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> Les sous-hommes existent, Georges Frêche les a rencontrés !

16 février 2006, 19:50

Pour information

Nous voulons que le PS
prenne une position officielle"

NOUVELOBS.COM | 13.02.06 | 15:29

par Gilles Manceron,
vice-président de la Ligue des droits de l’homme (LDH)

Peut-on trouver une explication aux propos de Georges Frêche ? Selon vous, est-ce simplement du racisme comme le soutient le MRAP ? N’y a-t-il pas une méconnaissance de l’histoire des harkis ?

 Il y a bien sûr une méconnaissance de l’histoire. Il y a certainement aussi une motivation électoraliste à courte vue mais c’est vrai que Georges Frêche montre ici qu’il connaît mal l’histoire des harkis. Les harkis ont été pris dans le tourbillon de l’histoire, pris de tous les côtés, entre les demandes de soutien dans les maquis et dans l’armée. C’est véritablement le drame des paysans algériens, car c’était bien eux les premiers concernés. Les taxer d’être des traîtres, des collaborateurs calqués sur le modèle français comme le fait le président Bouteflika, n’a pas de sens. Ils n’avaient pas de parti politique, ils étaient peu scolarisés, voire illettrés.
Et cette idée que les harkis sont des traîtres est largement répandue en Algérie, en France et même à gauche.
La LDH n’envisage pas de porter l’affaire devant les tribunaux comme le fait le MRAP.

Nous avons décidé de publier un communiqué pour interpeller le PS afin qu’il condamne les propos de Georges Frêche, qui est tout de même président de région. D’autant que Jack Lang était présent et qu’il a dit qu’il n’avait pas entendu. C’est pour cela que nous voulons que le PS prenne une position officielle.

Le tollé provoqué par ces déclarations relance le vieux débat sur les harkis. Selon vous, comment mettre fin à cette situation floue, à cette méconnaissance ?

 Avec un certain nombre de partenaires, nous organisons un colloque le 4 mars sur les harkis dans l’histoire de la colonisation.
Il s’agit de restituer la complexité de l’Algérie rurale de l’époque, de comprendre tout ce qui a pu conduire à des décisions contradictoires. Il faut que l’Algérie reconnaisse une histoire dont les gens n’ont souvent pas conscience. Il faut casser beaucoup de représentations complètement fausses. Il faut surtout reconnaître la complexité de cette histoire : comprendre la responsabilité de la France et les promesses qu’elle n’a pas tenues, comprendre les traitements discriminatoires qu’ils ont subi à leur arrivée.
Ce sont ces mêmes discriminations de type colonial que l’on retrouve aujourd’hui.

Aujourd’hui, quelle est la situation de la communauté harkie en France ? Et en Algérie, comment sont-ils perçus ? L’opinion de Bouteflika est-elle majoritaire ?

 La communauté harkie est encore sous le coup des discriminations prises contre elle à son arrivée. Aujourd’hui, les petits-enfants vivent dans des cités proches des anciens camps de harkis. Ces cités sont comme les lègues des camps d’origine. La communauté est toujours marginalisée, toujours stigmatisée, toujours vue de façon simpliste comme des traîtres. Aujourd’hui, ils souffrent d’une double stigmatisation puisqu’en plus ils portent des noms d’origine maghrébine. C’est une situation très délicate.
En ce qui concerne le point de vue de Bouteflika, il est souvent partagé car il arrange les Algériens. Tous les harkis ne sont pas partis à la fin de la guerre. Il y avait beaucoup de situations difficiles internes à la société algérienne. De ces problèmes-là, ils n’en parlent pas trop, et au contraire, ils stigmatisent les harkis partis en France pour externaliser ce problème qui est au cœur des préoccupations de la guerre.
Aujourd’hui, quand des gamins algériens se disputent, le mot "harki" revient souvent. La société algérienne a donc du travail à faire pour que les anciens harkis puissent circuler librement en Algérie, être enterrés en Algérie…

Propos recueillis par François Sionneau
(le lundi 13 février 2005)