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Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video)
Publie le dimanche 28 mars 2010 par Open-Publishing6 commentaires
de Paco
Dans son édition du 25 mars, Le Monde libertaire, hebdomadaire de la Fédération anarchiste, a publié une interview de Solveig Anspach, la réalisatrice du film Louise Michel la rebelle qui, après une diffusion sur France 3, sortira dans les salles le 7 avril.
Pour tourner le premier long métrage consacré à cette figure légendaire du féminisme et de l’anarchisme, Solveig Anspach a zoomé sur les années 1871-1880, période où, après l’écrasement de la Commune de Paris, Louise Michel fut déportée en Nouvelle-Calédonie.
Le Monde libertaire : Comment est né ce film ?
Solveig Anspach : Ce film est né d’un scénario écrit par Jacques Kirsner, mais le film ne s’était jamais monté. Entre-temps, il a vu Haut les cœurs et d’autres films que j’ai faits. Il m’a fait lire le scénario. Je n’ai jamais fait de téléfilm avant, jamais fait de film historique et, en plus, je ne connaissais pas très bien l’histoire de Louise Michel ou de la Commune. Le scénario était très différent de ce qu’on a tourné. Il y avait des choses qui ne me parlaient pas forcément et, surtout, il était construit avec des choses qui se passaient à Paris et des choses qui se passaient à Nouméa. Comme un montage parallèle. Quand je l’ai lu, je me suis dit que l’histoire de cette femme était ultra passionnante, la Nouvelle-Calédonie, ça a l’air génial. Ça me faisait au moins deux bonnes raisons de travailler sur ce scénario. J’avais besoin de le réécrire pour me le réapproprier. Je l’ai travaillé avec mon co-scénariste, Jean-Luc Gaget. Pendant plusieurs mois, on a relu tous les écrits de Louise Michel sur la Commune. On est arrivé à une première version et, là, le producteur nous a envoyés, heureusement, en Nouvelle-Calédonie où nous avons eu accès aux archives de Nouméa et à des textes manuscrits, des dessins qu’elle avait faits, des partitions de musique qu’elle avait composée… Et, surtout, on a eu accès à d’autres journaux faits par des déportés qui la côtoyaient. Et ça, c’était passionnant parce qu’on avait un autre point de vue que le sien et ils parlaient d’elle au quotidien. Ces journaux étaient ceux de Malato, notamment. Là-bas, on a aussi rencontré des Kanaks, on a discuté. C’est pratiquement la première fiction tournée en Nouvelle-Calédonie, et c’est la première fiction qui met en scène l’histoire des Kanaks et qui les fait jouer.
Le Monde libertaire : Avez-vous relevé des traces de la présence de Louise Michel là-bas ?
Solveig Anspach : En fait, non. Les Kanaks avec qui je parlais ne savaient rien d’elle. Les Kanaks ont leur histoire, elle est déjà énorme. Mais, même là-bas, il n’y a pas de rue portant son nom. Avec ce film, maintenant, on sait qui elle est. Parce que ce fut un énorme tournage, on en a énormément parlé. C’est une île de 300 000 habitants, comme dans mon pays d’origine d’ailleurs, l’Islande. Alors tout se sait et s’apprend très vite. Pour qu’ils jouent dans le film, j’ai expliqué aux Kanaks qui elle était. En leur disant que c’était quelqu’un qui avait compté au moment de la rébellion kanake, une des rares déportées de la Commune qui était d’accord avec cette rébellion. Ils étaient moins de dix en fait. C’est incroyable. La plupart des déportés de la Commune étaient contre cette rébellion. Elle s’est donc engagée moralement et intellectuellement auprès de cette lutte. Mais il s’est dit des choses fausses. Elle n’a pas combattu avec les Kanaks, elle ne leur a pas appris la révolution, et c’est même un peu prétentieux de penser cela. Les Kanaks n’ont pas eu besoin des métropolitains pour apprendre cela. En fait, il y avait deux choses que l’on ignorait avec Jean-Luc Gaget, sur lesquelles on avait construit le scénario au départ et on s’est fourvoyé. Heureusement qu’on est allé là-bas.
Le Monde libertaire : Quelles choses ?
Solveig Anspach : Premièrement, on a lu et cru que Louise Michel leur avait appris la révolte et qu’elle avait été au bagne. On avait donc construit quelque chose comme Papillon, c’est-à-dire Louise Michel avec des chaînes aux pieds. En réalité, il y avait le bagne pour les déportés de droit commun et il y avait un camp de déportés politiques. Ils n’étaient pas frappés ou malmenés, mais ils étaient enfermés dans un espace. Ils n’avaient pas le droit d’en sortir.
Le Monde libertaire : C’est donc un film historique ?
Solveig Anspach : Il n’y a pas eu de grand film sur Louise Michel donc j’ai quelque part une responsabilité. On ne peut pas faire n’importe quoi. Ensuite, tant qu’il n’y aura pas un autre film sur elle, ce personnage, en Nouvelle-Calédonie, ce sera celui que Sylvie Testud, Jean-Luc Gaget et moi avons proposé. C’est une fiction, mais on a essayé d’inventer en se posant des questions du genre : « Est-ce que ce que nous avons tourné aujourd’hui lui irait ? » J’ai énormément d’estime pour cette femme, je ne voudrais pas qu’elle ait honte de ce que nous avons mis dans le film. C’est une interprétation, un portrait, comme une peinture. Nous voulions montrer qu’elle était humaine, avec ses moments d’abattements aussi, les moments où elle énervait tout le monde, comme nous quoi ! Sylvie Testud était comme moi. Elle ne connaissait pas bien le personnage. Elle a donc fait un travail de documentation de son côté, et ce fut une chance. On avait une ou deux photos, ses écrits, sa correspondance, mais évidemment pas de films d’archives. Il ne s’agissait pas de copier quelqu’un, mais de l’interpréter, de l’inventer, et je pense que c’est plus fort et plus intéressant d’un point de vue cinématographique.
Le Monde libertaire : Le film est d’abord passé à la télévision et va sortir au cinéma.
Solveig Anspach : Le film sortira en salles le 7 avril et l’idée ce n’est pas de faire une sortie avec des centaines de copies, mais de pouvoir faire des projections qui seraient suivies de débats avec le public, pas forcément avec moi, mais avec des associations, des associations kanakes, des mouvements féministes, anarchistes, etc. Mais qu’il y ait des discussions parce qu’on trouve qu’il n’y a pas assez de discussions autour de la Commune qui fut quand même un mouvement extrêmement fort et intéressant. Et on en parle très peu.
(entretien accordé au Monde libertaire le 9 février 2010 et publié ici avec l’accord du comité de rédaction de l’hebdomadaire anarchiste)
Plus d’informations sur le film Louise Michel la rebelle en allant sur le site d’Hévadis.
Plus d’informations sur Solveig Anspach.
Plus d’informations sur Le Monde libertaire.
Lire sur Bellaciao : Sylvie Testud ravigote les combats de Louise Michel.
Messages
1. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 29 mars 2010, 08:05, par PLenquette
Bonjour,
Les Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie, au moment des Accords de Nouméa, ont souhaité et obtenu que le mot "Kanak" soit invariable, comme nom propre, commun, adjectif, au féminin comme au pluriel. Ce nom, bien que polynésien des îles Hawaï (kànaka oiwi ou Kànaka maoli), est revendiqué par les Mélanésiens indépendantistes, ce qui est une curiosité lorsque l’on connaît les relations entre Mélanésiens et Polynésiens.
La Nouvelle-Calédonie ne dépasse pas 250 000 habitants.
Le film de Madame Solveig Anspach est en fait une fiction tant elle s’est écartée de la réalité historique du passage en Nouvelle-Calédonie de Madame Louise Michel.
Dire que Louise Michel était une inconnue pour les calédoniens, tant "Kanak" qu’autres est une énormité et a des relents de colonialisme :" Pauvre gens, je viens vous apprendre qui est Louise Michel et tout ce qu’elle a fait pour vous". Nous savons ce qu’elle fut.
Dans le manuel d’histoire pour le cycle 3 de l’enseignement primaire de Nouvelle-Calédonie, page 96, est reproduite une vue de la presqu’île, avec indication "dessin de Louise Michel". Un extrait de "Souvenirs de ma vie" par Louise Michel, matricule 2182, est également présenté. Une troisième fois, dans cette seule page, le nom de Louise Michel est écrit.
Si vous ne savez pas, taisez-vous Madame Solveig Anspach, on vous en sera reconnaissant ! Vous ne servez pas notre communauté. Nous n’avons pas besoin de gens de passage pour tronquer notre histoire, elle fut suffisamment douloureuse par de trop grands moments.
Il aurait été plus courageux, oui courageux, de faire un vrai film sur la vie de Louise Michel en France Métropolitaine, où l’essentiel de son action s’est passé. Chacun aurait eu la possibilité de vérifier les faits, rien que les faits.
Ainsi cela aurait éviter à Madame Anspach d’inventer des scènes de massacres de Mélanésiens auxquelles, historiquement, elle n’a pu assister.
Faites un documentaire sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, là les scènes de massacres réciproques auraient éventuellement leur place.
Petit détail, Madame Anspach et la production ont fait un cocktail de fin de tournage, les figurants locaux, (payés sous le SMIG métropolitain et frais de déplacements non remboursés), n’ont pas été invités… Les sous smicards n’ont pas à être invités.
Merci Madame.
Par contre un vrai merci pour Madame Sylvie Testut, pour sa simplicité et gentillesse.
1. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 29 mars 2010, 15:08, par Alias
Je ne vois ce qu’il y a d’insultant à dire que tous les Kanak ne connaissent pas Louise Michel... Le fait qu’il y ait quelques lignes dans un manuel scolaire ne suffit pas pour instruire quiconque sur le sujet. Je pense que cette relative ignorance sur Louise Michel est bien partagée en métropole aussi. Qui, en dehors des cercles militants (notamment anars), connaît vraiment Louise Michel ? Ce n’est pas parce qu’on a donné son nom à une station de métro et à quelques écoles qu’on a fait le tour du sujet. Il y a même des gens qui pensent que Louise Michel était communiste, la fameuse « vierge rouge ». C’est dire... Plus largement, toujours en dehors des initié-e-s, qui sait ce que recouvraient fondamentalement les idéaux de la Commune de Paris ?
2. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 29 mars 2010, 14:15
Bon j’ai pas encore vu le film mais je suis d’ors et déja déçu que celui ci ne traite que cette période de sa vie.
1. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 29 mars 2010, 21:30
On peut dire que tout est critiquable. On peut aussi dire que la critique est parfois facile... Pourquoi serait-il décevant de parler de la déportation de Louise Michel en Nouvelle Calédonie ? Cette période fait bel et bien partie de son existence bien remplie (et souvent ignorée). La vie de Louise Michel est si riche qu’il serait impossible de tout relater dans un seul film. Alors, quelle Louise filmer ? La Communarde ? L’institutrice ? La poétesse ? La propagandiste infatigable (sa tournée en Algérie ferait un excellent film aussi) ? etc. L’angle choisi par Solveig Anspach a le mérite de débarrasser Louise Michel des images d’héroïne d’Épinal. On découvre une femme simple avec ses doutes, ses coups de gueule, ses coups de blues, loin en effet des barricades fumantes de la Commune. C’est un choix. Point. Si d’autres pensent pouvoir faire mieux…
Avec ses faiblesses, ce film est le premier long métrage consacré à Louise Michel. Ce qui, en soit, mérite au moins notre sympathie. Vous préférez les téléfilms avec des gendarmes, des juges ou des curés ? Solveig Anspach a essuyé les plâtres en s’attaquant à une icône. Il y aura forcément des gardiens du Temple pour couper les cheveux en quatre, pour casser un film qui a aussi le tort d’être passé à la télé et d’avoir eu quelques critiques dans des journaux bourgeois. Je caricature à peine. Que nous propose la réalisatrice dans cette interview publiée dans le Monde libertaire ? De permettre notamment aux féministes et aux anarchistes de s’emparer de son travail pour parler partout de Louise Michel et de la Commune de Paris. Vous en connaissez beaucoup des réalisateurs qui nous font de pareils cadeaux ?
2. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 29 mars 2010, 22:50
oui vous avez peut etre raison, c’est juste que j’aurai aimé quelque chose de plus global, ça ne va pas plus loin, maintenant comme je l’ai di dans mon précédent commentaire, je n’ai pas vu le film et je me permettrai de le juger apres visionnage. Cela di, les anarchistes n’attendent pas ce genre de "cadeau" pour parler de Louise Michel et de la commune
3. Une interview de Solveig Anspach "Louise Michel la rebelle" (video), 2 avril 2010, 22:50, par Nemo3637
On sera toujours déçu par un film sur Louise Michel. Ou sur Durruti. On sur la Commune de Paris. C’est vouloir rendre l’indicible.
Cela dit je trouve le projet de ce film courageux, modeste et intéressant. L’actrice Séverine Testu, qui joue Louise Michel, est un caractère plein de sentiment et de révolte qui me plait.