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le rapport Attali deviendra un ramasse-poussière.
Publie le jeudi 24 janvier 2008 par Open-PublishingFRANCE / Nicolas Sarkozy avait promis de suivre ses propositions
Le piège du rapport Attali
JOELLE MESKENS le soir belgique
mercredi 23 janvier 2008, 22:03
NICOLAS SARKOZY A-T-IL parlé trop vite quand, recevant à l’Elysée les 43 grands esprits de la commission Attali sur la croissance, il avait lancé, avec un enthousiasme bien imprudent : « Je ferai tout ce que vous recommanderez » ? Certaines propositions du rapport embarrassent l’Elysée. Qui fera l’inventaire.
AP
PARIS
DE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE
Nicolas Sarkozy a-t-il parlé trop vite, le 30 août dernier quand, recevant à l’Elysée les quarante-trois grands esprits de la commission Attali sur la croissance, il avait lancé, avec un enthousiasme bien imprudent : « Je ferai tout ce que vous recommanderez » ? Alors que l’ancien conseiller de François Mitterrand lui a solennellement remis hier les 316 propositions de son rapport pour débrider l’économie française, le Président a semblé bien embarrassé. « J’adhère à l’essentiel des conclusions », a expliqué Nicolas Sarkozy. Tout en ajoutant aussitôt : « J’assumerai quelques désaccords »…
C’est que le rapport Attali, fruit de quatre mois de travaux bénévoles pour des intellectuels français et étrangers de tous bords politiques, se révèle pour le moins iconoclaste. Parmi les vingt propositions essentielles qu’il recommande pour gagner le point de croissance qui manque tant à la France, quelques-unes sont décoiffantes. Le rapport Attali conseille de recourir à l’immigration pour combler les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Il prône la suppression des départements, un échelon administratif aussi inutile que coûteux selon les membres de la commission. La déréglementation de certaines professions (taxis, coiffeurs, pharmaciens, etc.) est également recommandée. Tout comme la libéralisation des prix dans la distribution. Le rapport pousse en outre assez loin la logique d’évaluation. Les entreprises publiques seraient ainsi notées par les usagers, et les professeurs par leurs élèves. « Il y a là de quoi faire sauter n’importe quel gouvernement », comme disait autrefois l’ancien premier ministre Michel Rocard à propos de la réforme des retraites. Mais il est vrai que depuis, Nicolas Sarkozy, l’a faite, cette réforme des retraites…
Comment le Président se tirera-t-il cette fois du piège dans lequel il s’est lui-même enfermé ? Comme pour lui rappeler ses promesses, Jacques Attali a mis la pression hier. « C’est un rapport prêt à être mis en place, prêt à être appliqué et pas à être mis à l’étude », a-t-il averti. « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être prise dans un ensemble. Ce serait comme si, pour une voiture, on enlevait le frein gauche et pas le droit ».
Mais comment ouvrir de tels chantiers sans mettre la France en émoi ? Le chef de l’État, quitte à se déjuger, a déjà désamorcé quelques bombes. Il a fait savoir qu’il était en désaccord avec la suppression des départements. « Je ne crois pas que les Français soient prêts à renoncer à leur légitimité historique ». De même, il a déjà écarté l’idée de supprimer l’inscription du principe de précaution dans la Constitution. Cette mesure aurait été complètement illisible après le « Grenelle de l’environnement », présenté comme un engagement historique en faveur de l’écologie. Nicolas Sarkozy n’a rien dit encore sur l’immigration. Mais on voit mal comment il pourrait suivre la recommandation du rapport Attali d’ouvrir les frontières alors qu’il a précisément regretté il y a quinze jours de n’avoir pas été assez ferme dans sa politique des quotas… De même, pour celui qui en campagne présidentielle n’avait pas cessé de fustiger l’héritage de mai 68, la recommandation de faire évaluer les profs par les élèves, paraît pour le moins compliquée à suivre…
Si doper la croissance reste bien sûr sa priorité, d’autant que c’est sur le pouvoir d’achat qu’il est le plus attendu, Nicolas Sarkozy aura fort à faire pour ne pas décevoir les membres de la commission Attali qu’il a promis de revoir dans six mois pour un suivi des travaux. En délicatesse avec les sondages, ce n’est pas le moment pour le chef de l’État d’engager des réformes impopulaires.
Et ce n’est pas sa seule difficulté. Sa majorité exprime de plus en plus ouvertement son malaise. Réticents devant les recommandations du rapport Attali, plusieurs parlementaires UMP ne se privent pas de le faire savoir. « Au final, c’est bien le Parlement qui décidera de ce qui sera retenu ou pas », a dû les rassurer le premier ministre François Fillon.
De là à penser que les propositions de la commission finiront au classement vertical, il n’y a qu’un pas. L’opposition l’a déjà franchi. Le premier secrétaire du parti socialiste François Hollande résume : le rapport Attali deviendra un ramasse-poussière.