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Cette étrange question de Bourdin à Dumas sur "l’influence juive"
Jean-Jacques Bourdin est redoutable. Il a réussi à faire dire à Roland Dumas qu’il pensait que Manuel Valls est "sous influence juive". La formule est terrible et accablante.
C’était ce lundi 16 février, sur RMC. Répondant aux questions de l’animateur vedette de la station, l’ancien président du Conseil constitutionnel, évoquait ses différends avec Manuel Valls, mettant en avant le fait qu’il avait bien plus défendu la cause des Palestiniens que l’actuel Premier ministre, sous-entendant que Manuel Valls était moins sensible à cette cause du fait que son épouse l’influencerait.
"Sous prétexte que je défends les Arabes contre les Israéliens, il m’a agressé un jour alors que je le connais à peine. [...] Chacun sait qu’il est marié avec quelqu’un.... quelqu’un de très bien, je dirais, qui a de l’influence sur lui", désignant ainsi la compagne du Premier ministre, la violoniste Anne Gravoin.
Pressé par Bourdin, qui voulait lui faire dire ce qu’il ne voulait pas vraiment dire, Roland Dumas a fini par céder quand son interlocuteur lui a demandé s’il pensait que le chef du gouvernement était "sous influence juive".
"Probablement, je peux le penser"
Dumas n’a pas prononcé la formule, mais il l’a reprise à son compte, ce qui revient au même. A la question « Valls est-il sous influence juive ? », Dumas a répondu : « Probablement, je peux le penser ».
Et il a ajouté : "Pourquoi pas. Pourquoi ne pas le dire !". Puis il a terminé en rappelant qu’il venait de publier un livre intitulé "Incorrect".
Appliqué à Manuel Valls, ce "politiquement incorrect", vertu falsifiée de l’époque inventée par les profanateurs de République de tous bords, est plus que malvenu dans une France contaminée par Dieudonné et autres colporteurs de l’antisémitisme réanimé, propagé par sous-entendus et messages codés, sous couvert d’humour et de liberté d’expression.
Il est inutile d’en rajouter, sauf à déplorer que le Dumas d’aujourd’hui s’écarte de ce que fut le Dumas d’autrefois.
Reste une question, que peu de voix posent parmi celles qui s’élèvent pour condamner Roland Dumas. Quel était l’objectif de Jean-Jacques Bourdin en cherchant à faire dire à Roland Dumas ce qu’il pressentait être politiquement incorrect ?
En apparence, Bourdin a fait son travail d’interviewer. Il a fait apparaître, par les mots, la vérité que Roland Dumas se refusait à formuler. Mais une fois obtenu l’acquiescement de l’ancien président du Conseil constitutionnel à la formule "sous influence juive", le comportement de Bourdin étonne qui contemple la séquence filmée de l’entretien.
Le sourire de Jean-Jacques Bourdin
Car Bourdin ne conteste pas la reprise de sa formule par Dumas. Il la précise même par une nouvelle question : "Sous influence de sa femme ?", comme s’il voulait mettre trois points sur le même "i". Une fois l’essentiel acquis, l’œil de Bourdin frise, puis il sourit, tout en en plongeant dans ses fiches. Oui, Bourdin sourit, affichant l’air assuré de celui qui vient de faire un joli coup.
Bourdin sourit, mais ne réprouve pas.
Bourdin sourit, mais ne réagit pas.
Bourdin sourit, mais ne questionne pas Dumas en lui demandant par exemple : "Vous rendez-vous compte de la portée de vos propos ?".
Le sourire de Bourdin est celui de l’enfant qui joue avec des allumettes sans réaliser la dangerosité de ce qui l’amuse. Bourdin a obtenu de Dumas, même de manière indirecte, ce qu’il en attendait. Bourdin a posé une question comme en rêvent les admirateurs de Dieudonné. Pire encore, il l’a fait sans la relativiser, sans exercer un quelconque droit de suite envers Roland Dumas.
Un objet de divertissement
En l’espèce, Bourdin est emblématique de ces personnalités médiatiques de la décennie audiovisuelle, qui exercent leur activité sans jamais vouloir mesurer les conséquences de leur ligne éditoriale et transforment l’actualité un objet de divertissement et de bruit médiatique.
Entendons-nous bien : Roland Dumas est responsable de son acquiescement à la question posée "Valls est-il sous influence juive ?", mais cela ne doit pas dispenser de s’interroger sur le fait qu’un journaliste d’une grande radio ose aussi poser la question en ces termes.
Demander s’il existe "une influence juive", quels que puissent être le contexte ou la forme, c’est nécessairement induire l’idée qu’une telle influence puisse exister dans la France d’aujourd’hui. Et c’est là, sur ce point précis, la formulation de la question par Jean-Jacques Bourdin, que le doute est de rigueur. La mise en cause de la responsabilité du journaliste s’impose.
Fallait-il poser cette question ? Fallait-il employer cette expression "sous influence juive" ? Fallait-il laisser passer, sans réagir, l’approbation de Dumas ? Fallait-il sourire, comme si tout cela n’était qu’un divertissement sans autre prétention que de faire du bruit médiatique ?
Bourdin n’a pas mesuré la portée de sa question, son comportement en atteste. Il a oublié qu’un journaliste, exerçant sur un média grand public, est aussi un créateur de lien social et qu’à ce titre, parfois, il est utile de penser au préalable les questions que l’on pose et les conséquences qui peuvent en résulter. Il n’est pas interdit d’être journaliste et responsable.
D’ailleurs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a annoncé lundi qu’il instruisait un dossier, après l’échange controversé sur le fait que Manuel Valls serait "sous influence juive". "Nous instruisons un dossier", a déclaré une porte-parole du gendarme de l’audiovisuel, sans préciser ce qui était visé exactement dans cette enquête.
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