux vertèbres cassées par les policiers militaires de guantanamo. Ce professeur d’anglais à l’Université de Kaboul - livré par la police pakistanaise aux USA contre une prime de 5000 $ - a quitté son pays il y a presque 20 ans et ne souhaite pas y retourner, préférant retourner au Pakistan ou en Afghanistan, où il a vécu la plus grande partie de sa vie adulte.

Reste enfin le cas de ressortissants de pays qui ne sont pas des “partenaires de coalition” des USA, du moins pas des partenaires fiables. Il s’agit de 15 Ouïghours musulmans de Chine et de 3 Ouzbeks, dont les commissions militaires ont décidé depuis plusieurs mois qu’ils n’étaient pas des “combattants ennemis” et ne constituaient pas un danger pour l’Empire. Que faire d’eux ? Les pressions d’ONG de défense des droits humains et du Congrès ouïghour mondial, qui fait du lobbying à Washington, ont empêché que ces hommes soient livrés à la Chine et à l’Ouzbékistan, où ils risqueraient sérieusement l’exécution pure et simple. Aucun autre pays ne semble être disposé à les accueillir. Ils restent donc détenus dans des dortoirs entourés de clôtures vertes à guantanamo, où ils disposent d’une liberté de mouvement supérieure à celle des autres détenus, dont ils sont totalement isolés, pour “éviter la contagion”. Un de leurs avocats propose qu’ils soient transférés dans un hôtel en dehors de la zone de détention, sans succès à ce jour : “impensable pour raisons de sécurité”, répond le Pentagone. L’avocat envisage donc de déposer en leur nom une demande d’asile politique aux USA. Bref, un vrai casse-tête chinois.

Toutes nos informations sur la galaxie guantanamo peuvent être lues à :
 http://quibla.net