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Sabiha AHMINE : un rappel au devoir républicain de la mémoire du 8 mai 45, entre Sétif et Lyon

Publie le mercredi 27 mai 2009 par Open-Publishing

Le roman comme vecteur de la mémoire du 8 mai 45 contre l’amnésie. C’est le thème de la rencontre qui a eu lieu à Lyon, le 25 mai 2009, à la Maison des Passage pour la présentation du dernier roman d’Omar Mokhtar Chaalal "Talghouda". Cette initiative inédite sur la ville, organisée en partenariat avec « Les Amis du Monde Diplomatique », « Sétif- Info » et la librairie « Plus d’un Titre », était l’occasion d’une rencontre prodigieuse avec un public passionné, varié et curieux. Composé de jeunes et de moins jeunes, dont certains avaient connu personnellement Kateb Yacine et Abelhamide Benzine, la mémoire du 8 mai 45 était au cœur de cette soirée.

A l’ouverture de la conférence, la conseillère régionale conseillère AHMINE, a fait une émouvante intervention dont laquelle elle rappelé les enjeux et les perspectives. Voici un éxtrait :

« Je vous remercier toutes et tous d’avoir répondu présent avec nous ce soir pour cette rencontre citoyenne, littéraire inédite à Lyon, puisqu’il s’agit de la présentation d’un livre original, écrit par un romancier lui aussi original, qui nous vient de la ville de Sétif en Algérie. Une ville qui a marqué notre destin et celle des personnages du roman en question.
Avant de commencer je veux dire merci à Omar Mokhtar Chaalal de ta présence parmi nous, pour nous parler de la mémoire du 8 mai 45 à Sétif, de Abdelhamid Benzine et de Kateb Yacine, du martyre Bouzid, de Aïcha et et de bien d’autres femmes et hommes d’exception, ces héros de l’Algérie, de l’Afrique et de l’humanité qui, comme Alleg, Audin, Malika, toujours humbles, toujours modestes, ont marqué notre époque et continuent encore à éclairer notre avenir entre les deux rives.

Quelqu’un, je pense que c’est le commandant Azzedine, qui disait à propos de « La question » d’Henri Allèg, le suivant : ce livre écrit en plein bataille d’Alger pour dénoncer la torture colonialiste était « l’équivalent d’un bataillon »... C’est dire l’importance de la biographie, du roman, du récit, et de notre rencontre d’aujourd’hui pour lutter contre l’ignorance et consolider notre devoir commun et républicain de reconnaissance et de mémoire, sans discrimination, sans vengeance et sans repli.

Pour commencer, je tiens nos partenaire de « Sétif- Info », qui sont cette lien utile, sont oublier les « Amis du Monde Diplomatique » les responsables de la « Maison des Passages » et de la librairie « Plus d’un titre », ce haut lieu de la culture, du métissage et de dialogue citoyen des mémoires, pour cette programmation courageuse et inattendue qui intègre, prolonge et complète les autres initiatives en cours sur notre ville... Je parle des Assises internationales du roman, dont notre initiative en est un catalyseur.

Car avant toute chose c’est du sens du Respect et du Lien, en toute humanité, dont il s’agit dans notre rencontre de ce soir : c’est de la Transmission, c’est du Passage de la Connaissance à la Reconnaissance et au vivre ensemble dans un monde métissé, ouvert, de paix et de concorde…. C’est du passage du poétique au politique, au sens anthropologique du terme. C’est cela le sens de construction de l’égalité citoyenne et c’est aussi le sens du fondement de nos valeurs de la républicaines de liberté, d’égalité et fraternité, des valeurs qui ont été refusé pendant longtemps aux peuples colonisés.

Mais tout avant, j’aimerais vous présenter Omar Mokhtar Chaalal :
Né le 13 Février 1946 à Sétif, quelques mois seulement après les massacres du 8 mai 45. D’où, comme on le dit en médecine, il a gardé les traces de cette mémoire embryonnaire et féconde. Après l’indépendance, il consacra une bonne partie de sa vie à l’enfance et à la jeunesse en difficulté. Il a lutté pour la sortir des griffes de l’obscurantisme, de la délinquance et de l’indifférence...

Opposant au sein du PAGS, il a appartenu à l’organisation clandestine du parti ORP, Organisation de Résistance Populaire, crée après le putsch du 19 juin 1965. Arreté, il fut incarcéré à la prison d’El Harrach puis celle de Sétif avant d’être éloigné et mis en résidence surveillée à Annaba. Omar Chaalal a dirigé ensuite l’institut de formation professionnelle de Sétif puis la Maison de culture de la même ville, qui était ouverte à toutes et tous, aux étudiantes et étudiants, pour les séances de Cinéclub, du thêatre, mais aussi au combat des femmes. Omar Chaalal a collaboré avec de nombreux organes de la presse écrite, en particulier Alger Républicain et il a écrit plusieurs romans et recueils de poésie et un scénario pour un film documentaire intitulé « Kateb Yacine, l’homme des certitudes, poète des opprimés ». La plus part des sétifiens, garde un très bon souvenir de Mr.Chaalal, car il était le fondateur de la première troupe théâtrale engagé dans Sétif des années 70. Sa contribution au succès de la pièce "ELAALAM METHAOUEL" restera toujours un fait marquant…

En effet, comme dit notre ami commun, le journaliste Djamel Gharib, Omar, comme tu a bien réussi a nous plonger dans le monde de ce génie, inclassable de l’écriture, qu’est Kateb Yacine, tu es sans doute le mieux placé pour "récidiver" en mettant en exergue dans votre dernier roman, TALGHOUDA, la vie et le parcours de " Hamid", « cet homme de tous les courages » dont je vous laisserez le mérite de nous le présenter. Mais, j’aimerais dire que ce titre « TALGHOUDA », que je n’ai pas eu encore eu le plaisir de lire, cet délectable récit romancé sur cet homme que tu as côtoyé de près durant de longues années, nous renvoi à un temps où a cause de la misère et de la répression coloniale et aussi celle des caïds de la région de Sétif, nos grands parents, dont une grande s’est sacrifiée pour libérer la France, faute de nourriture étaient obligé de manger ce tubercule bon pour les animaux.

La moindre contestation, la moindre manifestation était interdite, comme cela fût le cas juste après la deuxième guerre mondiale :
C’était un 8 mai 45...

En effet, il y a quelques jours seulement nous avons célébré ensemble le 8 mai 45. Une date qui ne laisse personne indifférent sur les deux rives, car elle est paradoxale. Elle renvoi à la fois la victoire des allies sur la barbarie Nazie, mais aussi aux massacres colonialistes de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie. Cette date, que nous avons toujours commémorée ainsi ensemble au Tata sénégalais, près de Lyon, sans mépris et sans repli en rendant hommage à toutes les victimes sans discriminations de lieu de résidence, de pays ou de couleur.

Les crimes de la colonisation doivent être condamnés

Ces dates, celle du 8 mai à Sétif ou à Lyon, comme celle du 10 mai, journée nationale de l’abolition de l’esclavage que nous avons initie ensemble depuis 2005, ne doivent pas être oubliées, déconsidérées ou effacées... Car notre jeunesse a besoin de ce lien, de ses repères pour se construire et reconstruire en toute humanité son avenir, notre avenir commun. Notre jeunesse ne veut ni règlement de compte, ni mépris. Elle veut tout juste de la reconnaissance pour celles et ceux qui nous ont libéré de la barbarie nazi et à qui la liberté, la dignité a été refusée.

TALGHOUDA c’est ce passé occulté et méconnu que nous voulons découvrir, connaître et reconnaître, pour mieux construire ensemble.
C’est le serment de Bachir Hadj Ali qui, sans aucune haine, disait : nous bannirons la torture et que les tortionnaires ne serons jamais torturer… Et c’est aussi le sens du message des victimes de la déportation tel que le prix noble E. Wesel pour qui la consolidation de la mémoire doit être un acte libérateur pour l’opprimé, mais aussi pour l’oppresseur. C’est cela, à notre sens, la défense des valeurs de la république de liberté, de fraternité et d’égalité : c’est la reconnaissance.

Merci Omar pour tout ce que tu fais pour cet échange, ce Lien et cette coopération citoyenne entre Sétif et Lyon, que nous avons initié ensemble en 2006 et que nous voulons poursuivre ensemble, avec "Noir sur Blanc", avec vous, avec tous ces citoyens modestes, dignes et humbles tel que A. Benzine ou K Yacine ....

Comme le dit le personnage de ton roman, « Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants ; c’est l’indifférence des bons. »

Alain Marie