Accueil > Protestation sociale en Israël : Serez-vous solidaires des Palestiniens ?

Protestation sociale en Israël : Serez-vous solidaires des Palestiniens ?

Publie le vendredi 13 juillet 2012 par Open-Publishing

"Les Israéliens qui prennent part au mouvement de protestation sociale peuvent-ils moralement demander des logements à bas prix à Tel Aviv, tandis qu’à seulement quelques kilomètres de là, le même système de pouvoir visé par les manifestants a transformé des villages entiers en camps de réfugiés ?", interroge Udi Pladott*

"La semaine dernière, Haaretz a publié une tribune de Yotam Marom, organisateur d’ « Occupy Wall Street ». L’article se présente comme « Conseil de la part du mouvement d’Occupation » au mouvement de protestation sociale en Israël, qui a été récemment confronté à la violence excessive de la police à Tel Aviv.

Cependant, les activistes israéliens n’ont pas besoin d’aller outre-mer chercher des conseils ou de l’inspiration pour s’opposer aux forces de l’oppression dans la société juive israélienne. On peut trouver l’héritage de Gandhi, de Martin Luther King Jr., des Égyptiens de la Place Tahrir et des Indignados d’Espagne tout près de chez nous : Les activistes israéliens n’ont qu’à regarder ce qui se passe à Bil’in, Ni’lin, Nabi Saleh, Sheikh Jarrah et al-Arakib pour savoir ce qu’est la douleur de la répression et la valeur de la résistance.

Marom montre bien comment la privation sévère a un effet disproportionné sur ceux qui sont déjà marginalisés, mais il oublie d’identifier la population qui est manifestement marginalisée, opprimée, déplacée et dépossédée après avoir subi la politique et les pratiques des Israéliens pendant des décennies : le peuple palestinien.

Alors que les manifestants israéliens se rallient contre la hausse des prix des logements, des denrées alimentaires, de l’éducation et des services de santé, personne ne reconnaît que leurs avantages sociaux actuels, bien que relativement érodés, se sont accumulés grâce à l’exploitation du peuple palestinien. Peut-on vraiment exiger des logements à bas prix à Tel Aviv, tandis qu’à seulement quelques kilomètres de là, le même système de pouvoir visé par les manifestants a transformé des villages entiers en camps de réfugiés ?

En vérité, nous avons passé certains de nos meilleurs moments d’ « Occupy Wall St. », quand nous avons reconnu - comme le montre Marom – que les communautés opprimées subissent toutes sortes de formes de violences systémiques jour après jour, et que cette violence est bien plus destructive que celle que nous subissons dans les rues de New York lorsque nous protestons. C’est seulement après avoir suivi l’exemple de ceux qui sont les plus touchés par cette violence et nous être sentis solidaires avec eux contre la saisie des maisons et contre la politique raciste de la police new-yorkaise (NYPD) - « Stop & Frisk » (contrôler-fouiller), que nous concrétisons vraiment le monde dans lequel nous voulons vivre.

Les organisateurs du mouvement social actuel en Israël, ont habilement formulé leur message afin d’éviter de s’aliéner une partie du public israélien et d’attirer un large public. C’est peut-être en pensant à ce message prudent et circonscrit, que Marom a évité de parler de l’oppression israélienne des Palestiniens – ni ceux qui sont citoyens de l’état israélien, ni ceux qui vivent dans les Territoires Occupés ou au-delà. Mais ne pourrait-on pas créer une coalition beaucoup plus enthousiaste, si on se mettait du côté des plus opprimés ?

L’été dernier, et de nouveau durant maintenant plusieurs semaines, les Israéliens ont prouvé qu’ils étaient prêts à sortir dans la rue pour défier le système de puissance économique qui règne là depuis si longtemps.

Je vous prie de ne pas limiter la portée et le potentiel de votre mouvement en adoptant les failles nationales et ethniques dans la construction en même temps que la limitation de l’identité collective de votre mouvement. Le même système qui est l’objet de votre protestation perpétue et glorifie ces failles. Ce manque de solidarité entre tous à l’intérieur de son domaine, lui permet de fonctionner. Par exemple, il dresse les Israéliens contre les demandeurs d’asile africains, masquant délibérément le fait que les quartiers pauvres de Tel Aviv étaient sérieusement négligés bien avant le récent afflux de réfugiés et d’autres travailleurs itinérants.

Ici, le groupe de travail pour la justice dans le monde (Global Justice Working Group) d’« Occupy Wall Street » a montré comment nos combats dans notre pays sont inextricablement liés aux combats mondiaux contre l’oppression et l’injustice. Nous demandons des conseils aux gens qui sont directement touchés par ceux contre lesquels nous protestons et nous suivons leur exemple aussi souvent que possible. Ceci a amené le groupe à trouver comment le gaz lacrymogène produit aux États-Unis (et souvent financé par le contribuable américain) est employé contre les manifestants de la société civile dans plusieurs pays. Le gaz utilisé contre nos amis à Oakland et Seattle est produit par les mêmes compagnies qui fournissent les forces d’oppression à Barhain, en Égypte, en Tunisie, au Yémen et, oui – aussi à Nabi Saleh et Bil’in. Les Israéliens qui se soulèvent pour réclamer la justice sociale et économique feraient bien d’identifier leur oppresseur et de voir qui a souffert le plus sous cette force violente : Ces gens sont vos alliés – ceux dont la libération est liée à la vôtre.

Comme Marom nous le fait remarquer, on peut beaucoup apprendre de la réaction violente de l’état, quand on réussit à contester le statu quo. Évidemment, la répression du mécontentement n’a pas débuté la semaine dernière en israël. Il y a une longue histoire de violence à mettre à l’étude. Même si on choisit de ne pas prolonger notre enquête au-delà de la ligne verte, vous vous rappelez peut-être comment, en avril dernier, le « Jour de l’Indépendance », la police a assiégé le bureau de ZOCHROT à Tel Aviv, parce que les activistes voulaient y lire la liste des villages palestiniens qui avaient été rasés en 1948. Vous vous souvenez peut-être aussi des événements d’octobre 2000, qui ont causé la mort de treize citoyens palestiniens d’Israël. C’étaient aussi vos alliés. Soutenez leurs familles. Défendez leur mémoire et un avenir dans lequel leurs communautés ne seront pas constamment menacées et appauvries.

En Israël, où votre libération est étroitement liée à celle du peuple palestinien, regardez où vous pouvez travailler ensemble, pas seulement sous les dirigeants israéliens. Que demandent les Palestiniens ? Comment pouvez-vous les épauler ? Il existe plusieurs groupes de Juifs et de Palestiniens qui travaillent ensemble pour la justice depuis de nombreuses années. Allez-vous orienter votre énergie vers le soutien de « Solidarity – Sheikh Jarrah » ? Allez-vous soutenir « Boycott from Within » et d’autres Israéliens qui répondent à l’appel de la société civile palestinienne à se joindre au mouvement « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » ?

Le combat pour la libération, l’indépendance, la sécurité et l’égalité qui se fait aux frais d’un autre peuple, n’est pas un vrai combat de libération. Quand notre combat pour la libération ne tient aucun compte de l’oppression d’un autre peuple par nos propres mains, nous demeurons pieds et poings liés.

Le mouvement de protestation sociale israélien se trouve devant le défi et l’occasion de faire cesser son isolement, et de se joindre au mouvement mondial. C’est un mouvement pour la justice sociale et économique ; son but est de mettre fin à la domination de nos systèmes politiques par les élites financières, mais c’est bien plus un mouvement qui va au-delà des frontières entre les états-nations et qui demande la récupération des ressources nationales pour le bien de tous. Libérez-vous en combattant pour la fin de l’occupation de la Palestine, sans laquelle aucun de nous ne sera jamais libre".

*Udi Pladott est un militant du mouvement "Occupy Wall Street". Il est également développeur de logiciels basé à Brooklyn.

(Traduit par Chantal C. pour CAPJPO-EuroPalestine)

http://www.europalestine.com/spip.php?article7460