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gloubiboulga du Monde 1/7/03

Publie le mardi 1er juillet 2003 par Open-Publishing

LE MONDE - EDITION DU 01.07.03

Les intermittents engagent l’épreuve de force
<http://www.lemonde.fr/article/0,598...>

Après la signature, par des syndicats minoritaires, d’un accord
réformant leur système d’indemnisation du chômage, techniciens et
artistes du spectacle durcissent leur mouvement. Montpellier Danse et
les premières représentations d’Aix-en-Provence sont annulés, les
autres festivals menacés.

Les intermittents du spectacle avaient annoncé un mouvement de grande
ampleur, pour dénoncer les accords sur la réforme de leur système
d’allocation chômage signés vendredi 27 mai par plusieurs syndicats à
l’exception de FO et de la CGT, majoritaire chez les intermittents.
Ceux-ci ont tenu parole : les festivals d’été sont gravement
perturbés.

La première semaine d’art lyrique Aix-en-Provence n’aura pas lieu.
Montpellier-Danse est interrompu. Les nuages s’amoncellent sur le
Festival de Marseille, qui risque d’être annulé, sur celui d’Avignon
dont la préparation est menacée et sur les Chorégies d’Orange, en
grève depuis lundi. A Paris, la dernière représentation de Pina
Bausch au Théâtre de la Ville n’a pu être donnée, comme celle du
Malade imaginaire à la Comédie-Française... La CGT appelle à
radicaliser le mouvement en boycottant les Vieilles Charrues à
Carhaix et les Tombées de la nuit à Rennes.

Lors d’une visite en Moselle dimanche 29 juin, Jean-Jacques Aillagon
a fustigé "une protestation irréfléchie". S’il reconnaît à chacun
dans un communiqué "le droit de s’exprimer, y compris par l’usage de
la grève", le ministre de la culture et de la communication déplore
profondément "les conséquences de ces mouvements. Les victimes en
sont d’abord les publics, souvent venus de loin pour assister à ces
spectacles, et de nombreux artistes empêchés de présenter leurs
¦uvres. Ces mouvements affectent également l’économie et le tourisme
locaux". "Le gouvernement, poursuit-il, souhaite disposer de quelques
jours pour analyser l’accord signé vendredi", auquel il doit, dans un
délai d’un mois, donner son agrément.

"TOUS DANS LE MÊME BATEAU"

M. Aillagon rappelle que cet accord "présente notamment l’avantage de
préserver le principe d’un système spécifique d’indemnisation du
chômage des artistes et des techniciens du spectacle et de
l’audiovisuel". La CGT, reçue vendredi rue de Valois, devait rendre
au ministre lundi un mémorandum sur l’accord. Le patron du Medef,
Ernest-Antoine Seillière, a dénoncé sur Radio Classique "les gens qui
vivent de l’assurance-chômage au lieu de vivre de leur travail".

En commençant le 26 juin, veille de l’accord, Montpellier-Danse a
essuyé les plâtres de la fronde. Dimanche 29, Jean-Paul Montanari,
son directeur, déclarait "l’annulation complète du festival".
Mathilde Monnier, qui dirige le centre chorégraphique de la ville,
fait partie des grévistes, comme Régine Chopinot, invitée à cette
édition. "Je ne suis ni avec ni à côté des grévistes, nous sommes
tous dans le même bateau, dit Mathilde Monnier. Cette grève
intervient dans le contexte d’une politique culturelle déjà très
dégradée, c’est pourquoi elle est dure."

Pour le directeur du festival, "il n’y avait pas d’autre solution.
Quand tous les spectacles ont été annulés, l’un après l’autre, au
dernier moment, j’ai compris que l’édition était pliée". M. Montanari
s’attendait pourtant à un accord plus dur. "Il n’est pas bon, mais la
situation d’avant n’était plus viable. Il y a eu pourtant des
concessions, le statut de l’intermittent reste spécifique, même s’il
n’est plus privilégié." Jugeant la situation "extrêmement grave", il
accepte "la détermination des intermittents" dont il se sent
"solidaire".

De son côté, Appoline Quintrand, directrice du Festival de Marseille
qui commence le 2 juillet, a convoqué lundi 30 juin au soir son
conseil d’administration en vue d’une annulation. "Ce que Montanari
vient de vivre est trop douloureux. Des artistes qui voient leurs
spectacles empêchés, c’est dur ! Cette saison, le public n’aura pas
le choix, et j’en suis triste. Mais prendre le risque de faire venir
les compagnies, c’est aussi mettre en péril l’édition de l’année
prochaine. Nos économies sont fragiles. Je sais que ce régime doit
être réformé, mais je dis aux intermittents : "C’est Pierrot le Fou !
Vous voulez que tout saute !" S’il faut aider les intermittents et le
spectacle vivant par un coup d’éclat, il faut avoir le courage
d’annuler. On est dans un piège. Aucun patron de festival n’est au
Medef."

A Avignon, où le festival doit commencer mardi 8 juillet, le principe
de la grève reconductible chaque jour a été adopté. Dimanche 29 juin,
une assemblée générale a réuni 150 personnes : des intermittents
venus de toute la région, des techniciens et l’équipe du festival.
"J’ai demandé que le personnel administratif soit présent, explique
Bernard Faivre d’Arcier, le directeur, parce que je voyais des
banderoles avec des slogans disant : "Avignon, 20 permanents et
600 intermittents". C’est faux. Il y a 250 intermittents à Avignon.
Le reste, ce sont des saisonniers qui aimeraient bien avoir un
statut."

La grève met en cause essentiellement le montage des lieux de
spectacle. "S’il n’est pas fini à temps, je vais avoir des problèmes
avec les commissions de sécurité, dit Bernard Faivre d’Arcier. Nous
avons deux jours pour rattraper le retard accumulé. Après, nous
entrerons dans une période de tourbillon. Si jeudi la grève est
reconduite, je convoquerai l’ensemble du personnel pour savoir s’il
faut annuler les premières représentations." Pour le directeur,
l’annulation n’est pas inéluctable. Il reste "serein" : "Les
intermittents m’écoutent parce qu’ils savent que je n’ai rien à
perdre : c’est mon dernier festival." Tout va donc se jouer dans les
jours à venir, avec l’arrivée des équipes artistiques. Pourront-elles
répéter ? Bartabas et Ariane Mnouchkine s’installent lundi 30 juin.

A Marseille, l’ambiance est tendue au Festival international du
documentaire organisé au Théâtre national de la Criée. Le
représentant du personnel, Jean-Claude Leita, explique : "Nous nous
sommes demandé s’il fallait bloquer un festival où les réalisateurs
invités viennent de Chine, de Grozny, où les films traitent de luttes
souvent plus cruciales que les nôtres. On a choisi de poursuivre tout
en menant des actions."

A Paris, la Grande Halle de la Villette a été le théâtre d’une forte
contestation pendant tout le week-end. Trouvant les syndicats "trop
mous", le collectif Les Précaires associés de Paris, qui avait déjà
occupé le Théâtre de la Colline au cours de la semaine, a réuni plus
de 400 personnes et envisage diverses opérations commandos dans des
théâtres parisiens, "sans préciser lesquels, pour éviter les flics et
les CRS". Ces derniers sont intervenus de façon musclée à Montpellier
(Le Monde du 30 juin). A Caen, la police a délogé, lundi vers
6 heures du matin, des dizaines d’intermittents qui occupaient le
théâtre municipal depuis trois jours.


La réforme contestée par la CGT et FO

L’accord sur l’adaptation du régime des intermittents du spectacle,
signé vendredi 27 juin par le Medef, la Confédération générale des
petites et moyennes entreprises (CGPME), l’Union professionnelle
artisanale (UPA) et par trois des cinq syndicats présents (CFDT, CFTC
et CFE-CGC), à l’exception de la CGT (majoritaire) et de FO, comporte
14 articles et des annexes.

Les champs d’application des annexes VII et X sont recadrés et mieux
définis pour les salariés et les employeurs : édition
d’enregistrement sonore, production d’¦uvres cinématographiques et
audiovisuelles, prestations techniques pour le cinéma et la
télévision, production de programmes radio, diffusion d’¦uvres et de
programmes de télévision ou de radio ainsi que la production, la
réalisation et les prestations techniques de spectacles vivants.

La durée d’indemnisation est fixée à 8 mois (contre 12 actuellement).

La durée d’affiliation requise pour une ouverture de droits est de
507 heures au cours des 10 derniers mois pour les techniciens et 10
mois et demi pour les artistes (contre 12 actuellement). Le système
ne fonctionne plus avec des dates anniversaires, mais l’allocataire
doit épuiser ses droits avant de prétendre à de nouvelles
indemnisations. Sont désormais pris en compte la formation, les
congés maladie et maternité.

L’allocation journalière n’est plus dégressive et celle, minimale,
est augmentée (25,90 contre 24,24 euros).

La franchise est réduite de 30 jours, pour obtenir un démarrage plus
rapide de l’indemnisation.


L’éditorial du Monde
L’art et l’argent
<http://www.lemonde.fr/info/article/...>

LES FESTIVALS de l’été sont perturbés, tantôt suspendus, parfois
annulés. Les spectateurs sont pénalisés. Les milliers d’artistes qui
les ont préparés, souvent très longtemps à l’avance, le sont aussi.
L’une des meilleures images de marque de la France - la vivacité de
sa culture, sa création, sa diversité - est gravement menacée. Elle
l’est dans l’immédiat mais elle l’est aussi pour l’avenir : toute
l’économie des spectacles vivants est à repenser. Le théâtre, la
danse, la musique, les expositions, qui ont su ces dernières années
trouver un très large public, pourraient voir leur existence remise
en cause.

La raison en est une réforme du régime des intermittents du
spectacle. Institué, en 1969, au lendemain des grèves de 1968, afin
d’aider à la création artistique, ce régime indemnise, quand ils ne
travaillent pas, les comédiens et les professionnels du spectacle.
Car le métier d’artiste a toujours été précaire parce qu’aléatoire et
incertain. C’est une spécificité française que d’avoir inventé ce
système de solidarité qui permet à des milliers de créateurs de
vivre, tant bien que mal, de leur art et qui, du coup, garantit la
richesse créatrice. Mais il est menacé. La multiplication par deux en
dix ans du nombre des bénéficiaires, une dépense doublée donc, et un
déficit qui a dépassé 800 millions d’euros en 2002 et qui grossit la
facture que règlent les assurés sociaux du régime général au profit
des gens de culture, tout cela met l’édifice en danger.

Le Medef, qui voulait tout simplement le supprimer, a accepté, au
bout de quatre années de négociations, de signer un compromis avec la
CFDT, la CFTC et la CGC. Il améliore les indemnisations de certaines
catégories, mais, volontairement, durcit les conditions d’accès et
limite l’argent versé, afin d’encourager les bénéficiaires à
rechercher du travail. Pour la CGT, nettement majoritaire, cet accord
met en péril les intermittents. Selon ses calculs, environ 30 % des
bénéficiaires actuels de ce système risquent d’en être, de fait,
exclus. Parmi eux, nombre de personnes travaillant dans les secteurs
culturels les plus fragiles, comme le spectacle vivant.

La CGT a raison de dénoncer cet accord qui ne dit rien du mal qui
ronge le système et qui le détruit : les abus et les fraudes de
toutes sortes. Trop de grandes sociétés audiovisuelles publiques et
privées, trop de grandes sociétés de production, trop de grandes
institutions culturelles comme l’Opéra de Paris ont organisé leurs
budgets en tirant toutes les meilleures ficelles du généreux statut.
Echappant ainsi aux contraintes des contrats à durée déterminée,
elles contribuent à creuser profondément le déficit du système, sans
être vraiment inquiétées par les dispositions de l’accord du 27 juin.

Le premier de ces bénéficiaires clandestins est, on l’aura compris,
l’Etat. Démuni, il trouve là un moyen détourné de faire vivre ses
télévisions ou ses établissements culturels aux frais de l’Unedic. Il
faut que l’Etat cesse de montrer le mauvais exemple. Il faut une
réforme qui remette à plat le régime afin de revenir aux sources :
aider la création.