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Yves Steiner, représentant suisse d’Amnesty International raconte son expulsion

Publie le mardi 23 mai 2006 par Open-Publishing

Yves Steiner, représentant de la section suisse d’Amnesty International raconte son expulsion dimanche soir de Tunisie. IL est certain que son expulsion est liée à ses prises de position lors du Sommet mondial sur la société de l’information, fin 2005 à Tunis.

 Dans quel contexte s’est déroulée votre arrestation ?
 Ce séjour était mon quatrième en Tunisie. Lorsque je suis arrivé vendredi soir à l’hôtel, il y avait déjà trois policiers à la réception. Je suis venu assister à l’assemblée générale de la section tunisienne d’Amnesty International, j’y ai pris la parole et j’ai participé aux travaux. Dimanche après-midi, trois hommes en civil m’ont demandé de les suivre, sans motif. J’ai refusé et les gens autour de moi ont fait barrage. Les policiers ont basté mais sont revenus une heure plus tard avec du renfort : 40 à 50 hommes format joueurs de rugby.
 Vous ont-ils maltraités ?
 Deux policiers m’ont pris par les bras et un troisième me donnait des coups de genoux dans les cuisses pour me faire avancer. Ils m’ont poussé dans la voiture et, alors que nous sortions de l’hôtel, nous avons croisé celle de l’ambassadeur suisse - que j’avais réussi à prévenir. Ils m’ont plaqué la tête sur les genoux pour me cacher. Régulièrement, l’un des hommes me donnait des petites claques sur la nuque. Je suis resté près de quarante minutes dans cette position, sans savoir où l’on m’emmenait. J’ai eu peur. C’est la pression psychologique qui est la plus dure. Ils m’ont demandé : « Tu aimes la daurade tunisienne ? » J’ai dit oui pour faire profil bas. Ils m’ont répondu que je n’en mangerais pas avant longtemps. Finalement, ils m’ont amené à l’aéroport, stationné dans une salle désaffectée et escorté jusqu’à l’avion pour Paris.
 Imputez-vous cette arrestation à votre discours à l’assemblée générale ou à vos prises de position lors du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), fin 2005 à Tunis ?
 Mon discours était très protocolaire ; chacun se présente et adresse un message de solidarité aux autres. En revanche, le policier qui me donnait des tapes sur la nuque répétait « SMSI, SMSI ». J’ai donné beaucoup de conférences en Suisse et en Tunisie à l’occasion de ce Sommet et au sujet de la situation des droits de l’homme dans le pays. Je crois que c’est clair.
 N’était-ce pas un peu provocateur d’aller sur place pour assister à l’Assemblée de la section tunisienne ?
 Jouer les Robert Ménard, ce n’est pas mon truc mais c’est vrai qu’une interdiction d’entrer sur le territoire ne m’aurait pas étonné. Je ne m’attendais en revanche pas du tout à une telle arrestation. Je suis allé là-bas, invité par la section tunisienne et à la demande d’Amnesty International pour faire le point sur la situation quelque mois après le SMSI. Je n’étais pas le seul délégué étranger.

Amnesty International exige une prise de position « très ferme » de la Confédération ainsi que des explications de Tunis. Selon Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse, l’incident s’inscrit aussi dans le cadre d’une tension entre Berne et les autorités tunisiennes suite au discours ferme - et censuré - de Samuel Schmidt lors du SMSI.