Pour la démocratie, pour le pluralisme de la presse

de Patrick Le Hyaric

Toutes celles et ceux qui ont la démocratie au coeur, toutes celles et ceux qui sont attachés aux valeurs fondamentales de la République ne peuvent qu’être préoccupés, inquiets, révoltés par les évolutions dramatiques que subit la presse écrite quotidienne.

France Soir, Libération et l’Humanité sont aux prises avec des difficultés économiques qui peuvent leur être fatales. La plupart des autres quotidiens ne peuvent exister que parce qu’ils sont adossés à de grands groupes industriels.

Il faut bien constater la cohérence entre, d’une part, l’autoritarisme et la violence sociale imposée à la classe ouvrière, aux chômeurs, aux jeunes, aux familles populaires et, d’autre part, une stratégie multiforme de dévalorisation des métiers de la création intellectuelle, artistique, scientifique.

De l’enseignant au chercheur, de l’avocat à l’architecte, du médecin au journaliste, des artistes et techniciens du spectacle à l’archéologue ou au cadre, tous subissent le rouleau compresseur du capital sur leurs conditions et moyens de travail. Désormais, tout ce qui participe à la création, à la pensée, à nourrir l’imaginaire pour l’émancipation des individus est attaqué de front dans le pays de Voltaire et Rousseau. Il ne faut pas laisser faire !

Ce qui se passe chez notre confrère Libération, comme ce qui s’est passé à France Soir est insupportable et porteur de gros risques pour l’avenir. On peut toujours, dans ce pays, se donner bonne conscience en se réclamant de la liberté de la presse. Mais où est cette liberté quand on ne laisse aux journaux d’autre alternative que leur rachat par des financiers ou leur fermeture ?

Parce qu’ils sont porteurs de débats, d’analyses, d’éléments de connaissance, les journaux quotidiens sont constitutifs d’une société actrice de son avenir. Or, construire l’avenir nécessite la circulation de réflexions, de confrontations d’idées, de pensées, alors que le capital ne peut penser que le court terme, c’est-à-dire sa rémunération sous forme de dividendes. Il y a bien incompatibilité entre les missions d’intérêt général pour la démocratie des quotidiens et un prétendu nouveau modèle économique pour la presse, qui ne serait que sa soumission aux impératifs bornés de la loi de l’argent.

Si une conception d’abord marchande des journaux, voire de l’information prévalait, on aboutirait à terme à une uniformisation de celle-ci, au triomphe d’une pensée unique. Ce serait la porte ouverte à tous les extrémismes, à tous les obscurantismes. Des peuples le payent déjà au prix fort : le prix de leur liberté et de leur espoir d’émancipation. Voilà pourquoi nous appelons au sursaut. C’est le sens de la journée d’action et de débat que nous organisons demain au siège de l’Humanité.

Notre appel concerne l’État. Il doit être le garant du pluralisme de la presse. Notre appel s’adresse aussi à nos confrères éditeurs de presse et au monde économique. Recréons de nouvelles solidarités, de nouveaux systèmes de mutualisation et de coopération. Nous renouvelons avec force notre proposition d’organiser des états généraux pour le pluralisme de la presse. Ceux-ci devraient déboucher sur des propositions permettant au Parlement de légiférer sur les nouveaux moyens à mettre en oeuvre pour sauvegarder le pluralisme de la presse. Un important mouvement de lectrices et de lecteurs, d’amis, de personnalités d’opinions diverses se développe en soutien à l’Humanité. Les pouvoirs publics doivent maintenant en tenir compte rapidement. Prenons garde ! Un peuple qui abandonnerait au monde des affaires les outils indispensables à sa formation, à la construction de sa pensée, à son imaginaire, se condamnerait à une liberté plus que précaire.

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