Accueil > Reconquérir les services publics
Une hausse de 12 % sur le gaz : c’est le résultat de la privatisation de Gaz de France (GDF), coté en Bourse. Provocation politique ? Non, l’effet du marché qui dicte ses lois. En l’occurrence, le marché mondial du pétrole répercute le prix de l’or noir sur celui du gaz naturel, dont dépend GDF. Et c’est le consommateur qui trinque, une fois sur l’essence, une fois sur le gaz ! Non, répond Jean-François Cirelli, le PDG de GDF. Car l’entreprise va faire des « remises commerciales » aux foyers chauffés au gaz. « Le marché » est intelligent : il segmente la clientèle. France Télécom nous avait déjà fait le coup, la SNCF aussi, anticipant dans leurs prix opaques une gestion marchande.
S’il fallait une preuve de la nocivité des privatisations, en plus de toutes celles que la déferlante mondiale a déjà fournies (pannes gigantesques, dangers des trains privés, etc.), l’affaire Gaz de France, même si Villepin s’interpose, en est une bien cynique. Voilà encore une raison, parmi des centaines d’autres, de ne pas perdre une minute pour préparer la grande manifestation nationale du 19 novembre, à laquelle nous invite la Fédération des collectifs de défense et de développement des services publics.
Ce nouvel outil unitaire, né à Guéret le 5 mars dernier, est devenu en quelques mois une « convergence pour les services publics », un regroupement de populations et d’élus réagissant contre l’illégitimité du pouvoir à imposer des politiques destructrices, fédérant des syndicats (CGT, FSU, Solidaires), des associations (Attac), des partis politiques, notamment les composantes du « non » de gauche. Plusieurs dizaines de collectifs couvrent le pays. Une charte est en préparation.
La réussite du 19 novembre est nécessaire pour consolider ce réseau de lutte. La banderole de Guéret affichait un message clair : « Résister, rassembler, reconquérir. » Il faudra amplifier la portée nationale de cette devise. Cela commence par la transcription, dans l’agglomération francilienne, du maillage de solidarité territoriale, où se sont enracinés les premiers collectifs (Creuse, Bretagne, Charente, Dordogne, Gers, etc.). Les zones urbaines sont à l’évidence des lieux où le besoin de services publics, de liens sociaux, de gratuité, de solidarité, sont criants. En Île-de-France, il faut vingt minutes de RER pour accéder aux Halles à Paris, le plus grand centre commercial européen depuis la banlieue. Mais il faut des heures de patience pour les trajets de banlieue à banlieue. Alors que le gouvernement ferme les bureaux de poste ruraux pour « non-rentabilité », il laisse ceux des quartiers populaires se transformer en zones de misère, où les « clients » sont triés selon leurs revenus.
La spéculation immobilière enrichit les propriétaires friqués, mais les pauvres s’entassent dans des logements insalubres. Les chômeurs peuvent rapidement se retrouver à la rue, à devoir faire la mendicité dans l’anonymat et l’indifférence générale. C’est dans cet univers d’inégalités que les principes d’égalité, d’universalité et de mutabilité (c’est-à-dire d’adaptation aux besoins nouveaux), qui sont la tradition des services publics, devraient être mis en avant le 19 novembre. L’événement doit aussi servir de lien militant entre les forces engagées, les élus et les associations.
Le deuxième défi du 19 novembre concerne les grands services publics nationaux. Après la défaite de la SNCM, la sonnette d’alarme doit être tirée. Il reste peu de temps pour faire comprendre à Villepin que la privatisation effective d’EDF, autorisée par son statut, ne sera pas être tolérée. Que l’exemple de Gaz de France est édifiant ! La reconquête du service public à 100 %, à EDF, comme à France Télécom ou à Air France, doit être une revendication placée en tête de manifestation le 19 novembre. Il faudra y ajouter le refus des trains privés ; le développement - et non l’abandon - des lignes de chemin de fer pour lutter contre le tout-camion suicidaire ; le transport collectif gratuit, si on veut vraiment arrêter l’envahissement des voitures asphyxiantes ; l’arrêt du fonctionnement des hôpitaux sur le modèle de centres commerciaux de soins, etc. En bref, la reconquête des services publics, leur développement, leur amélioration pourraient satisfaire d’immenses aspirations populaires, qui changeraient la vie et créeraient des emplois qualifiés.
Mais cela ne peut être pérennisé qu’à partir d’un environnement européen et international favorables. C’est pourquoi, le 19 novembre, dans la foulée du « non » de gauche, le 29 mai, nous crierons aussi notre « non » définitif à la directive Bolkestein, revisitée ou non, et notre refus de l’Accord général pour le commerce des services (AGCS), préparé par l’OMC contre l’avis et les besoins des peuples du monde entier. Le 19 novembre, nous exprimerons notre choix de société. Comme le dit Bernard Defaix, porte-parole de la Fédération, le service public est aussi un pas en avant vers « l’émancipation sociale ».