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Ronal : délocaliser à tout prix

Publie le lundi 14 juin 2004 par Open-Publishing

de Fanny Doumayrou

Pour profiter du dumping social, ce fabricant de jantes automobiles coule son usine de Moselle, tout en développant sa production en Pologne et en Tchéquie.

Le sort des 170 salariés de l’usine de jantes automobiles Ronal à Saint-Avold en Moselle est suspendu à la décision que doit prendre ce matin le tribunal de commerce de Sarreguemines. L’entreprise, appartenant au groupe allemand Ronal basé en Suisse, se déclare en cessation de paiement. Mais à l’audience, l’avocat du comité d’entreprise Ralph Blindauer entend démontrer qu’il s’agit d’une faillite organisée par la direction, sur fond de délocalisation de la production en Pologne et en République tchèque.

Depuis plus d’un an, la direction balade de ses mensonges salariés et pouvoirs publics. En juin 2003, Ronal France affirme qu’une baisse de commandes l’oblige à mettre les salariés en chômage partiel. D’abord une semaine par mois, puis une semaine et demi à partir d’octobre, puis deux semaines à partir de mars. " À l’époque, nous avons alerté l’inspection du travail, pour lui dire que ce n’était pas normal que l’État subventionne ce chômage partiel, car l’entreprise n’était pas en difficulté réelle, explique Stéphane Zervos, délégué CGT. Mais nous ne nous doutions pas des projets de fermeture. " Les salariés savent que Ronal a ouvert en 1995 un site en Pologne, et en 2001 en République tchèque. Mais en CE, la direction soutient qu’il s’agit uniquement d’implantations commerciales, employant 80 salariés chacune. C’est seulement à la mi-mai qu’est découvert le pot-au-rose, lorsque la direction tente de prendre dans l’usine 40 sur 180 " coquilles " - les moules servant à produire les jantes -, pour les envoyer en Pologne. Les ouvriers s’opposent au transfert. L’avocat du CE part en Pologne où il découvre deux usines à grande capacité de production, employant 1 010 personnes. Depuis, à Saint-Avold, les salariés occupent l’usine. Pour ne pas s’épuiser financièrement dans une grève, ils ont décidé de continuer de travailler, certes au ralenti, mais la production ne sort pas de l’usine. " La direction a parlé de 50, puis de 80 licenciements sur 170, mais on sait qu’elle veut fermer l’usine, commente Stéphane Zervos. Tout comme deux autres sites en Allemagne. "

Alerté par l’avocat du CE, le procureur de la République de Sarreguemines a ordonné une enquête. Vendredi, deux dirigeants de Ronal ont été interpellés et entendus par la police au sujet de transferts de fonds. " Tout porte à croire que l’intention des dirigeants de Ronal soit de vider la trésorerie de l’entreprise ", a déclaré le procureur. " Chaque année, Ronal France achète pour 120 000 euros de marchandise à sa branche tchèque, mais cette année, la facture était de 1,5 million d’euros, explique M. Zervos. Ils ont vidé les caisses pour se déclarer en cessation de paiement. " " L’objectif de Ronal est de se décharger sur l’État des coûts liés à une fermeture, notamment les indemnités de licenciement, dénonce Me Blindauer. Juridiquement, on ne peut pas s’opposer à la fermeture de l’entreprise, mais on peut obliger Ronal à payer un vrai plan social et faire condamner les dirigeants pour escroquerie. Pour cela, il faut absolument empêcher le dépôt de bilan. " Après l’audience au tribunal de commerce, le TGI de Metz examine cet après-midi en référé la plainte contre Ronal France et groupe, pour entrave au comité d’entreprise, jamais informé ni consulté par la direction. Les salariés comptent aller prochainement en Pologne et en Allemagne pour entrer en contact avec les autres salariés du groupe, très peu organisés, et les informer des pratiques de la direction.

http://www.humanite.fr/journal/2004-06-08/2004-06-08-395078