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Pour éviter des licenciements, ils séquestrent le patron

Publie le mardi 31 mars 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

de Mathieu Magnaudeix

Les deux directeurs sont acculés au fond de la pièce, assis devant un vasistas, quelques gobelets en plastique posés devant eux, du thé, du café. En face d’eux, dans la petite salle de réunion, une quarantaine de personnes qui leur demandent des comptes, les haranguent tour à tour, dans le désordre : leurs salariés. Depuis six semaines, 150 d’entre eux sont en grève. Ils travaillent chez FCI Microconnections, une usine de Mantes-la-Jolie (Yvelines) qui fabrique notamment des puces pour les cartes Vitale ou les téléphones portables.

Un conflit qui s’éternise, d’autant qu’il est plutôt atypique.

Contrairement à beaucoup d’autres, l’usine FCI ne va pas fermer. Il n’y a même pas eu de vagues de licenciement, et pas encore de chômage partiel. Mais les ouvriers craignent bien pire : une délocalisation d’ici quelques mois vers Singapour, où leur groupe possède une autre usine. Leur mouvement est donc d’abord préventif. Depuis le 24 février, les 150 grévistes (les ouvriers, tandis que les 250 cadres, eux, ne font pas grève) tentent de faire signer à la direction un accord où elle s’engage à mettre en place des mesures d’accompagnement des départs.

« C’est quand même la première fois que l’on voit un mouvement de grève alors qu’il n’y a pas d’annonce de plan social. » Assis sur son siège, Jérôme Duhirel, le PDG, joue l’incompréhension. Il n’est pourtant pas en position de force. Lundi matin, vers 10 heures, une petite centaine de grévistes a envahi le siège social de FCI, à Versailles, sorte de château moderne, avec ces imposantes colonnes et ces petits carrés de gazon bien taillés. Ils ont maculé les vitres de la cour intérieure d’autocollants “CGT” et de photos de braseros qui flambent, barrés d’un “En grève” inscrit en lettres rouges. Aux deux directeurs, Jean Duhirel, le PDG, et Eric Turpin, son DRH, le délégué CGT, Eric Scheltienne, lance : « Ce n’est pas une séquestration. » Ça y ressemble quand même beaucoup. Vers 13 heures, après 3 heures de confrontation, le PDG manifeste son envie de partir : « Pour partir, ça va être un peu dur. Il y a beaucoup de monde », répond le syndicaliste, provoquant des rires dans la salle.

Pendant quatre heures, le ton est vif, très tendu. La semaine dernière, la direction a lâché un peu de lest, garantissant l’emploi sur le site pour 2009 et pour 2010. Cela ne satisfait pas les salariés, qui craignent un “coup fourré”. « Donnez-nous l’assurance que dans 6 mois vous fermez pas la tôle », s’emporte une salariée. Le PDG, Jérôme Duhirel, cherche à rassurer, sans convaincre.

« Le site de Mantes, nous ne voulons pas le fermer, nous garantissons l’emploi », dit le PDG. « Vous ouvrez votre télé, votre radio, combien d’entreprises aujourd’hui, disent on ne va pas toucher à l’emploi ? » « Continental, ils l’ont fait », lui répondent les salariés. « Prouvez-nous votre bonne foi ! », dit une salariée. « Vous voulez quoi, vous mettre à la place des clients ? Allez les voir, les clients ! », rétorque le patron.

Un salarié : « On a des vies à vivre, nous ! »

Les noms d’oiseaux fusent. « Menteur, t’es comme Sarko ! », dit un jeune employé. Visiblement, les salariés n’ont plus confiance. « Vous n’êtes pas venu nous voir pendant la grève », disent plusieurs d’entre eux. Arguant de jets d’œufs et de farine, d’une « poussée de violence inexcusable » et de l’incapacité à approvisionner l’usine, la direction a saisi en référé le tribunal de grande instance de Versailles. Le 26 mars, il a donné aux grévistes 24 heures pour quitter le site. Mais ils ont poursuivi l’occupation.

Dans les couloirs du siège de FCI (Versailles), investi par les grévistes.

Dans la salle, vers 13 heures, après l’arrivée des renseignements généraux, la rumeur enfle : les RG auraient demandé l’intervention de la police. « Cela ne nous fera pas plier », dit Eric Scheltienne (CGT) de sa voix puissante. Avec le patron, le débat monte d’un cran.

« Vous pensez qu’on se fout de votre gueule ? », lance le PDG. « Je trouve délirant qu’on soit dans une telle situation alors que le site de Mantes, on garantit sa pérennité ! On vous dit qu’il n’y aura pas de plan social en 2009 et même en 2010 ! » Un salarié répond : « La vie, ça se résume pas à 2009-2010 ! On a des vies à vivre, on va pas vous attendre. » Une autre : « Moi je vous jure en 17 ans de boîte, c’est ma première grève. Six semaines, j’en ai marre. On veut reprendre le travail. Alors vous signez l’accord, on le met dans le tiroir et le jour où on voudra s’en servir on s’en servira. » Elle le supplie presque. « On ne s’en servira pas : les cartes à puces, elles marchent très bien. Mais signez l’accord, tout le monde reprend son travail et c’est très bien. »

Ce fameux accord, la direction refuse obstinément de le signer. Pour Rachid Brihi, l’avocat des salariés, c’est la preuve qu’elle joue la montre et qu’elle avait en tête un plan de réduction des effectifs. « Cette usine, c’est “chronique d’une mort annoncée”, affirme-t-il. La fermeture est écrite, des indices graves et concordants l’attestent. » Selon l’avocat, la production de l’usine de Singapour a dépassé mi-2008 celle de l’usine de Mantes. « Pour 2009, la direction promet seulement 2 milliards de puces produites, alors que le seuil en dessous duquel le site n’est plus rentable est de 1,7 milliard », dit encore l’avocat.

La direction : « Pas de délocalisation »

Jusqu’en 2005, FCI Microconnections était une filiale du groupe nucléaire français Areva. Elle a été rachetée par un fonds d’investissement américain, Bain Capital, qui s’était engagé à maintenir l’emploi… jusqu’en novembre 2008. Elle n’est donc plus liée par sa promesse. Pourtant, la direction conteste le diagnostic. « On garantit 2 milliards en 2009 en espérant faire plus, dit le PDG, Jérôme Duhirel. Il n’y a pas de mouvement de délocalisation, ni d’effet de ciseau où Mantes s’écroule et Singapour monte ! » Ces paroles, pourtant, aucun des salariés ne les croit tant que la direction n’aura pas couché ses engagements sur le papier. Au bout de quatre heures, le délégué Eric Scheltienne décide de lever le camp.

« M. Duhirel, et après je m’en vais, la question, je vous ouvre la porte une dernière fois, est-ce que oui ou non vous acceptez de signer ? Demain êtes-vous prêt à bouger l’oreille sur les revendications que nous avons posées ? » Pas de réponse. « Alors on y va, c’est bon, on rentre à Mantes-la-Jolie », lance le délégué syndical. Les salariés commencent à quitter la salle, lentement. « Mauvaise journée », lancent-ils au patron. « C’est à vous de réfléchir, lui disent-ils, nous on tiendra trois mois, quatre mois ou cinq mois. »

Parmi les grévistes, beaucoup sont issus du Val-Fourré, quartier dit “sensible” de Mantes-la-Jolie. Le patron sait en jouer. Dans la salle, il hèle un jeune homme d’origine maghrébine. « Monsieur B., vous vous rappelez qui vous a embauché ici ? Vous savez qui a soutenu votre candidature ? » L’intéressé ne se démonte pas : « Hé, monsieur, je l’ai pas volée mon embauche, j’ai fait deux ans d’intérim, hein. Pourquoi vous me parlez de mon embauche, là ? »

Avant de quitter la salle quasiment vide désormais, un de ses collègues tente une dernière fois de soutirer quelques informations au PDG. Sans plus de succès.

« 2011 ! Monsieur Duhirel, pourquoi vous voulez pas me répondre ! 2009, 2010, mais 2011, il veut pas me répondre. » Un autre tente, lui aussi : « On a des gamins, des familles… » Le DRH répond : « Nous aussi. » Le premier reprend, en tutoyant ses patrons. « Hé cousin, je vais t’expliquer. En trois mois de salaire tu fais ce que mois je gagne à l’année. Toi et moi, on n’a pas les mêmes revenus. Toi, tu gagnes 5-6 fois mon salaire. Alors maintenant quand je te pose une question soit tu me réponds soit tu me dis que tu ne me réponds pas. Je te pose une dernière fois la question : 2009, 2010… 2011 ? » Le DRH répond : « Je ne réponds pas parce que je n’ai pas la réponse. »

Mardi 31 mars, les salariés ont entamé leur 36e jour d’occupation de l’usine.

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Messages

  • Quatre cadres de Caterpillar retenus par des salariés
    Pierre Bohm (lefigaro.fr) avec agences

    31/03/2009 | Mise à jour : 12:58 |

    Des salariés sur site de Grenoble veulent obtenir une reprise des négociations du Plan de Sauvegarde de l’Emploi après la suppression de 733 postes.

    C’est le troisième cas de séquestration de dirigeants d’entreprises par des salariés en quelques semaines. Des employés retiennent le directeur de l’usine Caterpillar, le directeur des Ressources humaines, ainsi qu’un responsable du service du personnel et un responsable des produits européens dans le bureau du directeur du site de Grenoble depuis mardi matin, 10h30. Les salariés souhaitent la reprise des négociations sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)mis en place dans le cadre de la suppression de 733 emplois dans les deux usines françaises.

    « On les retient et on est en train de discuter avec eux pour qu’ils ouvrent un comité d’entreprise pour débloquer les négociations » a expliqué Benoît Nicolas, délégué CGT.

    « Ils sont un peu abasourdis » a-t-il précisé, ajoutant que selon lui, « il semble qu’ils n’aient pas de marge de négociations car ils n’ont pas tous les pouvoirs, mais je pense qu’on peut arriver à quelque chose ». De son côté, un autre délégué CGT précise qu’ « il n’y a pas de violence ou de séquestration, mais simplement des pressions pour que reprennent les négociations du PSE interrompues par la direction. « Alors que le groupe fait des bénéfices et distribue des dividendes aux actionnaires, nous voulons trouver une issue favorable à tous les salariés et savoir au plus vite ou nous allons ».

    24 000 suppressions d’emploi dans le monde

    La semaine dernière, le directeur d’une usine de l’américain 3M a été retenu par des salariés dans le centre de la France. A la mi-mars, le patron de Sony-France avait été séquestré pendant 24 heures par des employés d’une usine dans le sud-ouest.

    Caterpillar France emploie 2500 personnes en France. Le 13 février dernier, le groupe a annoncé une chute de 55% des commandes entre 2008 et le prévisionnel 2009, ce qui justifie ces 733 licenciements selon la direction. Au total le groupe américain de construction d’engins de chantier emploie 113 000 personnes dans le monde et a annoncé 24 000 suppressions d’emploi.

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/03/31/01016-20090331ARTFIG00374-quatre-cadres-de-caterpillar-retenus-par-des-salaries-.php

    .

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    • Je suis solidaire avec les ouvriers de Caterpillar et encore une fois,on voit que les syndicats on été dépassé par la base qui a elle-meme décidé de cette action !

    • « 

      Alors que le groupe fait des bénéfices et distribue des dividendes aux actionnaires, nous voulons trouver une issue favorable à tous les salariés et savoir au plus vite ou nous allons ».

      Au sujet des dividendes, en regardant "questions au gouvernement" cet aprèm’, le fils Dassault a signalé qu’il versait 1/3 des dividendes à tous "ses" salariés, ce qui est l’équivalent d’un 16ème salaire. Il a dit qu’il fallait aller dans ce sens. Il est moins ... que son père !

    • Grève à FCI Microconnections

      Leader mondial sur le Marché de la carte à puce

      Les salariés de FCI ont entamé leur :

      6ème semaine de grève !

      Leur action vise à garder leur emploi et la croissance de leur usine à Mantes la jolie.

      Les salariés en grève revendiquent la communication des volumes ainsi que la comptabilité de la division Microconnections. Ils veulent s’assurer d’une répartition suffisante des volumes entre notre site de Mantes la jolie et celui de Singapour, pour assurer la pérennité des emplois sur Mantes ainsi que la croissance du site.

      Depuis plusieurs mois, la Direction refuse la transparence de l’activité du site asiatique (Singapour) ce qui a aboutit à la grève le 24 février.

      Depuis le début du conflit :

      * La Direction refuse la médiation extérieure demandée par les représentants syndicaux,
      * La Direction assigne les grévistes devant le tribunal de grande instance, après 4 semaines de silence total,
      * La Direction désinforme les non-grévistes au risque de les monter contre leurs collègues grévistes,
      * La Direction fait enfin une proposition irrecevable le jour du prononcé du tribunal, dans le but de justifier sa demande d’intervention des forces de l’ordre,

      A ce jour, la Direction ne justifie toujours pas son manque de transparence sur l’activité de Singapour,

      Vous avez certainement une carte à puce !

      Bancaire, vitale et téléphone !

      Alors vous avez un produit fabriqué à Mantes la Jolie depuis 20 ans.

      Le « savoir faire » pour cette invention Française ainsi que sa production est en passe d’être transférée en Asie !

      Nous sommes 200 ouvriers, techniciens et agents de maîtrise toujours en grève depuis le 24 février et nous le resterons jusqu’à ce que nous ayons la certitude que nos emplois, la pérennité et la croissance de notre site ne soient plus menacés !

      Vous pouvez nous aider à tenir et contribuer à ce qu’une entreprise de plus ne soit pas sacrifiée sur l’autel du profit et de la rentabilité !

      Pour cela, venez nous rencontrer chez FCI au ;

      37 rue des closeaux à Mantes la Jolie. Tél : 01 34 76 43 48.

      Ou lors de nos actions sur les routes de la région Mantaise,

      Vous pouvez aussi adresser vos dons à l’adresse suivante ;

      COMPAIN – BP 71203 - 78202 Mantes cedex

      Et visiter notre site Internet : fci-mantes.e-monsite.com

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