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> LA MISE CONCURRENCE DES "COMPETENCES" ou LES DEVOIEMENTS DE LA "RECONNAISSANCE" LIBERALE.

18 juillet 2006, 21:22

La réforme de la notation
Du chacun pour soi à l’aggravation des conditions de travail

La réforme de la notation, prévue ou en cours dans les administrations d’Etat, porte en elle le " salaire individualisé au mérite " et fait du coup l’objet de la critique des syndicats : les syndicats veulent une augmentation substantielle de leur rémunération et ils critiquent la surexploitation des employés de bases essentiellement par l’effet d’une non requalification de C en B et de B en A, aboutissant à une non reconnaissance du travail accompli qui se matérialise notamment par des salaires qui stagnent.

Il importe certes de combattre syndicalement cette réforme, en même temps d’ailleurs que les différentes stratégies ministérielles de réforme SMR .

Les syndicats réclament le retrait des textes sur l’entretien portant notamment sur l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés, qui sont d’ordre qualitatif (l’implication…) et quantitatifs, ce avant la notation qui elle commande la progression ou régression dans la carrière.
Le texte incriminé est le Décret du 29 avril 2002 abrogeant celui de février 1959. L’arrêté du 21 janvier 2004 et la circulaire du 10 mars 2004 ne sont que des textes d’application.
Au sein du MINEFI, la DGI – Direction des Impôts- a produit un guide de gestion en attente de l’arrêté et de la circulaire pour la mise en oeuvre concrète du décret

Mais il faut aussi frapper à cette occasion l’idéologie de cette réforme au plus profond, dans son essence " barbare " ultime, celle tout hobbésienne qui justifie toujours et encore la mise en compétition de tous contre tous. Il faut donc aller détruire radicalement le virus qui gangrène déjà la pensée des salariés y compris de syndiqués et qui provoque la fracture au sein des collectifs de travail. Il faut le faire d’autant plus qu’il y a, semble-t-il, moins de monde que jadis pour accomplir la tache.

Une nouvelle " servitude volontaire "

La question provocatrice ici posée est de savoir dans quelle mesure cette réforme - qui tout à la fois fixe des objectifs et incite chacun à les tenir et améliorer - annonce principalement une vaste et nouvelle " servitude volontaire " faite de zèle individuel et de fétichisme du travail et secondairement la fin d’une forme traditionnelle du contrôle hiérarchique du travail, notamment du contrôle électronique de la présence au travail ?

La réforme de la notation porte une profonde logique de différenciation et de sélection qui permet non seulement d’accroître encore l’exploitation du travail salarié (intensification multiforme du travail sans meilleure rémunération globale) mais aussi de générer un supplément d’individualisation, de zèle et de casse des solidarités, de mépris des plus lents ou des fainéants.

Le mépris et l’exclusion comme aboutissement du culte du travail

Venons-en au fait : Les valeurs de partage interne/externe, de solidarité globale de classe cèdent devant le culte du travail, la fameuse " valeur travail " de Raffarin. Ce fétichisme du travail pousse non seulement à l’intensification du travail (à l’appui d’autres facteurs) de celles et ceux qui travaillent déjà et par voie de conséquence au mépris de tous les autres . On oublie volontiers ce fatal effet pervers tant du discours de la mise au travail que de l’introduction d’un nouveau régime de mobilisation de la force de travail.

Ce mépris porte sur une double catégorie de fainéants : d’abord bien évidemment celles et ceux qui sont chromeurs, par rapport à ceux qui travaillent mais aussi parmi les travailleurs eux même, entre ceux qui sont à flux tendu, le " nez dans le guidon ", qui travaillent comme des machines et les autres d’une part ceux qui vont à l’extérieur de leur lieu de travail pendant le temps de travail (ex : boire un verre au bar de proximité), d’autre part ceux qui parlent trop souvent entre deux exécutions de travail, ou meme ceux qui parlent peu mais qui travaillent lentement. Le mépris n’a pas de limite.

RTT et " travail effectif "

La mise en place de la RTT a fourni au patronat et aux dirigeants publics l’occasion de mettre en avant la notion de " travail effectif " à l’encontre du temps de présence, de temps soumis à la subordination de l’employeur. En principe, vous n’étés plus libre mais au travail, c’est à dire soumis à la subordination hiérarchique, et ce quoique vous fassiez réellement, dés que vous étés pendant le temps de travail dans les murs de votre lieu de travail (et même avant dans certains cas : exemple la jurisprudence sur les zones et temps de déshabillage) . Vous ne pouvez donc subir de sanctions que si pendant le temps de travail vous sortez du site sans débadger ou sans autorisation.

Le patronat et les réformateurs de l’Etat ont avancer l’idée de réduire ce lieu au service ou à l’atelier .La pointeuse n’est plus à l’entrée des bâtiments mais à la porte du service. Dans cette logique certains patrons font " débadger " leurs employés qui vont aux WC !

Contrôle total avec l’œil électronique !

Il est d’ailleurs envisagé de placer les badges électroniques de travail sur les ordinateurs pour les employés du privé comme du public. L’étape qui suit serait le dépointage automatique dès que vous laissez inactif votre clavier pendant plus de 10 minutes.

A cette occasion on remarque que l’informatisation n’est pas un outil neutre. Elle est bien un totalitaire organe de contrôle et de pouvoir de la hiérarchie. Laquelle dispose aujourd’hui de moyens de contrôle des résultats de chaque fonction et ce à toute heure de la journée . C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les chefs de service demandent de procéder aux validations électroniques de fin de dossier à chaque dossier et non en fin de journée. Cette informatisation permet non seulement de suivre le procès de travail mais aussi d’effectuer des classements par comparaison des postes de travail, ce qui permet de classer les occupants de ces postes et de les noter en fonction de leur productivité. On notera aussi que l’informatique, malgré son apparence " moderne ", réintroduit le travail parcellaire " à la chaîne ".

Cette logique d’exacerbation de la compétition, des inégalités, de mise en flux tendu des services au motif d’une meilleure satisfaction des usagers. Il y a là une part importante de mystification que nous ne dévoilerons pas ici.

Christian Delarue