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Voulez savoir ce que pense un pied noir 45 ans aprés ??? c’est cadeau pour vous.

26 mai 2007, 09:05

Français depuis deux générations naît en Algérie.
Mon père a fait 3 ans de guerre et deux ans d’armée,a été décoré par le Général de Gaulle pour actes de bravoures.

Enfant de 12 ans j’arrive en France en avril1962 avec mes six frères et sœurs pour être mis en sécurité. Mes parents restent en Algérie pour garder la ferme du patron. Mais quelques jours avant l’indépendance rentrent à leurs tours, surtout que le patron était en France depuis un moment.

A partir de là nous avons vécu pendant quelques années cloîtrés, honteux d’être ce que nous étions. Espagnols d’origine, rapatriés et qualifiés d’ arabes par mes camarades élèves.
Personne ne disait que mon père etait français,ayant fait la guerre pour la France,que j’étais français. D’ailleurs mon père nous disait, « pour les Français,les « Patos » comme nous disions à la maison,on n’est pas comme eux. Pour nous c’est les papiers qui sont français.

Je passais mon temps à jouer du poing, pour des motifs nombreux. « Sale espagnol, sale arabe, sale pied noirs,vous venez manger notre pain » etc…
A l’école,toujours au fond de la classe et longtemps bon dernier. Mes frères mêmes punitions.
Fils d’agriculteur, pieds noirs, je n’avais aucune chance. Comme nous étions très pauvres, avec d’autres enfants pieds noirs nous chapardions tous ce qui passait devant nous. On en avait marre de voir les autres aller au cinéma, manger du chocolat, avoir une télé .Notre télé à nous c’était la rue,les magasins,les églises,les bistrots etc…

Le jour ou je connu les parents de celle qui allait devenir ma femme,ma future belle mère me dit :Vous savez nous,nous n’aimons pas les familles nombreuses et le mariage ne doit pas être le lieu ou nous devons être trop nombreux.(j’ai pensé qu’elle nous voyait comme dans un souc .La ou on achète les moutons pour les égorger dans les baignoires !)ça à marqué notre cher président.

Nous pieds noirs avons été conditionné pour en ravaler, pour nous taire. Nous devions dire merci poliment à l’épicier,au boulanger. Nous devions bosser et nous taire.
Je me souviens de ce curé du village qui venait bénir la maison, en deux coups de pomme d’arrosoir (c’était vital, car le diable pouvait nous faire du mal !), et prenait les 100 balles que ma mère avait économisé si durement. Je n’en pleure encore de rage .L’hiver nous n’avions pas de chauffage dans les chambres et les murs suintaient d’humidité. Merci France !

La révolte sonna. Parti en ville, par les cours du soir après le travail ,par le travail acharné, par la volonté de me venger ;aujourd’hui je dis « me dépasser »,j’ai appris ,j’ai progressé,et j’ai relativisé la faiblesse humaine. J’ai fait les trois huit, et vingt ans après j’étais cadre dans une multinationale en électronique.

Il y a encore des lieux en France ou des braves villageois qui sont sortis ,juste pour aller au marché, traitent encore les pieds noirs, d’étrangers. Mais ceux là sont absout depuis longtemps.

Alors vous comprendrez que lorsque j’entends parler de : Racaille d’immigres arabes, noirs, jaunes, moi je réponds : je les aime. Et je suis prêt à faire la guerre aux racistes pour les défendre.

Manuel Navarro