Accueil > Une jeunesse toujours rebelle (video)

de Laurent Mouloud
Éducation . La révolte lycéenne contre les réformes Darcos rappelle que les jeunes, en France, n’ont pas abdiqué leur capacité d’indignation. L’Humanité leur donne la parole.
« FAITES DU BRUIT ! ! ! » Hurlés dans les mégaphones, ces trois mots planaient encore sur la manif de mardi dernier. Une formule bien commode pour réveiller les foules. Mais qui sonne aussi, en ces temps de fronde lycéenne, comme le cri de ralliement d’une jeunesse qui refuse de baisser les bras, de laisser ses ainés décider seuls de son avenir.
N’en déplaise au ministre Xavier Darcos, qui glosait, il y a peu, sur le manque d’ampleur de la mobilisation, ils étaient entre 10 000 et 13 000 à défiler, avant-hier dans les rues de Paris, contre les milliers de suppressions de postes prévues à la rentrée prochaine. Et - souvenons-nous - encore bien plus au printemps 2006, lors du mouvement anti-CPE. Des claques pour nos gouvernants. Pensez ! Eux qui rêvent d’une jeunesse au pas, la redécouvrent, quarante ans après Mai 68, toujours bouillante, encore rebelle…
« Bof - génération » ?
Bien sûr, les temps ont changé. Quand on donne aujourd’hui la parole aux lycéens, un certain réalisme prend le relais de l’idéalisme d’antan. Les banderoles ne proclament plus « Interdit d’interdire ! » mais « Touche pas à mon prof ! ». Les certitudes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Et l’inquiétude rode. Études et sondages ne sont pas tendres. La jeunesse ? On la dit « déprimée », « à quoi-boniste ». On parle même de « bof - génération ». Selon une étude comparative de la Fondation pour l’innovation politique, réalisée auprès de 20 000 jeunes à travers le monde, les Français apparaissent parmi les plus pessimistes. « Les gens peuvent-ils changer la société ? » Seulement 39 % répondent par l’affirmative. Contre 63 % des jeunes aux États-Unis ou au Danemark, 50 % en Allemagne, 41 % au Royaume-Uni. « Votre avenir personnel est-il prometteur ? » Seuls 26 % des Français le pensent, contre plus de 50 % des jeunes dans les pays scandinaves…
Les raisons de ce cafard ? Elles sont connues et multiples : chômage élevé, entrée tardive dans le monde du travail, difficulté à gagner son autonomie… Mais, par-dessus tout, une mise à l’écart, voire à l’index. « Nous sommes, en France, dans une société qui a peur des jeunes, expliquait dans l’Humanité la psychologue Maryse Vaillant. On les caricature et on les utilise sur le plan économique. Mais le potentiel de la jeunesse, ses valeurs, sa capacité à s’émouvoir, sa capacité à entrer en solidarité, sa créativité, personne n’en parle. » Comment lui donner tort ? Cette question de la jeunesse n’a quasiment pas été abordée lors de la dernière campagne présidentielle. Si ce n’est pour évoquer un « encadrement militaire », ou un « abaissement de la majorité pénale ». Tout récemment, une société s’est même mise à vendre des boîtiers répulsifs à ultrasons, censés faire fuir… les ados des halls d’immeubles (lire encadré). Ce n’est plus de la méfiance, c’est de la haine !
Pas si dépolitisés
Difficile d’entrer dans une société en plein marasme économique. Qui plus est quand elle vous rejette. Et pourtant, bien des jeunes y croient. Lucides sur leurs perspectives, ils ne se découragent pas tant que ça. On les croit dépolitisés ? Que nenni. Selon plusieurs sondages, leurs principaux sujets de préoccupations ne sont pas la Playstation ou la tecktonik. Mais bien, dans l’ordre : le sida, la misère et les sans-abri, la pauvreté et la faim dans le monde, l’insécurité, le chômage, l’environnement… « Ils condamnent la politique politicienne, mais ne sont pas apolitiques, loin s’en faut, constate une étude menée en 2006. Simplement, la politique telle qu’ils la conçoivent renvoie à l’idéal premier : faire avancer la démocratie et améliorer la société. Ils agissent donc et savent se battre pour leurs revendications, mais en dehors des partis politiques. »
À dix-sept ans, 45 % ont déjà participé à une manifestation, 29 % ont signé une pétition. Plus significatif encore : la création ces dernières années de multiples associations militantes, comme Jeudi noir, qui lutte pour le logement des jeunes, ou encore Génération précaire, né en septembre 2005 et qui revendique pour les stagiaires, ce « sous-salariat », un véritable statut. « Quand les jeunes vont bien, cela ne veut pas dire qu’ils sont sages, assure Maryse Vaillant. Ils nous emmerdent, c’est sûr. Il faut les éduquer, leur rappeler les règles de l’humanité… Mais si on leur laisse des responsabilités, les jeunes sont capables de faire des choses fabuleuses. » Commençons donc par leur laisser la parole !