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Le Paris des manifs surprises
Une voiture a foncé sur des grévistes, faisant quelques blessés.
par Karl LASKE
QUOTIDIEN : samedi 08 avril 2006 (libé)
Grosse frayeur, vendredi, boulevard Saint-Michel à Paris. Quelque deux cents lycéens pique-niquent sur le macadam à la hauteur de la place de la Sorbonne, devant le mur de grilles toujours tenu par les CRS. Vers 13 h 30, alors que la circulation est encore bloquée, une Twingo rose fonce sur un groupe de jeunes. « La voiture est partie d’un seul coup, raconte l’un d’eux. Le conducteur a voulu passer à tout prix, il est rentré dans la foule. » Un lycéen percute le pare-brise, des filles sont fauchées. « Un camarade s’est accroché à la portière et il a été traîné sur plusieurs dizaines de mètres. On a poursuivi la voiture, et on l’a renversée. » L’incident n’a fait que des blessés légers. Le conducteur était entendu, vendredi soir, par la police.
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Prison. Vers 14 heures, tandis que la Twingo est emportée par la fourrière, les lycéens remontent Saint-Michel en direction de la Santé, lieu d’un rassemblement contre la répression. Là-bas, blocage. CRS et gendarmes mobiles ont refermé le boulevard Arago. Ils retiennent plusieurs centaines de personnes au pied du mur d’enceinte de la prison. L’attente dure quelques heures. Seuls les journalistes peuvent circuler. « Il y a quatre ou cinq groupes d’actions simultanées dans Paris, expose Jean-Claude Amara, de l’association Droits devant ! Un groupe est allé au Conseil d’Etat, un autre au palais de justice. A Saint-Michel, il y a eu un regroupement lycéen devant la Sorbonne, et puis nous. » Les militants de Droits devant !, accompagnés de sans-papiers, ont rejoint le rassemblement étudiant. « Ils nous neutralisent ici pour éviter que les groupes se rejoignent », constate Jean-Claude Amara. « On s’est foutu dans un guet-apens, commente Elise, étudiante à Paris-IV. Moi, j’ai super peur pour les sans-papiers. » Les étudiants se sont assis un peu partout, certains grimpent aux arbres. D’autres jouent aux cartes. Près de la Santé, le face-à-face avec les CRS est trop long. « Je suis sûr que c’est illégal de nous retenir comme ça », dit un étudiant. Le petit cortège lycéen encore libre va et vient de l’autre côté. Ils tentent une approche aux cris de « Libérez nos camarades ! » Vers 19 heures, les forces de l’ordre desserrent leur étreinte. Les manifestants sont laissés libres de rejoindre le métro Glacière. Pas encore de reprendre la rue. Les étudiants se préparent à la « manif sauvage » de la nuit.
« Flyer ». Les manifs spontanées sont dans tous les esprits. Jeudi soir, un demi-millier de manifestants s’étaient retrouvés pour un parcours improvisé vers Ménilmontant, aux cris de « Paris ! Debout ! Réveille-toi. » Les CRS, incapables de suivre, ont chargé vers la rue Oberkampf. Elise tient le nouveau rendez-vous sur un flyer. « C’est une manif sauvage, ce soir, vendredi, aux Arts-et-Métiers », dit-elle. Message : « Manif du bruit, de nuit, et à travers Paris. Rions, chantons, les rues sont à nous. » Ils ne chanteront pas longtemps. Après avoir dérivé d’Arts-et-Métiers vers Beaubourg, le cortège a été violemment dispersé, à hauteur de Saint-Paul, par les forces de l’ordre, qui ont interpellé de nombreux manifestants.