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> Honte sur Le Nouvel Obsevateur, Lettre ouverte à M. Claude Askolovitch

28 avril 2006, 09:58

Juste, merci de préciser. :-) Mais le génocide arménien a bel et bien suscité des mouvements d’indignation en Europe. Ma propre grand-mère m’ a raconté avoir perdu deux de ses amies d’école, soeurs, qui étaient retournées au pays avec leur famille. Une de mes tantes est arménienne et m’a raconté le soutien de la population française aux émigrés et aux survivants.

Ceci pour une raison simple - et qui contient également, tant une part d’identification aux victimes, que de racisme envers l’agresseur -. Les arméniens étaient considérés comme proches, parce que chrétiens et blancs. Les Turcs, eux, étaient perçus naturellement comme ennemis, pour des raisons hiistoriques. Ceci évidemment n’excuse en rien l’aggression du pouvoir turc contre la population arménienne. Mais à la même époque, une population chrétienne blanche, massacrant une population de couleur et d’une autre religion, ne suscitait pas autant d’échos. A cette même époque, les empires coloniaux européens exerçaient de plein droit les mêmes atrocités contre les populations conquises, sans le moindre sentiment de culpabilité.

Notre sympathie ou notre indifférence, vis-à-vis des malheurs d’autrui, est directement proportionnelle à notre possibilité d’identification, donc à la proximité que nous attribuons ou non aux victimes. Exemple : le tsunami en Asie du sud-est n’a provoqué tant d’émotion et de manifestations de soutien que parce qu’il a frappé des régions touristiques, où beaucoup d’européens étaient en vacances. Les inondations meurtrières au Bengla-Desh ou au Mozambique provoquent juste un hochement de tête apitoyé "Hé oui, c’est bien triste, mais on n’y peut rien, c’est la vie."

Vous avez raison également de souligner, primo le fait que le comportement génocidaire n’est pas exclusivement "blanc européen", mais bien universel. (Au Rwanda, on peut ajouter le Cambodge. AU Mexique, juste avant l’arrivée des Espagnols, les Aztèques avaient conquis, réduit en esclavage et massacré les populations locales. De même les Incas au Pérou. Et les premières traces historiques écrites, en Mésopotamie, parlent déjà de massacres systématiques de populationx entières, au 3e millénaire avant notre ère. Et s’en font gloire).

Secundo, que la systématisation et l’ampleur, donc l’horreur des fait est proportionnelle au degré de développement technique, politique et militaire de l’agresseur.

J’ajouterai donc simplement ceci : qu’aucun d’entre nous, pas même ceux qui se donnent bonne conscience, n’est à l’abri de ce type de pensée, de cette logique. Chaque fois que le plus anonyme des être humains, où que ce soit dans le monde, s’estime supérieur à un autre - que ce soient pour des raisons de couleur, d’ethnie, de religion, de classe sociale, de richesse, de métier, d’intelligence, d’âge, de sexe, d’opinion politique, de quoi que ce soit, - on y trouve cette menace en germe. "Si untel m’est inférieur, il est normal qu’il me serve, qu’il soit plus pauvre que moi. S’il ose me résister, j’ai le droit de me défendre. Si sa résistance menace mon niveau de vie, j’ai le droit de l’éliminer, de l’éloigner, de l’enfermer, de le frapper, ... de le tuer."

La question est : l’humanité arrivera-t-elle un jour à dépasser ses propres mécanismes psychologiques ? Et comment ? Et quand ? .....

Absinthe