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Avant "Dialogues", il y eut "Confrontations", et le "Club de Lisbonne"...

Publie le vendredi 19 février 2010 par Open-Publishing
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Trouvé dans Rouge Midi, un "vieux" texte de 2005, toujours d’actualité :

" Comment analyser le vote des députés européens français sur la résolution à l’origine de la directive Bolkestein ? (voir dans la même rubrique l’article de Raoul Marc Jennar « quelques vérités sur Bolkestein. » Pour mémoire : Droite et PS : POUR, PCF et MDC : abstention, LO : contre). La connaissance de ce vote venant juste après le CCN de la CGT et les remous que l’on sait ajoute aux questions que se posent nombre de ceux qui se battent depuis des années contre cette construction européenne et ses conséquences pour les peuples .

En fait depuis des décennies les enjeux européens illustrent le virage de la gauche française et sa perte de repères. On peut penser que cela est du à l’exercice du pouvoir à partir des années 81 ou réfléchir à l’impact idéologique sur un gouvernement de gauche d’une construction politique commune (l’UE) avec des pays résolument capitalistes. Quoiqu’il en soit c’est bien, entre autres, des engagements européens qui sont à l’origine des reniements des années 80.

Le vote du PS et des verts n’est pas en soi une surprise tant ces deux formations ont depuis le début considéré l’UE comme une grande idée et accepté au nom de celle-ci des textes de plus en plus nocifs pour les peuples. Pour le PS cette approbation de plus en plus marquée (il faut se souvenir qu’il s’était abstenu en 1972 au référendum sur l’entrée de la Grande Bretagne) l’a conduit à des acceptations et des renoncements de plus en plus grands par rapport à son propre projet. Les verts pour leur part ont toujours privilégié « la grande idée » au contenu réel de celle-ci, ce qui les a amené dans leur histoire à souvent anticiper sur la construction politique dont les multinationales ont besoin.

Une abstention surprenante ?

Ce qui peut davantage surprendre les militants politiques ou syndicaux et « le peuple de gauche » c’est l’abstention du PCF et les prises de position publiques récentes du bureau confédéral de la CGT (que certains analysent, à tort ou à raison, comme « un OUI à peine masqué » à la constitution). Comment le PCF qui s’est d’abord rangé dans le camp des adversaires résolus de la construction de l’Union Européenne a-t-il pu laisser passer un tel vote ? Est-ce une erreur de casting pour un parti qui mène campagne pour le NON ? Il faut pour comprendre ce vote qui n’est pas un accident de parcours en revenir à l’histoire.

Une dérive historique

Jusqu’au milieu des années 70 le PCF (et la CGT) affirme son refus de « l’Europe du capital » (il aurait été alors plus juste de parler de l’UE du capital). Puis devant le rouleau compresseur idéologique du capitalisme, redoutant d’être à contre courant, le discours a changé. Il s’est peu à peu affirmé euro constructif, comme si on avait oublié qu’il s’agissait d’une alliance de pays capitalistes, jusqu’à prôner aujourd’hui « l’Europe sociale » sans donner de véritable contenu à cette nouvelle grande idée ni surtout les moyens d’y parvenir. A trop vouloir s’affirmer « euro positifs » on renvoie dans l’abstention ou pire dans les bras de l’extrême droite ceux que l’on nomme les euro sceptiques parce qu’ils ont l’audace de ne pas voir tout ce que « l’Europe » fait de bien pour eux depuis 50 ans et de ce fait ont des doutes sur la possibilité d’arriver un jour à l’Eldorado de l’Europe sociale.

La force du capital depuis le traité de Rome a été de se situer sur le plan idéologique théorique et non sur le contenu de la construction proposée. On confond allègrement Union Européenne et « Europe » et L’Europe c’est la paix, la fin des frontières, l’amour entre les peuples...Dans un souci d’être « modernes », certains idéologues de la direction du PCF ont renoncé à ce qui distingue une organisation révolutionnaire d’une organisation réformiste (et donc électoraliste) : le fait d’assumer d’être à contre courant si on estime que l’idée que l’on défend est juste.

En 58 être « moderne » ou ne pas être isolé c’était défendre l’Algérie Française...heureusement que ce concept n’était pas ce qui guidait le mouvement ouvrier de l‘époque. De même au plan international en 1789 ne pas être isolé c’était être pour la monarchie et en 2003 être pour la guerre en Irak...Ce souci d’être euro constructif a conduit tout naturellement, en particulier les élus européens à essayer de construire... dans une construction qui est en soi antisociale. Par peur d’être accusé de refus systématique, on a intégré ce processus qui apparaissait irréversible et on s’est mis à proposer, à essayer d’aménager...de réformer. On a même eu l’illusion qu’en confrontant nos points de vue avec nos ex adversaires de classe devenus à nos yeux des opérateurs économiques, voire des partenaires sociaux on arriverait à force d’arguments et de persévérance à aménager dans un sens humain cette construction.

Europe : la positive attitude

Il y a d’abord eu en 1991 la création de Confrontations véritable pont entre la droite, la gauche et le syndicalisme, piloté par une DIRECTION COLLÉGIALE réunissant : Jacky FAYOLLE (CAE, Cabinet d’Analyse Economique auprès de Raffarin), Michèle DEBONNEUIL (membre du même CAE et du cabinet Borloo), Claude FISCHER ( PCF), Jean GANDOIS (MEDEF), Philippe HERZOG (PCF), Jean-Christophe LE DUIGOU (CGT), Jacques MAIRE (directeur des relations du travail chez AXA), Francis MER (UMP), Jean PEYRELEVADE (MEDEF), Franck RIBOUD (MEDEF), Jean-François TROGRLIC (CFDT).

Ces faits maintenant connus ont pu et peuvent encore apparaître comme l’initiative d’individus isolés agissant en dehors de leur organisation respective. Certes, ce fut sans doute le cas au début, pour certains d’entre eux en particulier au PCF et à la CGT. Mais cette machine de guerre idéologique s’est développée et force est de constater que son influence est grandissante dans toute la gauche française et le syndicalisme, du moins à la direction de ceux-ci.

Confrontations outre son conseil d’administration où siège, entre autres, Francine Blanche membre du Bureau confédéral de la CGT, a créé un comité de parrainage où l’on voit apparaître au côté des grands patrons français et hommes et femmes politique de droite et du PS (Edmond Alphandéry, Christian Blanc, Martine Aubry, Francis Mer...), des syndicalistes (Alain Olive UNSA...) des élus PCF ou apparentés (Jack Ralite, Jean Pierre Brard) et d’anciens dirigeants de la CGT (Jean Louis Moynot, André Sainjon...).

Mais il y a encore plus grave et plus inquiétant pour la gauche française et plus spécialement pour le PCF. Il existe aussi un « comité de parrainage du cercle européen » où l’on retrouve au côté de gens célèbres pour leurs écrits ou actes antisociaux ( Etienne Davignon auteur du plan de casse de la sidérurgie, Michel De Virville auteur du rapport récent préconisant la casse du code du travail (rapport auquel a collaboré JD Simonpoli ex dirigeant CGT aujourd’hui directeur de Lasaire officine où l’on retrouve J Maire, JL Moynot...), Pascal Lamy commissaire européen aux oeuvres multiples...)Joël Decaillon dirigeant de la CGT et de la CES, Géneviève Fraisse et Sylviane Ainardi députées européennes sur la liste PCF... Pas étonnant dans ces conditions que la même Ainardi n’ait pas cru bon de voter contre une résolution issue directement de ce qu’on appelle la stratégie de Lisbonne et que Confrontations soutient. Pas étonnant non plus que ce soit aux seuls syndicats belges que l’on doive l’initiative d’un débat sur la directive Bolkestein au forum social de Londres en octobre 2004 ni qu’ils aient été bien seuls le 5 juin 2004 à la manifestation contre cette même directive ...

Le club Lisbonne

La stratégie de Lisbonne désigne les objectifs que ce sont fixés les chefs d’états européens à Lisbonne en mars 2000, visant à faire de « l’Europe la 1ère puissance économique mondiale à l’horizon 2010 ». Confrontations, fidèle à ses principes, loin de se démarquer de cette orientation, s’inscrit dans celle-ci et crée dans la foulée le Club Lisbonne (voir document attaché) qui se donne entre autres pour but de :

« 1- Doter l’Union d’une politique industrielle offensive

2- Réformer les marchés du travail sur la base d’un dialogue social européen.

3- Donner une suite aux acquis de la précédente législature sur les services publics et travailler à une perspective commune sur les services d’intérêt général (souligné par nous)

4- Gagner la bataille sur le financement de l’Union, ce qui suppose un véritable budget européen, un nouveau plan sur les services financiers et la sauvegarde des aides d’Etat. »

Le point 3 montre assez que la directive Bolkestein n’est pas née de la lubie d’un homme qui s’est levé un beau matin en se disant : « Tiens ! si je faisais une directive ! ». Non elle est née des orientations du sommet de Lisbonne, de la donc fameuse résolution que le parlement a voté le 15 février 2003 et pour laquelle le groupe communiste ne pouvait pas voter contre puisque outre les noms déjà cités on trouve celui de Francis Wurtz comme membre du club Lisbonne !!!

Conclusion

Au delà de la question des personnes somme toute secondaire, notre démarche ici consiste à essayer de comprendre les dérives constatées.

Dans l’atmosphère consensuelle des salons feutrés de Bruxelles et d’ailleurs, les dirigeants du mouvement ouvrier ont perdu leurs repères de classe qui leur faisaient naguère rejeter en bloc cette construction impérialiste. Tout se passe comme si on pouvait paraphraser l’adage : Dis moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu défends.

Le peuple, abandonné est en train avec ce débat sur le référendum, de se rappeler au souvenir des dirigeants, pompeusement appelés élites, avec d’autant plus de force qu’au contraire d’un 21 avril porteur de désespoir, il a avec le vote NON le moyen de tout remettre à plat. Le NON n’est pas en soi un vote d’espoir mais peut être un tremplin, un point de départ permettant d’imposer d’autres constructions et solidarités internationales futures.

http://www.rougemidi.org/spip.php?article52

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