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Videos, le coming out 2007 : Alain Soral donne des précisions sur ses rapports avec Le Pen...

29 décembre 2006, 19:01

Certes Alain Soral n’est pas très connu en-dehors des milieux « intellectuels ». Pour autant ce n’est pas le personnage qui importe mais plutôt les idées qu’il véhicule. Et là il y a quand même lieu de s’en inquiéter pour deux raisons principales. La première, c’est qu’il joue de concepts quelque peu passe-partout et que l’on retrouve dans tous les discours, tant de droite que de gauche, y compris même dans la gauche antilibérale. Certes avec un sens différent. Mais le « flou » du concept rend le concept « fluctuant » et donc ouvert à toutes les interprétations possibles et imaginables. La seconde, c’est qu’il dit, avec des mots qui sont ceux d’un intellectuel, non pas les pensées (construites, réfléchies) mais les sentiments (faits d’à-priori, d’expériences limitées, empiriques et souvent mal digérées …) d’une partie significative du peuple. En ce sens le discours de Soral exprime assez bien ce que dit le vote « populaire » pour le Front National. … un « dit » immédiat, rigoureusement épidermique, sommaire, « réactif » mais fortement ancré dans un vécu devenu insoutenable et donc, par là-même, prétendant à une certaine légitimité. C’est bien sûr le terreau de toutes les réactions … fascisme, populisme, national-républicanisme … on n’a pas fini d’en découvrir toutes les figures.

Confusions conceptuelles … tout en se revendiquant explicitement du marxisme, en continuant le « travail d’analyse marxiste ». « Il faut être marxiste pour comprendre tout cela », précise-t-il, c’est-à-dire pour comprendre qu’aujourd’hui il y a lieu d’être « alter-nationaliste ». Dénoncer « la dimension réactionnaire de la dérive libérale » (ce que, d’une certaine manière, nous faisons également) signifie pour Soral … réhabiliter l’idée de Nation et de République. Aucun de ces concepts n’est « marxiste ». Quand bien même ils auraient été utilisés par les communistes lorsque la Nation était en péril … Forgés par la Révolution française, ils ont permis les plus grandes avancées démocratiques … et couvert les plus effroyables crimes. Ce sont des concepts (chargés d’histoire) mais pas des concepts marxistes … Cette légèreté conceptuelle de Soral lui permet de prolonger son discours en entretenant les plus grandes confusions. Il dénonce les communautarismes (au nom de la Nation et de la citoyenneté) … c’est aussi le cas d’une partie de la Gauche républicaine et laïque (confusion). On peut noter à ce sujet que Soral dénonce l’agression qu’il a subie de la part d’un groupe d’activistes d’extrême-droite sionistes comme étant l’expression d’une dérive communautaire de la « communauté juive » (c’est là pour le moins les premiers pas d’une pensée qui mène inévitablement à l’antisémitisme) … Soral se positionne comme anti-américain. A ce titre il affirme vouloir échapper au « conflit des civilisations » (nous aussi), il dénonce le bipartisme et la médiatisation à l’américaine de la campagne électorale (nous aussi). Enfin il affirme prolonger le combat qu’il aurait commencé avec le PCF en affrontant « le système » (combat que le PCF aurait déserté en articulant sa réflexion autour de concepts hasardeux tels que « les femmes », « la jeunesse » … ce qui, de mon point de vue, n’est pas totalement faux). Sauf que, pour le « marxiste » Soral … le « système » … ce n’est pas le « système capitaliste » … ce n’est pas le mode de production capitaliste ou la formation économico-sociale capitaliste … le « système » c’est, d’une part, ce qu’on appelle la « classe politique » (droite et gauche confondues), d’autre part les manifestations au quotidien de l’autoritarisme de l’Etat néolibéral (le système « orwellien », dit Soral). Fort de cette approximation conceptuelle (qui évite soigneusement de désigner la vraie cause des souffrances populaires et donc les véritables « lieux » des luttes antisystémiques authentiques), Soral peut donc formuler une nouvelle définition (odieuse ?) de « résister » et de « résistance ». Les « résistants » … ce ne sont plus ceux (celles) qui affrontent le capitalisme à l’usine, aux champs, à la ville … mais ceux qui refusent de « collaborer » avec le « système » (au sens de Soral) soit en choisissant de fouiller les poubelles à Berlin soit en adhérant au Front National. Apologie de la marginalité vertueuse qui permet ainsi d’établir une passerelle idéologique avec certains aspects de la contestation d’autrefois (soixante-huitarde)… et « reconstruction » de la figure de Le Pen en « résistant » (au « système » façon Soral) à l’instar d’un De Gaulle réfugié à Londres en 1940 (il doit se retourner dans sa tombe !). Citation : « ce mec ne doit pas être si mauvais que ça … s’il a pour ennemi ce système ignoble depuis 30 ans ». Et donc Le Pen c’est « courage, résistance, indépendance », et encore « le plus grand punk, le plus grand rebelle ». Oui, Le Pen peut apparaître comme cela si l’on considère qu’il affronte le système selon le « marxiste » Soral et non le système capitaliste. La subversion n’est plus que renversement des valeurs. Au mercantilisme vulgaire (incarné par le néolibéralisme) s’oppose le sens de l’honneur ( !), la noblesse, le patriotisme. Il conviendrait bien sûr d’examiner si ces valeurs correspondent bien à la droite nationaliste en général et à Le Pen en particulier. Reste que sur le terrain des valeurs … on peut dire et penser à peu près tout ce que l’on veut. Il suffit d’y croire. Et il n’est pas rare que les pires ennemis se déchirent au nom des mêmes valeurs. Donc terrain pas très sûr où même les écarts ne sont pas si graves que cela. Concernant la parole antisémite de Le Pen … on a parlé de dérapages (par définition occasionnels et malheureux !). Soral en rajoute en déclarant qu’on « a poussé » Le Pen à déraper. Donc rien de grave. Cela ne touche pas aux « fondamentaux ». ! Lesquels « fondamentaux » sont avant tout des valeurs … qui furent celles du Parti communiste autrefois avant d’être celles du Front National aujourd’hui. Au regard des valeurs, on peut donc se dire national-républicain tout en essayant d’apparaître fidèle au « marxisme » à l’aide de formules attrape-gogos du genre « je refuse l’essentialisme » … et donc « je reste essentiellement ( !) marxiste » car « … les choses passent de l’une dans l’autre » … qui est, je le suppose, la définition soralienne fantaisiste (et fausse) de la dialectique matérialiste. Mais par ce biais (la référence à des « fondamentaux » qui ne seraient en fin de compte que des valeurs), c’est une carte manichéenne de la France politique qui se dessine. D’un côté les bons rassemblés autour de Le Pen, de l’autre … tous les autres, de droite comme de gauche, corrompus, indignes, vendus à l’étranger, traîtres à leur cause … j’en passe et des meilleurs (la scatologie bien sûr !) … bref, la France à nettoyer ! Cette référence à des « fondamentaux » (qui ne sont rien d’autre en philosophie que des « essences » quoiqu’en pense ce pseudo-anti-essentialiste » qu’est Soral) permet aussi les plus grandes libertés avec la sociologie politique. Plus de classes sociales (et donc à fortiori plus de lutte de classe). Le Front National n’est pas le « Parti de la classe ouvrière » mais le premier Parti « ouvrier » de France (définition sociologique), ce qui est tout autre chose. Il y aurait même eu, dans les années 90, des économistes « marxistes » (jugés tels par Soral qui est expert en ce domaine !) pour théoriser que « le salut du travail et du salariat français se ferait par le soutien …. des PMI et PME » ! Voilà le marxisme de Soral ! Dans ces conditions, que reste-t-il pour défendre les acquis sociaux ? Rien ni personne sinon … les frontières … à rétablir … le Front National s’en chargera. La boucle est bouclée.

On peut qualifier comme l’on veut le discours d’Alain Soral … populiste (cela lui plaît bien), national-populiste, national-républicain … ce n’est qu’affaire de décor … en d’autres temps on aurait dit « fasciste » et sans état d’âme. Mais il s’agit toujours de concepts et Soral se plaît à les détourner. Alors disons simplement que c’est le discours de la réaction … comme toujours manipulateur, enjôleur, flatteur, médiocre mais trompeur. Et donc dangereux !
JPL - Collectif unitaire de Manosque