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laïcité renforcée à l’hôpital - PELJAK, Directeur d’hôpital 95

Publie le dimanche 29 février 2004 par Open-Publishing
3 commentaires

A l’heure où le Président de la République rappelle que « la laïcité
n’est pas négociable », force est de constater, comme dans le rapport
du 11 décembre 2003 de la Commission de réflexion sur l’application
du principe de laïcité, confiée à Bernard Stasi, que la question
laïque ne se pose plus aujourd’hui dans les mêmes termes que ceux de
la loi du 9 décembre 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat,
l’enjeu étant désormais de concilier l’unité nationale et le respect
des diversités spirituelles et religieuses.

Au-delà de l’école, c’est en effet l’ensemble du service public qui
est confronté à des difficultés dans l’application du principe
(justice, défense, santé). L’hôpital n’est plus épargné par certaines
remises en cause, de sorte que le dispositif législatif et
réglementaire actuel doit être complété par un volet hospitalier
d’une nouvelle loi sur la laïcité.

1. Le dispositif législatif et réglementaire actuel

Les établissements hospitaliers obéissent aux grandes règles du
service public (appelées « lois de Rolland » en droit administratif),
et notamment à celle d’égalité (et donc de neutralité), de sorte
qu’il ne peut être établi de distinction entre les malades en ce qui
concerne les soins (article L.1110-3 du Code de la santé publique).
La charte du patient hospitalisé du 6 mai 1995 précise dans son
article 1er, que les établissements de santé qui assurent le service
public hospitalier accueillent toutes personnes, quels que soient
leurs opinions philosophiques ou religieuses.

Dans son article 7, elle ajoute que les hôpitaux doivent respecter
les croyances et convictions des personnes accueillies. Un patient
doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa
religion (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa
religion, nourriture, liberté d’action et d’expression...). Ces
droits s’exercent dans le respect de la liberté des autres et tout
prosélytisme est interdit, qu’il soit le fait d’une personne
accueillie dans l’établissement, d’une personne bénévole, d’un
visiteur ou d’un membre du personnel.

S’agissant des associations de bénévoles, elles doivent se doter
d’une charte qui définit les principes qu’ils doivent respecter dans
leur action. Ces principes comportent notamment le respect des
opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée
(articles L.1110-9 à L.1110-11 du Code de la santé publique). Devant
les difficultés que rencontrent certains établissements hospitaliers
face à des associations d’usagers qui se comportent comme des groupes
de pression politico-religieux, la commission Stasi souligne la
volonté du ministre de la santé de préciser les conditions dans
lesquelles les associations des usagers du système de santé seront
dorénavant agréées.

2. De Jéhovah à Hippocrate

Cela étant, la presse s’est largement fait l’écho ces dernières
années de la situation de Témoins de Jéhovah transfusés contre leur
gré. Les uns indiquent les médecins ont été formés à sauver des vies
conformément au serment d’Hippocrate, et non à laisser mourir un
patient. Les autres crient au scandale : la liberté de conscience
prime sur toute autre principe. Les troisièmes tirent la conclusion
que les soignants et les hôpitaux doivent désormais choisir leur
procès : celui du non-respect du refus des soins pour convictions
religieuses ou celui de la non-assistance à personne en danger.

Le nouvel article L.1111-4 du Code de la santé publique (issue de la
loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé) dispose que toute personne prend, avec le
professionnel de santé et compte tenu des informations et des
préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé
et que le médecin doit respecter la volonté de la personne après
l’avoir informée des conséquences de son choix. Si la volonté d’une
personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en
danger, le médecin doit tout mettre en ouvre pour la convaincre
d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun
traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et
éclairé de la personne, ce consentement pouvant être retiré à tout
moment.

Dès le 16 août 2002, le Conseil d’Etat siégeant en référé s’est
prononcé sur le sujet dans une affaire « Feuillatey ». Il a notamment
précisé que les médecins ne portent pas à la liberté fondamentale du
consentement à un traitement médical, lorsque après avoir tout mis en
ouvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables,
ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte
indispensable à sa survie et proportionné à son état. Un médecin doit
donc procéder à une transfusion sanguine sur une personne qui
viendrait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un
pronostic vital, et ce sous deux réserves :
- d’une part, avoir tout mis en ouvre pour convaincre le ou la
patiente d’accepter les soins indispensables ;
- et d’autre part, s’être assuré que le recours à une transfusion
était un acte indispensable à la survie du ou de la patiente et était
proportionné à son état.

3. Des droits des patients aux obligations des patients

Ce genre de jurisprudence demeure cependant délicate à mettre en
application. En outre, au-delà des oppositions parfois fatales à des
transfusions par des témoins de Jéhovah, les établissements
hospitaliers sont aujourd’hui confrontés à de plus en plus
d’atteintes au principe de laïcité : refus par des maris ou des
pères, pour des motifs religieux, de voir leurs épouses ou leurs
filles soignées ou accouchées par des médecins de sexe masculin,
privant dès lors des femmes de péridurale ; soignants récusés au
prétexte de leur confession supposée ; couloirs transformés en lieux
privatifs de prière, . Le rapport de la commission Stasi souligne que
ces dérives perturbent l’organisation du service hospitalier et que « 
des personnels hospitaliers s’épuisent dans des négociations avec les
usagers, au détriment des soins qu’ils devraient prodiguer en
urgence ». Il rappelle dès lors que « la prise en compte de
revendications liées à des prescriptions religieuses ne peut aller
jusqu’à affecter les missions du service public

Le rapport de la commission Stasi rejette ainsi les comportements de
patients visant à remettre en cause le fonctionnement du service
hospitalier : « refuser de se faire soigner par un médecin de l’autre
sexe, ou de respecter les règles d’hygiène et de santé publique,
n’est pas acceptable ». A l’image de la loi du 4 mars 2002, il
suggère que le Parlement prenne l’initiative d’une traduction
législative des obligations que les patients doivent respecter :
respect des obligations sanitaires, des règles indispensables au bon
fonctionnement du service public et interdiction de récuser un agent.
Comme l’indique le Président de la République dans son discours du 17
décembre 2003, « rien ne saurait justifier qu’un patient refuse, par
principe, de se faire soigner par un médecin de l’autre sexe ».

L’adoption d’une loi sur la laïcité permettrait de compléter la loi
hospitalière pour rappeler aux patients leurs obligations. Le
fonctionnement des établissements hospitaliers gagnerait alors à un
rappel des conditions de neutralité et d’égalité, sans lesquelles
l’égalité des soins ne saurait trouver totalement sa place dans notre
pays.

Chronique réalisée par Dominique PELJAK, Directeur d’hôpital (Val d’Oise)
Auteur de Les droits du patient hospitalisé (Editions Lamarre, août 2003)

Messages

  • "L’adoption d’une loi sur la laïcité permettrait de compléter la loi hospitalière pour rappeler aux patients leurs obligations."

    Fini l’hopital au service du patient.
    Il faut accepter tout type de soin, incluant les transfusions sanguines, même s’il existe des méthodes plus efficaces et économiques sans usage de sang (chirurgie sans transfusion même sur des nouveaux-nés).
    Totalitarisme légalisé, plus de choix individuel. Pour des principes d’égalité, de laïcité le patient n’a plus droit à la parole, ni à l’existence en tant que personne.

  • les cas des témoins de jéhovah ne concernent que le recours au traitement de la transfusion sanguine, en aucun cas, ils négligent leur santé, et se rendent à l’hopital pour les meilleurs soins qui soient pour leur survie. le seul et unique traitement qu’ils refusent pour un principe biblique clair en actes 15:29 (s’abstenir de sang) et en deutéronome 12:23 : "sois fermement résolu à ne pas manger de sang", est la transfusion sanguine.
    il est à remarquer que ce n’est pas à chaque fois qu’on rentre à l’hopital qu’il est question de sang. de plus, la chirurgie sans transfusion s’est largement développée et est mal connue du grand public et de certains praticiens qui ne l’exercent pas, contrairement à d’autres qui ont largement recours à cette chirurgie. Faut-il diaboliser ces chirurgiens qui ne recourent jamais au sang et prodiguent des soins de qualité ? les recherches et les études révèlent le meilleur rétrablissement des patients soignés sans recours au sang. Pourquoi ne parle-t-on jamais de ces nombreux cas cliniques de soin sans recours au sang ?

    • Praticiens, soyez vigilants :

      Sectes et santé et Témoins de Jéhovah

      Infiltration des sectes dans le domaine de la santé

      http://www.prevensectes.com/rev0401.htm#14a

      Cf : www.assemblee-nat.fr/12/pdf/cri/2003-2004/20040103.pdf

      Extrait :
      <<[...] les Témoins de Jéhovah avancent masqués. Ainsi il a fallu toute la vigilance du président de la Haute Assemblée pour annuler un colloque qui était prévu dans l’enceinte même du Sénat, évidemment pas sous l’étiquette « Témoins de Jéhovah », mais sous celle d’associations faux-nez oeuvrant pour eux. Et savez-vous qui l’on trouvait parmi les intervenants ? Non seulement M.Garay, bien connu comme l’avocat des Témoins de Jéhovah, mais oeuvrant avec lui et d’autres béquilles des Témoins de Jéhovah, M.Patrick Pelloux, dont on a beaucoup parlé l’été dernier et qui participe régulièrement à des activités pro-Témoins de Jéhovah. Comment peut-on déclarer qu’il faut sauver dans l’urgence les patients menacés par la canicule et participer à des initiatives de gens qui refusent le droit de sauver la vie grâce à la transfusion sanguine ? Gardons cela à l’esprit !
      Dès lors qu’il s’agit de sauver des vies, il n’y a pas de compromis possible. Je suis sûr que M.le président est d’accord avec moi, même si, au perchoir, l’obligation de réserve lui interdit de me manifester son soutien, mais ce n’est pas l’envie qui lui en manque.>>