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Quand Bayrou et Bové puisent aux mêmes sources de l’antimodernité
Publie le dimanche 13 mai 2007 par Open-Publishing7 commentaires
source http://www.lefigaro.fr/debats/20070...
Par Jean Jacob , maître de conférences en sciences politiques à l’université de Perpignan
François Bayrou et José Bové partagent quelques influences communes qui les placent aux marges d’une certaine philosophie progressiste. C’est non sans malice que le candidat centriste (traduire démocrate-chrétien) à l’élection présidentielle, François Bayrou, avouait récemment au micro de France Culture être bien plus proche de certains milieux altermondialistes et écologistes qu’on pourrait le penser.
Dans la troisième livraison de la revue Le Meilleur des mondes qui vient de paraître, il donne à ses lecteurs quelques éléments complémentaires sur le sujet. Adolescent, il a été fortement impressionné par la personnalité de Lanza del Vasto puis, jeune adulte, par la figure de Jacques Ellul. Il n’a pas été le seul. Le syndicaliste paysan José Bové, également candidat à la même élection présidentielle, a aussi souvent fait état de ces deux influences. Ainsi Lanza del Vasto et Jacques Ellul ont eu leur petite postérité et drainé quelques disciples dans le sillage de Mai 1968. Mais dans le giron de « seventies » non violentes nimbées de spiritualité et de gravité existentielle.
Cependant, c’est souvent vainement que l’on cherchera dans les articles ou ouvrages politiques trace de leur passage sur terre. Esprits profondément religieux, ces deux penseurs ont en effet longtemps subi un certain ostracisme et très vite été relégués aux oubliettes de l’histoire politique française par de nombreux commentateurs, embarrassés de trouver des esprits aussi antimodernes dans le sillage de Mai 1968 et dans le terreau de l’écologie politique naissante.
Lanza del Vasto (1901-1981) était indubitablement réactionnaire. Marqué par Gandhi, ce docteur en philosophie situait néanmoins sa réflexion à la confluence de différentes traditions spirituelles, dont le catholicisme. De nombreux ouvrages en ont témoigné. Violemment hostile à l’individualisme du monde contemporain, déplorant les méfaits de la Révolution française, Lanza del Vasto s’était ainsi fait le chantre d’un mode communautaire de vivre-ensemble très austère. Il avait ainsi tenté de façon très concrète de donner corps à sa révolte. C’est lui, en effet, qui avait fondé les fameuses Communautés de l’Arche, de véritables lieux de vie en quête d’autarcie maximale. Ces communautés se situent aux antipodes du monde moderne, de toute façon promis à une prochaine apocalypse. On ne saurait manifester réaction plus radicale vis-à-vis du monde moderne...
Jacques Ellul (1912-1994) jouit depuis peu d’un regain de notoriété dans certains milieux alternatifs. Mais c’est bien une maison d’édition de droite, La Table ronde, qui réédite aujourd’hui frénétiquement un bon nombre de ses écrits. Non sans raison. Historien du droit réputé, auteur prolixe (une soixantaine d’ouvrages !), Jacques Ellul a, en effet, dans de nombreux écrits, proposé une analyse désespérante du monde contemporain, selon lui phagocyté par la technique. Dans de nombreux ouvrages, il a peint avec de sombres couleurs la situation de l’homme moderne, qui n’aurait plus prise sur rien. Dans sa fureur contre le monde moderne, il est allé jusqu’à se demander, par exemple, si le sida ne serait pas la manifestation d’une forme de jugement de Dieu sur notre perversion sexuelle...
Aujourd’hui, Lanza del Vasto et Jacques Ellul paraissent bien loin des préoccupations contemporaines. Néanmoins, ces deux penseurs de droite ont encore, l’un et l’autre, des disciples particulièrement actifs. Il suffit de feuilleter de temps à autre le mensuel non violent Silence, la revue trimestrielle L’Écologiste ou l’impertinent mensuel La Décroissance pour croiser des adeptes des Communautés de l’Arche en quête d’un mode de vie alternatif en France. Aux États-Unis, une Jacques Ellul Society a été créée dans le sillage d’une très puissante Foundation for Deep Ecology, qui finance quant à elle, par millions de dollars, des actions contre la mondialisation et le nivellement culturel. Plus globalement, ces militants, Français ou Américains, ne sont pas sans chérir une forme de vie communautaire présumée plus en harmonie avec la nature.
José Bové a rappelé, à maintes reprises, la vitalité des communautés dans le monde entier et l’importance des racines paysannes. Tout comme François Bayrou n’a cessé de plaider en faveur d’une reconnaissance des communautés de proximité, des identités régionales et des corps intermédiaires. En tout état de cause, on rompt dans ces différents cas de figure avec un certain optimisme des Lumières qui pensaient que la politique pourrait, sur terre, renverser radicalement ces assignations à résidence communautaire en faisant table rase du passé et traduire ainsi concrètement les idéaux de liberté et d’égalité.
Messages
1. Quand Bayrou et Bové puisent aux mêmes sources de l’antimodernité, 13 mai 2007, 23:25
Ne nous leurrons pas. Tout ce qui sort du Figaro concernant Bayrou, ennemi juré de Sarkozy, durant la campagne présidentielle, est calculé. Volonté de marginaliser Bayrou en l’assimilant à un anarcho-syndicaliste réactionnaire, quel artifice ! Ravaler le courant démocrate chrétien à un courant antiprogressiste ... Le Figaro qui naguère sous Giscard tressait des lauriers à Lecanuet ... Le Figaro qui a toujours pris le catholiscisme dans le sens du poil pour bien se démarquer de ses concurrents "le Monde" ou "Libération" ... Le Figaro toujours très bienveillant à l’égard de la médiatique (et réac) Christine Boutin ... Venir réduire Bayrou à un pantin antiprogressiste. Se servir de José Bové comme point de référence en vue de les cataloguer tous les deux à des "petits" candidats de témoignage. C’est très bien. Le Figaro est beaucoup plus clairvoyant et intelligent que nos concitoyens, surtout pour passer la brosse à reluire sur le candidat Sarkozy . L’emprise des politiques sur les "grands" médias est sidérante.
1. Anti-modernité de droite et de gauche, 14 mai 2007, 16:32
Que Berg International, éditeur spécialisé sur les questions juives, ait publié un livre de ce "maitre de conférence en sciences politiques" devrait aider à comprendre certaines positions. De là à ranger Lanza del Vasto et Jacques Ellul parmi les "réactionnaires de droite", au motif que ce monsieur semble (ou fait semblant d’) ignorer (pour mieux l’occulter....) qu’il y a toujours eu AUSSI une pensée anti-moderne de gauche, il pousse le bouchon un peu loin.
Gageons qu’un jour ou l’autre, Berg publiera une passionnante histoire de ces chrétiens socialistes de la première heure, excommuniés en raison de leur activité politique ou de leur sensibilité de gauche, et de cette gauche chrétienne libre, "libertaire" et anti-moderne, qui toutes deux, connurent leurs heures de gloire au XIXème siècle, avant de s’illustrer au XXème siècle sous les figures diverses d’un Lanza del Vasto, d’un Jacques Ellul (pasteur protestant) ou d’un Ivan Illich (théologien plus connu pour ses positions tiers-mondistes..)
C’est cette même gauche chrétienne libertaire, qui n’a nullement besoin qu’on lui explique la différence entre Bayrou et Sarkozy, qui se profile aujourd’hui derrière les accents anti-malthusiens des adeptes de la "Décroissance" .....
Vous n’avez donc pas fini d’entendre parler d’eux... et les "Jean Jacob" de "Berg International" n’ont pas fini de les vouer aux gémonies.
Corcovado
2. Quelles sources pour l’auteur ?, 14 mai 2007, 10:32
Depuis quand portez-vous de la propagande réactionnaire ? Je suis très déçus.
Nous assitons à une véritable révolution qui peut mettre le citoyen au coeur du système. Le système essaie de résister, cet article est un exemple.
Assez du monopole de deux partis UMP-PS (soit 700 000 encartés) ! Avec 55 % des électeurs (encore parce que l’on a fait peur aux citoyens avec des sondages bidons), ils vont avoir 100 % du parlement. Soyons pragmatique, ce n’est pas comme cela que l’on servira nos idéaux.
Suivons ce qui ce passe au centre de l’échiquier. avec vigilance, mais aussi avec espoir
Olivier
1. Quelles sources pour l’auteur ?, 14 mai 2007, 10:49
pour suivre ce qui se passe, il faut être informés, d’où la publication de cet article, non ?
2. Quelles sources pour l’auteur ?, 14 mai 2007, 10:57
"AU CENTRE DE L’ÉCHIQUIER... ESPOIR" ?
Croyez-vous vraiment ? Je pourrais dire moi aussi à "l’hébergeur" qu’il abrite une pensée réactionnaire puisque "centriste", mais je préfère discuter l’idée en elle-même. C’est ainsi qu’on s’affute en se confrontant, et qu’on produit des convergences.
Pour l’heure, je pense qu’il est bien plus intéressant de regarder ce qui a fonctionné de manière si dévastatrice à droite, et aussi qu’est-ce qui a fait défaut si gravement à gauche que nous avons perdu l’occasion pour la première fois en 25 ans, non seulement d’une alternance, mais bien plus, l’occasion d’une alternative véritable.
Pour moi l’espoir n’est absolument pas au centre de l’échiquier mais bien à gauche.
NOSE DE CHAMPAGNE
3. Quelles sources pour l’auteur ?, 15 mai 2007, 12:46
Moi,
je trouve cet article riche d’enseignements ,la presse écrite n’est pas nulle en France même celle de droite ! Il faudrait aussi peut-être fouiller du coté des réseaux, "sortir du nucléaire" "des opposants à la chasse" "à la tauromachie" etc..
Les sectes religieuses souvent au service de l’anti-communisme, sous couvert pseudo humaniste, ne doivent pas être très loin de ces mouvements, qui en embarquant les naîfs ,servent de chambre de décompréssion dans le systéme libéral, pour des militants sincèrement opposés au capital !
cocolibre
3. Quand Bayrou et Bové puisent aux mêmes sources de l’antimodernité, 22 mai 2007, 11:59
Lanza Del Vasto et Jacques Ellul ne sont pas de droite. De même ils me semblent impropre de dire qu’ils seraient de gauche. Leurs propos se placent sur un autre axe : Je pense qu’il est juste de les rattacher aux courants de pensée écologiste. Attention toutefois, leurs oeuvres et leurs actions ne se limitent pas à l’écologie.
Le Figaro est vraiment un journal de propagande qui n’hésite pas à s’éloigner de plus en plus loin de la vérité. Il semble que le raccourci monstrueux qu’ils opèrent consiste à considérer que les croyants seraient forcément de droite et que les athés seraient forcément de gauche. C’est FAUX !
Par contre, il me semble vrai que François Bayrou et José Bové partage certaines valeurs défendus par ces auteurs, chacun à leur façon. Personnelement, je trouve que c’est tout à leur honneur.
Richard Plaussu