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Bové : du bagne à Aubagne

Publie le vendredi 9 février 2007 par Open-Publishing
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Bové : du bagne à Aubagne
En tenant son premier meeting de campagne à Aubagne, le syndicaliste entre dans l’arène politique avec un naturel désarmant. Après s’en être longtemps méfié.

« Deux alternatives se présentaient à moi aujourd’hui : je pouvais finir la soirée au bagne ou à Aubagne. Et je préfère être ici ! » plaisantait mercredi soir José Bové, qui tenait son premier meeting de campagne dans la municipalité communiste. Le jeu de mot est facile pour résumer un tournant pas forcément évident. Le leader altermondialiste a fait de sa vie un acte militant comme d’autres en font une oeuvre d’art. Pendant plus de trente ans, l’ex porte-parole de la Confédération paysanne a défendu bec et ongles son ancrage dans le mouvement social. Chantre du contre-pouvoir, il a toujours démenti être animé par une quelconque ambition politique.

Le temps d’un week-end de janvier à Montreuil et le voilà dans la fosse aux lions. « Je ressens un picotement dans le ventre » confiait-il à un auditoire de militants antilibéraux. La réplique cinglante d’Olivier Dartigolle montre qu’ il ne suffit pas d’avoir faim en politique, il faut aussi avoir les crocs. « Il y a d’autres remèdes qu’une candidature à la présidentielle pour soigner ce genre de maux » ironisait le porte-parole du Parti communiste. Mais de quel mal souffre cet admirateur de Gandhi et Martin Luther King ? Rien de grave docteur. Sinon d’une passion démesurée pour l’« action non violente active » prônée par le philosophe Jacques Ellul dont la maxime « agir localement, penser globalement » est devenue l’emblème des alters. Mais l’entrée de José Bové en politique signe t-elle l’échec de cette doctrine ? Autrement dit, le bagnard Bové va t-il devenir une bête politique ?

Pour faire un petit raz de marée...
« Ce qui l’anime n’est pas la conquête du pouvoir. Il veut passer de la résistance au pouvoir comme l’a fait son ami Evo Morales » [ndlr : syndicaliste paysan actuellement président de la Bolivie] explique son avocat François Roux. Devenu un ami de trente ans, il se souvient de sa première rencontre avec le jeune antimilitariste du plateau du Larzac. C’était à la prison de Rodez en 1979. Incarcéré pour avoir dérobé des documents appartenant à l’armée, le jeune José Bové « organisait avec ses compagnons des forums de discussion dans toute la prison. Depuis, il y a une réelle continuité dans son parcours. Une fois le projet d’extension du camps militaire abandonné, les militants n’ont pas fait leur valise. Le Larzac est devenu un laboratoire de pratiques sociales et économiques. Là bas, il a su passer du stade de la résistance à celui de la construction ».

C’était le bon temps des « néo-ruraux » dont une bonne partie sont restés « scotcher » au Larzac. Ainsi le « militant » Pierre Morin, affirme-t-il qu’à Montredon dans le village de Bové, lui et ses amis « étaient contre sa candidature au départ. Nous voulions qu’il reste dans le mouvement social et le mouvement antilibéral ». Indulgent, il votera quand même pour son voisin car « cette campagne peut dévoiler tous les excès du système. Et faire un petit raz-de-marée. »

Mais après ?
Le désistement en forme de « coup de gueule » du candidat à la fin du mois de novembre est resté en travers de la gorge d’une partie des militants antilibéraux. Eux y ont vu le caprice d’une star qui « la jouait perso ». Pour Francine Bavay, élue francilienne, cet épisode a « au contraire joué pour Bové car il a su dire leur vérité aux partis. Les militants s’en sont souvenus et c’est lui qu’ils ont rappelé. Ils savent que Bové mettra en œuvre ce qu’il dit car il a toujours traduit sa vision du monde en actes. ».

D’autres s’interrogent sur l’engagement de Bové : un tour de piste et puis s’en va ? Yannis Youlountas, le co-initiateur de l’Appel pour la candidature Bové ne le croit pas une seconde : « En janvier, José Bové nous a reçu chez lui. C’est vrai qu’il pesait le pour et le contre et qu’il était prêt à mettre sa candidature dans sa poche si nécessaire. Mais depuis ce jour, je peux vous dire qu’il ne réduit pas son engagement au seul 22 avril. Il regarde les choses à beaucoup plus long terme ».

Jeudi 08 Février 2007
Octave Bonnaud

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