Accueil > Sarkozy : un actif toxique.
Michel Husson, Politis n°1027, 20 novembre 2008.
Face à la récession, les réponses du gouvernement sont hallucinantes : travail le dimanche et/ou jusqu’à 70 ans, distribution de stock options aux salariés, etc. Et il y a même eu un imbécile nommé Accoyer pour proposer l’amnistie aux exilés fiscaux. Comment expliquer alors que le gouvernement ne soit pas pleinement déconsidéré ? Il y a d’abord un effet de sidération devant la crise : on est au bord du précipice, on ne comprend pas bien ce qui nous tombe dessus et tous ces milliards brusquement surgis de nulle part pour sauver les banques donnent le tournis. Il y a ensuite la tactique de Sarkozy consistant à déplacer son activisme habituel au niveau européen, voire mondial.
Tout cela n’aura qu’un temps et le nuage de fumée va vite s’estomper. On va s’apercevoir que les grands discours sur la régulation, la transparence, la coopération - ou la lutte contre les paradis fiscaux - ne sont que des postures permettant de se dispenser de mesures concrètes à l’encontre des financiers. Chaque Etat, y compris au sein de l’Union européenne, est en train de faire sienne la forte devise d’Angela Merkel : « à chacun sa merde ». Certes, l’ampleur de la crise les a contraint à un minimum de concertation, mais le refus farouche de tout plan de relance concertée montre que chacun réfléchit à sa propre voie de sortie, le cas échéant sur le dos des « partenaires ». La seule chose que l’Europe néolibérale est conçue pour coordonner, c’est l’offensive contre les acquis sociaux.
Quand on aura compris que Sarkozy n’est pas le sauveur de la planète et du « bon » capitalisme, tout le monde va redescendre sur terre et faire deux ou trois constats. Le premier, ravageur, est dans toutes les têtes : de l’argent, il y en a pour les banquiers, mais pas pour les salaires, les retraites, les hôpitaux, etc. On va voir ensuite émerger une légère contradiction entre les rodomontades sur la relance européenne, et la rigueur surréaliste du projet de budget français. On n’y trouve aucune des mesures qui permettraient d’amortir la crise, par exemple la revalorisation des minima sociaux, une véritable sécurité sociale professionnelle, un programme d’investissements publics, la taxation des revenus financiers, etc. Rien de tout cela mais une baisse de la taxe professionnelle, des aides aux PME, et un appel assez pathétique aux préfets pour qu’ils veillent à la bonne distribution des crédits. Seuls les contrats aidés réduiront un peu la casse, mais ils sont surtout un aveu d’impuissance ou plutôt de refus de prendre des mesures plus consistantes.
Constat suivant : toutes les mesures prises depuis l’élection de Sarkozy vont accentuer les effets de la crise. Stefano Scarpetta, spécialiste en flexibilité à l’OCDE, fait ce pronostic : « Les pressions seront très fortes sur les plus de 55 ans pour qu’ils acceptent de partir en retraite anticipée. Quant aux moins de 25 ans, pas ou peu diplômés, les portes des entreprises leur resteront fermées » (Le Monde, 4 novembre 2008). Seulement voilà : en France, on va supprimer les dispenses de recherche d’emploi pour les salariés âgés, et il n’y a pas de minimum social pour les moins de 25 ans.
Autre exemple : les heures supplémentaires. Leur progression provient surtout de la déclaration d’heures déjà faites. Mais les exonérations vont inciter les entreprises à y recourir plutôt que d’embaucher. C’est déjà ce qui est en train de se passer, comme semble l’indiquer la chute récente de l’intérim. La nouvelle loi votée cet été va encore faciliter l’allongement de la durée du travail, y compris pour les cadres au forfait-jours. Et le gouvernement envisage de faciliter le recours aux CDD dans les PME. Même Pierre Cahuc, fervent partisan d’un contrat de travail light, trouve que « ce n’est pas parce que l’économie est en récession qu’il faut bouleverser le code du travail » (Le Monde, 4 novembre 2008). Et le doute étreint l’expert de l’OCDE cité plus haut : toutes ces réformes devraient « permettre un meilleur fonctionnement des marchés du travail » mais « qu’est-ce que cela va donner en période de récession ? Les demandeurs d’emploi auront beau être motivés, si les offres se tarissent, que se passera-t-il ? ».
Bonne question.
Bref, au moment où le chômage repart à la hausse, toutes les « réformes » vont fonctionner comme des amplificateurs de crise et aggraver la situation de l’emploi. Cette conjoncture est finalement inédite : un désastre social s’annonce mais le pouvoir s’obstine à mener une politique qui va en redoubler les effets. La majorité de la population est aujourd’hui littéralement encerclée par les offensives gouvernementales : emploi, pouvoir d’achat, sécu, services publics, retraites, tout, absolument tout y passe. Toutes les conditions d’une explosion sociale sont ainsi réunies, et il n’est pas sûr que la pétrification du PS suffira à la désamorcer.
Messages
1. Sarkozy : un actif toxique., 20 novembre 2008, 15:19
Les gesticulations de l’agité ne servent qu’à masquer la réalité pour les imbéciles qui refusent de la regarder en face. Elle est pourtant simple, peut-être même trop simple : la bande au pouvoir alliée aux banksters de la finance s’apprête à faire mains basses sur les économies des petits épargnants qui en ont encore. Il faut croire que les leçons de l’histoire ne servent à rien puisque la même chose est arrivée à l’Argentine sous le règne de leur nabot de l’époque un certain Carlos Menem. Faudrait peut-être arrêter de se gaver de foot et de starac, éteindre la télé et allumer les cerveaux. Et par la même occasion en finir avec les slogans débiles du genre :"on veut des profs". Ce que je veux moi c’est en finir avec cette p... de société mortifère.
1. Sarkozy : un actif toxique., 20 novembre 2008, 16:27
– "On veut des professeurs" serait une revendication débile ?
– Revendication débile au moment même où le gouvernement envisage de supprimer les concours de recrutement des enseignants, ouvrant grand la porte du recrutement clientéliste et la célébration du piston, comme dans le privé ?
Vouloir des enseignants qualifiés serait-il devenu incompatible avec le combat contre le capital ?
2. Sarkozy : un actif toxique., 20 novembre 2008, 17:12, par Brutus
Sarkozy vient de trouver 20 nouveaux milliards pour alimenter un "fonds souverain" français destiné à venir en aide aux entreprises stratégiques en difficulté. La concurrence libre et non faussée semblant avoir des limites (elle ne fonctionne en fait que dans la mesure où elle permet au capital d’extorquer des profits), il serait temps de déclarer caduc le traité de Lisbonne.
1. Sarkozy : un actif toxique., 20 novembre 2008, 17:27
L’UE est-elle réformable ?
Il serait non seulement temps de dénoncer le traité de Lisbonne, mais il serait encore beaucoup mieux de :
- dénoncer tous les traités passés avec l’UE,
- quitter cette institution antidémocratique dont le seul but est de baisser les salaires pour augmenter les profits.
2. Sarkozy : un actif toxique., 21 novembre 2008, 08:32
fond souverain : jouer avec les retraites, tu veux preter des sous a cette usine qui travaille pour airbus ? Vas y mon gars ! A l’heure ou tout les sous traitants reduisent la voilure faute de perspectives
3. Sarkozy : un actif toxique., 21 novembre 2008, 12:54
"et il n’est pas sûr que la pétrification du PS suffira à la désamorcer." : J’aurai dit putréfaction, mais ce n’est que mon avis perso.
4. Sarkozy : un actif toxique., 21 novembre 2008, 16:13, par criophoros
Que reste-t-il à faire ?
Pas d’opposition, les partenaires sociaux ne sont pas écoutés, les syndicats ne servent à rien, et ceux qui devraient être le contre pouvoir à cette bande mal intentionnée, en se déchirant un peu plus, votent les lois ou s’abstiennent sans s’opposer. En fait ils sont tous d’accord pour profiter des largesses de la république au détriment du peuple.
A quand une société parallèle ?