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accrochez-vous : la suisse abaisse à 18 ans l’âge de protection des jeunes travailleurs
Publie le mercredi 19 avril 2006 par Open-Publishingtiré du temps (journal suisse)
La Suisse abaisse en douceur l’âge de protection des jeunes travailleurs mais ne retourne pas au xixème siècle comme l’a voté l’ump !
REFORME. Le parlement est en train de réviser la loi pour permettre aux entreprises d’employer des jeunes de plus de 18 ans la nuit et le dimanche comme des adultes. Pas de crise comme en France, mais des médecins s’inquiètent.
Paris, la France et ses jeunes dans la rue, connais pas. En pleine crise du contrat dit de première embauche (CPE), la Suisse poursuivait paisiblement sa révision de la loi sur le travail. Objectif ? Abaisser à 18 ans l’âge de protection des jeunes travailleurs, actuellement de 19 ans, 20 même pour les apprentis, dans un pays qui passe pourtant pour avoir déjà l’une des législations sur le travail les plus libérales d’Europe.
La machine parlementaire a fonctionné avec la régularité d’un moulin. A part Jean-Christophe Schwaab, secrétaire central à la jeunesse du syndicat Unia, on n’a pas vu grand monde se mobiliser, jusqu’ici, contre une révision proposée par le Conseil fédéral en 2004. Après consultation, bien sûr, des partenaires sociaux et des milieux intéressés, étape préalable qui a fait si cruellement défaut en France.
La gauche débordée L’affaire passe sans encombre au Conseil des Etats, où la gauche ne fait pas le poids. Début avril, au plus fort des manifestations en France contre le CPE, la commission de l’économie et des redevances du Conseil national confirme sans grande surprise qu’elle soutient l’abaissement de l’âge de protection des jeunes travailleurs. Bien sûr, il y a une forte minorité qui proposera au plénum de ne pas entrer en matière, estimant que l’âge déterminant doit être maintenu à 20 ans au moins pour les apprentis. Mais la majorité est persuadée que l’abaissement de l’âge de protection, qui permettra d’employer des jeunes de plus de 18 ans la nuit et le dimanche aux mêmes conditions que les adultes, est « grandement souhaitée » par les intéressés eux-mêmes.
Un argument qui fait bondir Jean-Christoph Schwaab. Le secrétaire d’Unia rappelle que les organisations de jeunesse sont dans l’ensemble opposées à la révision. Un abaissement ne créerait d’ailleurs pas de places d’apprentissage supplémentaires, dit-il. Les branches les plus intéressées par le projet, l’hôtellerie et la restauration, n’arrivent déjà pas à trouver les apprentis dont elles auraient besoin, affirme Jean-Christophe Schwaab, qui condamne par ailleurs les salaires qui leur sont parfois versés.
Standard européen
A la tribune du Conseil des Etats, l’an dernier, Joseph Deiss avait résumé l’esprit de la loi. En fixant la limite à 18 ans, la Suisse se mettrait en conformité avec les pays européens, avait souligné le chef du Département fédéral de l’économie. La protection des travailleurs en dessous de cet âge pourrait alors mieux cibler, et viser ceux qui ont vraiment besoin d’un statut particulier. Et puis, à 18 ans, depuis 1996, on est majeur, rappelait Joseph Deiss. On peut acheter une maison, dépenser tout son argent sans rien demander à personne. Les employeurs seront raisonnables, pronostiquait le ministre de l’Economie : ils n’imposeront pas un travail de nuit à un apprenti la veille d’un cours.
Dans son message, le Conseil fédéral s’est référé à une étude publiée en 2003 sur la santé des adolescents âgés de 16 à 20 ans en Suisse pour contrer les syndicats et les partis de gauche. Ces derniers s’étaient opposés à la révision projetée, lors de la procédure de consultation, jugeant qu’elle allait à l’encontre des besoins particuliers de protection des jeunes.
Rapport utilisé abusivement Mais l’un des auteurs de l’étude, le professeur Pierre-André Michaud, médecin chef responsable de l’unité multidisciplinaire de santé des adolescents au CHUV, a récemment écrit aux parlementaires de la commission pour rectifier l’utilisation à son avis abusive que le Conseil fédéral avait fait de cette enquête. « Sur la base des résultats publiés, il n’est pas correct d’affirmer, comme le fait le gouvernement, que notre étude ne met en évidence que des problèmes généraux de société, non liés spécifiquement au travail, explique Pierre-André Michaud. Pour en avoir le cœur net, j’ai repris nos données et fait de nouvelles analyses qui, elles, ne sont pas publiées. Les chiffres montrent ainsi que le stress des apprentis augmente en cours d’apprentissage, d’une part parce que l’échéance d’un examen aux exigences élevées se rapproche, d’autre part parce que les employeurs en demandent plus, à mesure que l’expérience de l’apprenti augmente. Je suis réservé à l’idée de modifier cette loi maintenant, en tout cas en ce qui concerne les apprentis. Une dérégulation supplémentaire aura des conséquences. Il est ainsi paradoxal de s’inquiéter d’une diminution de l’activité sportive des adolescents, liée en partie à des horaires de travail plus contraignants, et de soutenir en même temps un abaissement de l’âge de protection dans la loi sur le travail. » Le travail, donc, n’est pas toujours la santé.