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Independentzia eta Sozialismorantz
EUSKAL HERRIA PAS À PAS
ASKAPENA Information Nº212
LES RAISONS DE L’ABSTENTION ACTIVE
Le 21 février, la gauche basque fait irruption sur la scène politique avec une proposition qui enthousiasme ses sympathisants et déconcerte les autres. Sous la surveillance de la police, comme à l ?habitude, la présentation officielle des propositions pour la journée électorale du 9 mars a lieu dans un hôtel d ?Iruñea. La société basque est appelée à se positionner face à l ?État et à ses collaborateurs au moyen de l ?abstention active. Au terme de la conférence de presse, la police retient et identifie les porte-parole, mais l ?annonce se répand déjà, telle une traînée de poudre, dans toute l ?Euskal Herria.
Perspective historique
Le refus basque de se rendre au Parlement espagnol est une stratégie appliquée par intermittence depuis 30 ans.
• En 1978, l ?État espagnol prépare le texte constitutionnel au moyen duquel la disparition physique du dictateur Franco devait être réglée. Un député représentant le peuple basque prit alors conscience que tout était bon, prétextes et artifices, pour éviter que la voix des Basques soit entendue à la Chambre des députés espagnole. Il monte à la tribune, lève le poing, crie « Vive l’Euskadi libre », « Vive l’Euskadi socialiste » et, son porte-document sous le bras, il quitte définitivement les lieux.
• En 1979, élections législatives espagnoles. La gauche basque se présente en disant clairement qu’elle n’assistera pas aux séances parlementaires et en incluant sur ses listes électorales des personnes incarcérées. 175.000 personnes ont voté pour l’option présentée.
• En 1982, la même stratégie est maintenue lors de la campagne menée sous le slogan « Nous luttons pour vaincre ».
• En 1989, la gauche basque mise avec force sur les élections au Parlement espagnol. Le résultat est spectaculaire puisqu ?elle obtient 217.000 voix. Les élus de la gauche basque affirment alors qu ?ils vont se rendre à Madrid pour être accrédités au Parlement, en précisant qu ?ils représentent un peuple souverain et qu ?ils vont travailler à la promotion de négociations pour obtenir une paix juste. La veille de l ?accréditation, la délégation basque est attaquée par des mercenaires armés dans le restaurant où ses membres étaient en train de dîner. Un parlementaire est assassiné par balle et un autre gravement blessé. Le lendemain, la condamnation est ferme : « Nous accusons directement le Gouvernement espagnol de ce crime, dont l ?objectif n ?est autre que de faire fléchir la volonté de négociation. »
Malgré tout, les parlementaires de la gauche basque se rendent au Congrès à deux reprises, et leurs interventions brisent la routine parlementaire : la première fois, pour dénoncer la première guerre du Golfe, et la seconde pour s ?élever contre le modèle de construction européenne imposé par le traité de Maastricht : « Les Basques ne sont ni Espagnols ni Français. Depuis notre condition de nation différenciée, nous refusons ce modèle de construction européenne basée sur les États et excluant des nations comme la nôtre... »
• Au cours de la législature 1993-1996, les députés de la gauche basque n ?interviennent qu ?une seule fois, en mars 1995. Ils dénoncent alors la situation des prisonniers et la guerre sale. Cette allocution déclenche d ?ailleurs la colère des députés espagnols. Les députés du PNB se distinguent pour leur agressivité envers leurs pairs de gauche, et remportent la palme quant aux insultes adressées aux députés d ?Herri Batasuna. À partir de cette intervention, la gauche basque ne reviendra plus au Parlement espagnol.Lors des élections de l ?année 2000, déjà, elle se décante pour l ?abstention active. Un processus d ?unification des secteurs basques pro-souveraineté, connu sous le nom de processus de Lizarra, est en cours. Et dans ce contexte, les institutions espagnoles perdent toute valeur aux yeux de la gauche basque. La campagne en faveur de l ?abstention active est un succès, avec une augmentation de 7 points de l ?abstention. Les autres forces politiques font la sourde oreille à cette rébellion nationale basque.
• Les élections de 2004 sont précédées d ?une nouvelle initiative politique : la gauche basque propose aux autres formations basques de former une interlocution conjointe en tant que peuple et au-delà des partis, à Madrid. L ?initiative est rejetée par les autres partis. En 2005, même chanson, lorsque le Président basque, Ibarretxe, présente son plan devant le Congrès espagnol, il est rejeté. Bien que ce plan ait été auparavant approuvé à la majorité du Parlement basque, le président a refusé qu ?une délégation des forces ayant soutenu son plan ne l ?accompagne à Madrid.
• Le 12 octobre 2007, l ?Action Nationaliste Basque annonce qu ?elle va se présenter aux élections dans l ?intention d ?exiger du Congrès espagnol la reconnaissance du droit à la décision du peuple basque. Elle n ?en a pas le loisir. Avant le lancement de la campagne électorale, le Tribunal National espagnol interdit toute action politique de ce parti.
Pourquoi appelons-nous à l ?abstention ?
Plusieurs raisons convergent pour aboutir à cette décision :
Rébellion face à l ?État d ?exception imposé par l ?Espagne et par la France. Sans aller jusqu ?à énumérer les atteintes aux droits - liste sans fin -, nombreux sont ceux qui (en Euskal Herria et à l ?extérieur) considèrent les événements actuels comme totalement injustes et intolérables. Ils considèrent que le moment est venu de lever un mur de dignité pour contenir et freiner les abus commis par les deux États.
Il s ?agit également de démasquer ceux qui, grâce à tous ces abus, préparent un réaménagement statutaire. Non contents du désastre de la transition, si toutefois on peut appeler ainsi ce qui ne fut qu ?un piège, ils sont disposés à rééditer la duperie. Le PSOE nécessite et dispose d ?interlocuteurs collaborationnistes parmi les basques. Or, le PNB et NaBai se prêtent en effet à cette nouvelle escroquerie. Mais la manoeuvre est d ?autant plus difficile si la gauche basque est active. L ?abstention a pour but de démasquer le PSOE et ses collaborateurs.
En troisième lieu, et d ?un point de vue positif, il faut avancer en direction d’une solution définitive du conflit. L ?abstention est un exercice de réaffirmation nationale, un pas de plus vers l ?indépendance.
Les réactions
Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et le Parti Populaire, absorbés par leur affrontement préélectoral, n ?ont pas accordé une grande attention à cette initiative. Les partis réformistes basques, par contre, émettent des signes de préoccupation. La télévision publique basque a donné une information tendancieuse, la police aux ordres rode et identifie les participants aux mobilisations en faveur de l’abstention. Chaque jour qui passe voit apparaître un nouvel argument, plus absurde que les précédents, pour disqualifier la proposition. La gauche basque répond par des initiatives politiques et des mobilisations incessantes.
Euskal Herria, mars 2008
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Independentzia eta Sozialismorantz
EUSKAL HERRIA PAS À PAS
ASKAPENA Information Nº213
UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE SUR FOND DE PROSCRIPTIONS
Le 9 mars, des élections générales ont eu lieu en Espagne. La gauche basque n ?a pas pu se présenter puisque toute activité politique lui avait été interdite. Toutefois, elle a mené une campagne appelant à l ?abstention active, campagne s ?appuyant sur un dynamisme populaire impressionant.
L ?appel de la gauche basque à s ?abstenir a constitué, dès le départ, une alternative au vote, une réponse, en tant que peuple, à une situation gravissime où l’État espagnol niait à un important secteur du peuple basque l’exercice de ses droits fondamentaux. Les leaders des partis basques réformistes n ?ont pas su adopter une hauteur de vues suffisante ; et, agissant dans une mentalité de parti, ils ont rejeté la proposition d ?abstention en traitant la gauche basque comme s ?il s ?agissait de leur pire ennemi.
Certains ont tenté de retirer les drapeaux habituellement défendus par la gauche basque, pour essayer de mettre à profit l’avantage représenté par la mise hors-la-loi de celle-ci. Comme un seul homme, ils ont mené une campagne absolument normale, sans vouloir se rendre compte qu’un pan entier de la société basque est hors la loi. La solidarité et la camaraderie sont des termes qui ne figurent pas à leur vocabulaire. Et comme les mesures judiciaires et administratives ne les concerne pas, ils détournent le regard pour ne pas voir celles qui sont appliquées à d’autres. Ils consentent et l ?abstention les gêne. Ils ont donc tenté de quitter toute légitimité à cette option, en prétextant qu’il s’agissait d’une marque de la faiblesse de la gauche basque, de la perte d ?une énergie précieuse (« Si vous votez pour nous, nous défendrons à Madrid les intérêts du peuple basque ! » Comme ils l ?ont fait jusqu ?à présent, peut-être ?). Mais le coup le plus bas a consisté à utiliser le même discours que le Tribunal National espagnol, discours à l ?origine de l’emprisonnement de tant de camarades : Tout est l ?ETA, et « la gauche basque a lancé une telle proposition parce que l ?ETA est à l’origine de cette initiative ». Et cette accusation, gravissime et non avérée, fournit des arguments au tribunal spécial pour emprisonner, lorsque l’envie lui en viendra, les personnes ayant coordonné le mouvement en faveur de l’abstention.
Joignant le geste à la parole, la télévision publique basque, sous le contrôle du PNB, a boycotté le mouvement pour l ?abstention. Et comme si le silence n ?était pas suffisant, la présence policière habituelle a été maintenue. On a empêché la gauche basque de faire entendre sa voix aux abords des lieux où certains des responsables politiques de la proscription intervenaient dans le cadre de la campagne électorale. Les manifestations et meetings en faveur de l’abstention ont été fortement surveillés par la police qui, à plusieurs reprises, a saisi le matériel et, plus souvent qu ?à son tour, a procédé à l ?identification des participants aux mobilisations. La police basque pro-espagnole a ainsi fait campagne au bénéfice de son patron, le PNB, en arrêtant deux jeunes accusés d ?être de dangereux terroristes qui seraient, deux jours plus tard, remis en liberté sans conditions.
Une campagne électorale avec l ?imagination au pouvoir
Une nouvelle fois, la capacité d ?organisation et de créativité de la gauche basque s ?est révélée au grand jour. Elle a démontré disposer d’une grande équipe de conception graphique, à en juger par les supports publicitaires nombreux et variés appelant à l’abstention. L ?organisation surprend également ; malgré les coups reçus, tout le matériel électoral est parvenu dans les villes, villages et quartiers de la géographie basque... où il a été distribué ; il est clair que de très nombreux militants se sont investis pour que les affiches, tracts, autocollants... deviennent la voix des sans-voix.
La revendication en faveur de l ?abstention a été reprise par des secteurs sociaux variés : jeunes, syndicalistes, étudiants, personnalités de la culture et des arts... Des fêtes pour l ?abstention ont été organisées, avec démonstration de « force basque » (sport rural) et musique populaire. On a pu assister à des séances animées de bersolaritza (improvisation en vers chantée), devant un public nourri. Des visages connus de la scène politique sont intervenus publiquement pour diffuser le message pro-abstention. De nombreuses manifestations publiques ont vu des personnes anonymes intervenir spontanément, au risque d ?une amende ou d ?une arrestation, pour dénoncer la situation. Des groupes de rock basques ont tenu à être présents et ont signé un manifeste en faveur de l’indépendance. Les citoyens anonymes par milliers ont participé à d’innombrables rassemblements, marches, caravanes de voitures, manifestations, etc... Soulignons à cet égard la manifestation d ?Iruñea (Pampelune) du 1er mars qui a rassemblé quelques 3.000 personnes. À de telles occasions, il n ?était pas rare de voir trois générations apporter ensemble la même réponse de dignité face aux assauts de l ?État.
Agissant clandestinement, d ?autres activistes ont effectués de nombreux sabotages et l ?organisation armée ETA a commis deux attentats sans victimes mortelles. Le dernier jour de la campagne, un attentat visait un ex-conseiller municipal, lequel décédait presque sur le coup. Nous y reviendrons.
L ?engagement internationaliste
Tandis que l ?Euskal Herria était le théâtre d ?une mobilisation active et permanente, certains membres de la gauche basque se sont tournés vers l ?opinion internationale : de nombreux contacts ont été établis avec des acteurs politiques et sociaux de différents pays. Résultat de ces démarches, un groupe de 18 observateurs internationaux s ?est rendu en Euskal Herria pour voir dans quelles conditions allaient se dérouler les élections. Par ailleurs, le collectif Anitzak, formé d ?émigrants résidant en Euskal Herria, s’est engagé à diffuser au sein des peuples le conformant une information véridique à propos de la situation actuelle au Pays Basque.
Et, émulant le communiqué émis par Askapena, nous tenons ici à remercier de tout coeur les personnes qui, d ?Argentine, du Chili, de Colombie, de France, de Hollande, d ?Irlande, d ?Italie, du Mexique, du Portugal, de la Nation Mapuche, d ?Uruguay, du Venezuela, d ?Écosse, d ?Occitanie... se sont activement mobilisées pour dénoncer l ?atteinte aux droits qui frappe le peuple basque. Nous tenons également à remercier les personnes qui, dans l’État espagnol, ont apporté une réponse cohérente à cette clameur de solidarité entre les peuples. Des universitaires qui, des Pays Catalans, de Galice et de Madrid, ont démasqué des personnalités liées au fascisme opresseur et qui prétendaient se faire passer pour des démocrates. Nous tenons également à reconnaître la défense des droits des peuples promu par le Comité de Solidarité de Valladolid et la grande manifestation de Madrid, le 1er mars, à l’initiative d’une série d’organisations et de collectifs à la mentalité populaire et à la sensibilité solidaire. Nous encourageons toutes ces personnes à approfondir l ?internationalisme dont ils sont porteurs comme facteur indispensable à tous. Leur exemple nous engage à renforcer notre solidarité envers tous les combattants du monde.
Euskal Herria, 11 mars 2008
Pour nous contacter, écrire à info@askapena.org