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Tocqueville et les tocards libéraux
Publie le dimanche 11 février 2007 par Open-Publishing5 commentaires
« Modernes », les poncifs des dits « néo-libéraux », dont la référence est Tocqueville, « ce noble rentier, héritier de la fortune familiale » qui n’en a pas foutu une de toute son existence de fils à papa ?
Morceaux choisis du petit bouquin indispensable de Marc Viellard, Contre Tocqueville, Ed. Le temps des Cerises, novembre 2006, 10€.
« Tous les temps ont vu des travailleurs et des pauvres ; mais ce qui semble particulier au nôtre, c’est l’opinion répandue de nos jours qu’il existe quelque part un remède spécifique contre ce mal héréditaire et incurable de la pauvreté et du travail, et qu’avec un peu de bonne volonté les gouvernants parviendraient aisément à le découvrir. (...)
L’Académie, en posant cette question que je viens d’énoncer, a eu pour but de combattre cette idée fausse dont tant de maux découlent. Elle désire, à cet effet, que les concurrents s’attachent à répandre parmi les classes ouvrières auxquelles ils s’adressent quelques-unes des notions les plus élémentaires et les plus certaines de l’économie politique, qu’ils leur fassent bien comprendre, par exemple, ce qu’il y a de permanent et de nécessaire dans les lois économiques qui régissent le taux des salaires ; pourquoi ces lois, étant en quelque sorte de droit divin, puisqu’elles ressortent de la nature et de la structure même des sociétés, sont placées hors de la portée des révolutions, et comment le gouvernement ne peut pas plus faire que le salaire s’élève quand la demande de travail diminue, qu’on ne peut empêcher l’eau de se répandre du côté ou penche le verre. »
(...)
« Mais ce que l’Académie désire surtout, c’est que les différents auteurs qu’elle provoque mettent en lumière cette vérité que le principal remède à la pauvreté se trouve dans le pauvre même, dans son activité, sa frugalité, sa prévoyance, dans le bon et intelligent emploi de ses facultés, bien plus qu’ailleurs, et que si, enfin, l’homme doit son bien-être un peu aux lois, il le doit beaucoup à lui-même : encore pourrait-on dire que c’est à lui seul qu’il en est redevable : car tant vaut le citoyen, tant vaut la loi. » Discours à l’Académie des sciences morales et politiques, 1832.
« Le pauvre ayant un droit absolu aux secours de la société, et trouvant en tous lieux une administration publique organisée pour les lui fournir, on vit bientôt renaître et se généraliser dans une contrée protestante les abus que la Réforme avait reprochés avec raison à quelques-uns des pays catholiques. L’homme, comme tous les êtres organisés, a une passion naturelle pour l’oisiveté. Il y a pourtant deux motifs qui le portent au travail : le besoin de vivre, le désir d’améliorer les conditions de l’existence. L’expérience a prouvé que la plupart des hommes ne pouvaient être suffisamment excités au travail que par le premier de ces motifs, et que le second n’était puissant que sur un petit nombre. Or un établissement charitable, ouvert indistinctement à tous ceux qui sont dans le besoin, ou une loi qui donne à tous les pauvres, qu’elle que soit l’origine de la pauvreté, un droit au secours du public, affaiblit ou détruit le premier stimulant et ne laisse intact que le second. »
« Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante. C’est là sinon son résultat immédiat, du moins sa conséquence inévitable. Elle reproduit tous les vices du système monacal, moins les hautes idées de moralité et de religion qui souvent venaient s’y joindre. Une pareille loi est un germe empoisonné déposé au sein de la législation. » Mémoire sur le paupérisme.
Etc., etc.
A propos du droit de cuissage des puissants qui engrossent leurs bonnes : « Les bonnes moeurs chez un peuple dépendent presque toujours des femmes et des non des hommes. On ne pourra jamais empêcher les hommes d’attaquer. Le point est donc de faire qu’on leur résiste (...). Toute les lois qui rendent la position de la femme qui faillit plus commode sont donc éminemment immorales : telles, par exemple, que nos lois actuelles sur les enfants trouvés. Or la loi qui permet la recherche de la paternité peut bien servir à arrêter les hommes, mais elle diminue chez les femmes la force de résistance, ce qu’il faut surtout éviter. » Voyage en Angleterre.
Sur le sujet également : Claire Le Strat et Willy Pelletier, La canonisation libérale de Tocqueville, Ed. Syllepse, 2006, 23€, montrent comment Raymond Aron, financé par la CIA et autres fondations américaines via le très anticommuniste « Congrès pour la liberté de la culture » dans les années mille neuf cent cinquante (décrit aussi par Armand Mattelart dans son « Histoire de l’utopie planétaire », Ed. La Découverte / Poche, 2000) « fabriqua » Tocqueville sociologue et philosophe contre Marx, et sa diffusion chez les propagandistes libéraux d’aujourd’hui.
Messages
1. Tocqueville et les tocards libéraux, 11 février 2007, 17:14
Je suis d’accord avec vous. Les pays qui ont suivi les leçons de Tocqueville et de Raymond Aron soit infiniment moins bien lotis que ceux qui ont suivi les conseils de Marx et de Lénine. Entre le marxisme et le libéralisme, y’a pas photo. Le marxisme a produit de bien plus grands succès au plan économqiue tout en apportant une plus grande liberté à tous. Prenons, par exemple, la péninsule coréenne. Même peuple, même culture. Eh bien, si j’avais à choisir, j’aimerais infiniment mieux vivre à Pyonyang qu’à Séoul. Voyez-vous je suis un homme aux goûts simples. Je n’ai que faire de magasins bondés, de médias indépendants etc. Un demi-topinambour suffit largement à mes besoins et à ceux de ma famille.
1. Tocqueville et les tocards libéraux, 11 février 2007, 20:00
J’apprécie votre humour. Toutefois, je prétends qu’il n’y a jamais eu la moindre parcelle des idées de Marx dans aucun pays dont les dirigeants se réclamaient, ou se réclament toujours de lui. Egalement, comme le "pouvoir" de diriger un pays est un jeu dont les règles changent (ou plutôt sont changées) au fur et à mesure que la partie avance, les préceptes de Marx sont certainement obsolètes.
L’argent monnaie, les chiffres virtuels sur un compte, sont "fiduciaires". C’est uniquement de la "confiance" envers son prochain, et envers l’avenir. Les "travailleurs" des pays riches comme les UStates n’ont pas confiance en leur avenir et ont peur de toucher une retraite misérable. Ils confient leurs économies à des "fonds de pension" qui les placent (depuis 1986) à leur guise, à l’endroit ou le "retour" est, comme ils disent, à deux chiffres. Ce manque de confiance fait le malheur des uns et des autres. Et enrichit les organisateurs de ce traffic.
Actuellement, la "productivité" est telle que produire les biens et les services (disons d’aujourd’hui pour ne rien dire de la surproduction) nécessite de moins en moins de personnes. D’un autre côté, il manque cruellement de personnes non-productives à court terme que sont les "fonctionnaires". Je parle du personnel de santé, de l’enseignement, du Service Public, enfin, puisque je dois vous asséner ce "gros mot". Je prétends également que ce Service Public est la grande richesse d’un pays, et qu’il serait tout à fait possible d’embaucher à tour de bras et d’accorder à chacun de ces fonctionnaire un salaire important.
Une banque, créee ex nihilo, verserait ce salaire, sans aucune autre garantie que la confiance en ces salariés et leur comportement futur. QUOI ?, me direz-vous, une banque prêterait de l’argent qu’elle n’a pas ??? Mais Monsieur, vous répondrait Monsieur Francois Pinault, c’est ce que font TOUTES LES BANQUES.
Messensib
2. Tocqueville et les tocards libéraux, 11 février 2007, 17:44
On se rend compte à quel point des abstractions ancestrales sont restées des piliers très porteurs dans la psychologie sociale contemporaine.
Ainsi la crainte du glissement vers l’inefficacité d’un système n’est-elle pas due à sa propre déficience ? Pour éviter de ce poser des questions toute une mentalité a été érigée sur le principe selon lequel, en gros, chacun sa merde, mais dans une certaine limite il est légitime d’assister les plus miséreux.
Mais bon pas trop pour pas qu’ils s’habituent.
Or de nos jours on ne peut plus considérer plus les trisomiques, les 2% d’imbéciles obligatoires dans toute société, les handicapés et les excentriques comme des sous-classes d’êtres humains.
Ils ont droit à une dignité, et pour ce faire c’est le système qui doit pouvoir leur permettre de vivre dignement.
Le système doit être un moyen non une fin.
N’y parvenant pas, le Système en devient malade, et continue envers et contre tout d’essayer de trouver des raisons pour justifier cette discrimination obligatoire.
A mon avis le racisme vient de cette idéologie, le fait de ne pas pouvoir admettre l’égalité entre tous les hommes, car en pratique le système ne rend pas cela possible.
Derrière un rideau de froide logique, peuvent danser et pulluler les pires psychopathologies.
Ils ont fait pareil avec l’affaire des carricatures, made in naziland, sous couvert de droits fondamentaux, justifiant toute cette idéologie.
Son idéologie est toujours très ancrée aujourd’hui : les gens vivent pour eux-mêmes, et la seule motivation qu’on suppose motrice pour que les gens s’activent dans les usines impérialistes, est leur propre survie, et depuis peu (ère capitaliste) une seconde motivation est apparue qui est le besoin conditionné de posséder des biens matériels superflus.
Mais au fond c’est toujours et rien d’autre qu’un esclavagisme ; et ceux qui en sont exclus, pour une question de survie, ne font que de rêver d’en faire partie.
Et de l’autre ceux qui s’enrichissent, ne comprennent pas qu’il appauvrissent les autres.
Cette question de survie ne laisse aucune place à la paix de l’esprit, comprime le temps, crée une tension nerveuse qui devient psychosociale.
Bah oui.
A partir d’un certain moment, on nomme "folie" le fait de mettre l’accent sur un point bénin sans importance, alors qu’on est soi-même extrêmement pire que ce qui est durement critiqué.
Ces gens accusés d’oisiveté dans les camps de travail capitalistes le sont précisément par des gens qui vivent de leur revenus, sans produire aucun effort, n’avoir aucun mérite, ni (donc) aucune morale.
Ce qui prouve l’incohérence d’un système ne peut demeurer dissimulé bien longtemps.
– 8119
3. Tocqueville et les tocards libéraux, 12 février 2007, 07:43
Puisqu’il est question de mon bouquin, j’ajouterai que Tocqueville, à le bien lire, constitue l’alibi parfait de ce que vous dénoncez dans vos commentaires. Il justifie ce que Marx appela l’aliénation en fondant une théorie de la liberté distributive. Une liberté non pas partagée entre tous, mais réservée à ceux qui d’après lui, en étaient dignes. Une liberté de l’élite qui avait comme contrepartie l’asservissement et l’abrutissement des masses. Un système comparable à l’esclavage dans les cités grecques. Dans les faits actuels, les régimes capitalistes, sous couvert de liberté individuelle, développent un modèle nouveau de dictature aussi oppressive voir plus que les régimes des démocraties populaires que les libéraux dénoncent à loisir. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les discours moralisateurs en vogue sur le tabac, la sexualité, la religion et autres sujets destinés à tenir le peuple en laisse. Un nouveau type de régime politique émerge : le totalitarisme capitaliste.
Marc Viellard
http://marc.viellard.free.fr/
4. Tocqueville et les tocards libéraux ?, 19 février 2007, 17:31
Vous sortez quelques citations de Tocqueville de leur contexte ! Olivier Le Cour Grandmaison a fait exactement la même chose pour démontrer que Tocqueville était un colonialiste sanguinaire. Pierre Vidal-Naquet, dans la Revue Esprit a mis en évidence ces méthodes qui rappellent celles des Lettres Françaises des années 50.
Marc-Oilivier Baruch (http://www.revue-lebanquet.com/docs/c_0001100.html?qid=sdx_q0) fait la même chose dans un article intitulé l’effet-poubelle.
Il y a dans le mémoire sur le Paupérisme des propositions pour lutter contre la misère qui sont d’une étonnante modernité ! Lisez-lz complétement ; il est maintenant sur le site http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/de_tocqueville.html
Ce sont ces méthodes de manipulations digne de la période stalinienne qui font que les idées de gauche sont en chute libre dans l’opinion alors que la misère et les inégalités ne cessent de s’accentuer ; qui font que les intellectuels anti-totalitaires rejoignent le camp de Sarkozy ! Quand allez-vous comprendre que la malhonnéteté intellectuelle mène les forces de gauche à la catastrophe ?