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Postulats alternatifs

Publie le samedi 21 octobre 2006 par Open-Publishing
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de Michel Husson

Dans le débat programmatique qui se déroule actuellement, on a besoin de repères permettant de bien
distinguer les différents projets. Il faut en effet se démarquer clairement, d’une part du libéralisme pur
sucre et, d’autre part du social-libéralisme. De claires lignes de partage sont d’autant plus nécessaires
que les libéraux cherchent à récupérer les thèmes de la transformation sociale, tandis que les sociauxlibéraux
prétendent offrir une alternative au néo-libéralisme sans s’en donner les moyens.

La question de la répartition des revenus permet de faire le tri. Pour les libéraux, c’est clair : ils
entendent conserver le partage des richesses actuel, voire l’infléchir encore au détriment des salariés.
Leur postulat est que la minimisation du coût du travail devrait conduire à une sorte d’optimum social.
Ils expliquent que l’on ne doit pas descendre en dessous d’un « chômage d’équilibre » défini comme
celui qui n’accélère pas l’inflation, mais qui est en fait celui qui ne modifie pas la répartition des
revenus. En matière de protection sociale, par exemple, le principe absolu est le refus de toute
augmentation des taux de cotisation.

La position sociale-libérale repose sur un autre postulat en forme de pari. Il serait possible de concilier
le maintien de la répartition des revenus avec la poursuite d’objectifs sociaux. Mais il s’agit d’un pari
impossible qui rend bien compte des errements et des déboires passés. Pour ne prendre qu’un
exemple, les 35 heures ont conduit à une intensification du travail, dès lors que toute exigence de
création d’emplois avait été abandonnée afin de ne pas grever les coûts salariaux. Ce programme n’est
même pas un moindre mal, car il conforte les préceptes libéraux et introduit des effets pervers.
L’exemple-type est ici celui de la prime pour l’emploi qui entérine le discours patronal et institue une
zone de bas salaires compensés par l’Etat : il n’est donc pas étonnant que la droite ait conservé ce
dispositif.

Le postulat de la transformation sociale pourrait être formulé ainsi : on ne peut obtenir de résultats
durables sur le front de l’emploi sans remettre en cause radicalement la répartition des revenus.
Radicalement n’est pas ici une clause de style : la montée du chômage est en effet la contrepartie
exacte d’une baisse drastique de la part salariale. Changer la répartition - que ce soit sous forme
d’augmentation de salaires, de RTT avec embauches proportionnelles, ou de financement d’emplois
publics - est donc une condition nécessaire, mais la question qui se pose est de savoir si elle est
suffisante. Ne faut-il pas, de toute manière, impulser une croissance plus rapide comme seul moyen de
créer des emplois ? La réponse doit ici être négative : un retour de la répartition des revenus à ce
qu’elle était avant le tournant libéral du début des années 80 dégagerait des ressources adéquates aux
objectifs de la transformation sociale, sans besoin de compter sur une hyper-croissance productiviste.
Un tel scénario permettrait en outre de poser en termes concrets la question du contenu de la
croissance.

Mais même les projets alternatifs ne sont pas totalement imperméables à l’idéologie libérale, comme
en témoigne le débat sur le financement de la protection sociale. Comment interpréter autrement les
propositions visant à modifier l’assiette des cotisations plutôt que d’en augmenter le taux ? Il n’y a en
effet aucun argument économique à une telle mesure. En changeant d’assiette, on ne mordra pas plus
sur les profits qu’en augmentant le taux de cotisation, et cela ne favorisera pas plus l’emploi dans les
branches de main-d’œuvre que ne l’ont fait les baisses généralisées de cotisations sociales. Les
ressources dégagées pour la Sécurité sociale n’augmenteront que si le taux de cotisation augmente,
quelle que soit son assiette. Ce type de proposition n’a de sens que si l’on prévoit que la part salariale
continuera à baisser, mais c’est parfaitement contradictoire avec un scénario qui prévoit de
l’augmenter. Et cette augmentation procurerait, à taux de cotisation constant, les ressources
nécessaires pour couvrir la progression des dépenses de Sécurité sociale sur cinq ans. Si on n’y croit
pas, autant le dire. Ou bien on pense qu’un changement d’assiette pourra passer plus facilement
qu’une augmentation de taux. Mais cette volonté de contourner l’intransigeance patronale repose sur
une autre illusion : aucune astuce technique ne peut dispenser des affrontements entre intérêts sociaux
opposés.

http://hussonet.free.fr/

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