Accueil > Suède : un congé sabbatique contre le chômage
Le salarié sera indemnisé par les Assedic et remplacé par un demandeur d’emploi.
Par Olivier TRUC
La réduction du temps de travail à la française ? La Suède est plutôt sceptique. Mais voici les RTT version suédoise : des congés sabbatiques indemnisés. A partir du 1er janvier, tout salarié suédois aura la possibilité, si son patron est d’accord, de prendre de trois à douze mois de congé sabbatique indemnisés par les Assedic à hauteur de 85 % des allocations chômage, soit environ deux tiers du salaire avant impôt, plafonné à 1 500 euros par mois.
Pendant cette période, il peut rester buller à la maison, jardiner, roupiller, voyager, suivre des formations, démarrer sa propre entreprise. Presque tout est permis, sauf prendre un emploi salarié ailleurs. Pendant son congé sabbatique, il est alors remplacé par un chômeur inscrit à l’ANPE payé normalement par l’entreprise. Le gouvernement minoritaire social-démocrate a instauré ce système sous l’aimable pression du parti des Verts, son indispensable soutien au Parlement. Le système devrait libérer l’équivalent de 12 000 postes de travail l’an prochain, réservés en priorité aux chômeurs longue durée, handicapés et immigrés.
Depuis trois ans, cette formule d’année sabbatique fait l’objet d’une expérience dans douze communes suédoises accueillant 10 % de la population de ce royaume de 9 millions d’habitants. « Il y avait 1 200 places disponibles, mais deux fois plus de gens avaient fait la demande, note Per Enquist, un chargé de mission membre du parti des Verts au ministère de l’Economie. C’est une véritable alternative à la réduction du temps de travail. »
Neuf à dix mois. L’expérience a montré que les candidats à l’année sabbatique dont la durée moyenne est de neuf à dix mois en moyenne sont dans leur immense majorité des femmes (75 %), travaillant dans les services publics (63 %) comme aides-soignantes, infirmières ou employées de crèche, avec souvent une importante expérience professionnelle, une longue présence chez le même employeur (seize ans), une formation limitée et des salaires assez bas. « Des gens qui ont peut-être moins d’attente en termes d’évolution de carrière et de salaire, et estiment n’avoir pas grand-chose à perdre à faire une telle pause, constate Linus Lindqvist, chercheur à l’Ifau, l’Institut d’évaluation des politiques de marché du travail. « C’est dans cette population que l’on trouve les gens les plus usés par le travail, souligne Per Enquist, ceux qui veulent prendre une pause afin de supporter les dernières années jusqu’à la retraite. » De fait, c’est aussi dans cette catégorie de Suédois que l’on trouve la plus forte proportion d’arrêts maladie. « La plupart de ceux qui ont profité de cette opportunité sont restés chez eux, note Per Enquist. 20 % ont suivi une formation, 6 % ont démarré leur propre entreprise. Quant à leurs remplaçants, 52 % ont pu continuer à travailler, dont la moitié d’entre eux avec un contrat à durée indéterminée. »
Mais l’évaluation définitive du programme est toujours en cours. « Il est encore difficile de dire si les emplois créés l’ont été grâce à ce système de congé sabbatique, tempère Linus Lindqvist. Certains de ces chômeurs auraient peut-être trouvé un emploi quand même. Car la plupart des remplaçants sont des gens qui travaillaient souvent déjà comme remplaçants dans ces structures et n’ont connu que des périodes de chômage assez courtes. » La volonté des politiques réside dans le fait que l’on prenne des chômeurs longue durée. « Mais ce n’est qu’une recommandation, insiste Linus Lindqvist. En dernier recours, c’est l’employeur qui décide qui il va embaucher et il a souvent déjà son propre candidat. Et ce sont rarement des personnes appartenant aux catégories visées par le gouvernement. » Ce qui limite l’effet de la mesure. « De ce point de vue, ce n’est pas tellement réussi », estime Linus Lindqvist. Le gouvernement présentera courant novembre le cadre exact de ce programme. On verra alors si certains « ajustements » sont réalisés.