Accueil > ... > Forum 259631

Marina Petrella : signez la pétition de soutien

24 août 2008, 17:29, par Mike Gallantsay

"...je ne suis pas certain que dans la même situation, je n’aurai pas fait le même choix."

Et, camarade, vous auriez eu bien tort !

Ce que les groupes terroristes des années 70 — Brigades rouges, Bande à Baader, Cellules communistes combattantes, Armée Rouge japonaise — ont mis en œuvre sous le nom pompeusement fallacieux de « lutte armée » est injustifiable pour deux raisons aussi essentielles que complémentaires : la morale et la politique.

D’abord, il est faux de dire que ces groupes pratiquaient la lutte armée : le meurtre systématique de civils désarmés, aussi antipathiques qu’ils nous apparaissent, et ce, dans un pays souverain, où l’essentiel des droits humains et « démocratiques » est respecté n’est pas un comportement de combattant. L’Italie d’Andreotti de Craxi et consorts n’était pas la République de Salo. Les SS étaient partis depuis longtemps, les élections étaient raisonnablement libres, sinon le PCI n’aurait pas obtenu 33% des voix ! Les droits syndicaux respectés : il suffit de savoir que, pendant tout un temps, à la Fiat, c’étaient les comités d’atelier qui fixaient les horaires, les cadences, et l’organisation du travail ! Ça fait rêver... Quant à la liberté de la Presse, elle était totale.

Le thème d’une résistance armée était anachronique, injustifié et mystificateur.

D’autre part, un « combattant » armé, lutte contre des ennemis... armés ! Yasser Arafat ou Georges Habache, qui menaient la lutte contre Tsahal et le Mossad, dans un pays occupé par une armée étrangère qui, de surcroit avait fait subir à leur peuple un véritable « nettoyage ethnique » étaient légitimes, Baader, Meinhoff et Renato Curcio ne l’étaient pas !

L’assassinat impitoyable et glacé d’Aldo Morro, attaché les yeux bandés au fond d’une cave après plusieurs semaines de détention est une faute morale ! qui les disqualifie. Ce sont des méthodes de maffieux, de gangsters fascistes, de tchékistes à la Béria.

Le terrorisme plus ou moins aveugle est une arme de fasciste. Qui d’ailleurs ne se privaient pas de l’employer : attentat de la Piazza navona, du train Italicus etc... Souvenons-nous de la définition du fascisme que Dimitrov donnait a un congrès de l’Internationale : « Dictature terroriste ouverte... » !
Reprendre les méthodes de l’ennemi dans ce qu’elles ont de plus abject vous fait passer séance tenante, de l’autre coté de la ligne de démarcation entre oppresseurs et opprimés.

« Nous combattons pour la bonne cause !
Pour libérer le genre humain... »
D’accord mais pas comme ça ! Sinon, nous sommes simplement des aspirants dictateurs. Navré, camarade, mais on a déjà donné...

La volonté de lutter pour la libération de l’oppression capitaliste, sous quelque forme quelle se présente, est inséparable d’une dimension morale, qui doit nous interdire certains moyens.
C’est dommage, mais c’est comme ça ! Non content d’être les plus faibles, d’être isolés, il nous faut, de surcroît, nous battre avec une main dans le dos et sans utiliser les coups de pieds dans les couilles...
Peut-être pour cela que c’est si difficile ? Et toujours à recommencer... Je crois qu’il nous faut, comme disait Camus : « ...imaginer Sisyphe heureux ! »

Voilà pour la part morale. Venons en à la politique.
Le recours à l’action terroriste est une vieille lune du Mouvement ouvrier. Avant la Révolution de 1848, Blanqui théorisait déjà les « minorités » agissantes qui mèneraient le Peuple — aveugle ! Forcément aveugle !— vers le paradis lumineux de l’émancipation...

Dans les faits, il est constant que ces groupes archi-minoritaires, et ne s’autorisant que d’eux-mêmes, soit bien plus qu’ infiltrés mais quasiment infestés par la police... Quand ce n’est pas la police elle-même qui les a créés pour mieux piéger les révolutionnaires naïfs Le mode de recrutement, le secret etc... Tout concourt à obtenir ce brillant résultat.

La méthode en a été théorisée dés 1850 par les bureaux coloniaux de l’Empire britannique, qui préconisaient, dans les pays qu’ils occupaient, de créer eux-même les organisations de « résistance » à l’armée anglaise ( lire Joseph Conrad).
Rappelons pour mémoire que l’Okhrana tsariste fabriqua Netchaïev, manipula le pope Gapone, et infiltra un Malinovsky au bureau politique du parti Bolchevik... Et sans doute quelques autres, puisque de bons auteurs affirment que Joseph fils de Vissarion, terroriste dans sa jeunesse, aurait eu, lui même, un fil à la patte !
Je ne me prononcerai pas sur ce point...

Depuis ces temps héroïques, si les méthodes se sont considérablement affinées, le principe de créer des mouvements provocateurs que l’on contrôle fut toujours employé : la Gestapo créait de faux groupes de Résistance — Se souvenir des martyrs de la Cascade du Bois de Boulogne !— certains groupes trotskystes des années cinquante recevaient leur financement directement de Langley (Consulter : « La CIA en France » de Frédéric Charpier) et il faut être d’une naïveté confondante, pour ne pas voir à quel point la célébrissime « Armée de Libération symbionaise » a contribué à discréditer la gauche américaine et à ouvrir un boulevard à la Révolution Conservatrice de Reagan...

Fomenter des attentats sous fausse bannière pour épouvanter le pékin moyen est une constante de l’action contre-révolutionnaire. Le 11 Septembre est là pour nous le prouver, mais les techniques de manipulations modernes permettent souvent de faire accomplir ces actes contre-révolutionnaires par des gens sincèrement convaincus qu’ils œuvrent pour la bonne cause...
En résumé : « Ouh ! Ouh ! Méfiez-vous ! Les flics sont partout ! »

Ce que les dirigeants historiques des BR ont fini par soupçonner sur le tard puisque Alberto Franceschini subodore que l’enlèvement et le meurtre d’Aldo Morro, ont été téléguidés par la CIA.
Bon Dieu ! On s’en serait un peu douté... Chercher à qui le crime profite...
Morro vivant, le Compromis Historique eût sans doute vu le jour, c’est à dire : le plus grand parti communiste d’Europe, appuyé par un immense mouvement de masse, participant au pouvoir d’une des dix grandes puissances industrielles du monde...

Convenez que, plus que le nez de Cléopâtre, voilà qui eût contribué à changer sa face...Au monde...

Comme disait le regretté Jean Patrick Manchette dans Nada : « Le terrorisme étatique et le terrorisme individuel sont les deux mâchoires du même piège à cons ! »

Voilà pourquoi, ayant eu l’âge, en ces temps reculés, de me poser la question qui vous tracasse, je me permets de vous déconseiller d’y répondre par l’affirmative ! Mais la question n’est pas là...

Marina Petrella, comme les autres brigadistes réfugiés chez nous, avaient reçu la parole de la France, par la voix de son plus haut magistrat. Ils renonçaient à la « lutte armée », ne faisaient plus de politique en France, et on tournait la page ! Ils ont tenus leur parole, eux !

Qui croira que F Mitterand ait décidé cela sans consulter ses homologues transalpins ? Qui peut croire que Forlani ou Cossiga n’ont pas donné leur accord, bien soulagés, sans doute, dans finir à moindre frais ?
Ce qui a eu lieu en Italie durant les années de plomb, c’est une ébauche de guerre civile tiède, et qui, dans les derniers mois, approchait dangereusement du seuil d’incandescence.

En accordant l’asile, Mitterand a contribué à éteindre le feu. C’était un acte politique juste et responsable. En ne respectant pas sa parole, la France de Bouffon 1er s’interdit à l’avenir, et pour longtemps, de jouer quelque rôle d’intermédiaire que ce soit lors d’un conflit interne dans un autre pays. Les offres bruyamment faites au FARC sont des pantalonnades grotesques.
En résumé, non contente de se déshonorer, la France n’est plus crédible.

Politiquement, c’est plus qu’un crime, c’est une faute ! Comme disait l’autre...

Enfin, est il moralement acceptable de revenir trente ans en arrière et d’envoyer en prison à vie ! En faisant fi de toute prescription ?

Le 10 juillet 1880, l’Assemblée nationale vote la grâce de tous les condamnés de la Commune, DIX ANS après la guerre civile, Paris à feu et à sang, les Tuileries et l’Hôte de ville incendiés, près de 10 000 morts, 15 000 condamnations dont 7500 aux travaux forcés....
Amnistie totale 10 ans après !!!

Après les amnisties de 1946, 1947 et 1952, il ne restait, en 1958, soit 14 ans après la fin de la guerre, plus aucun détenu pour faits de collaboration. PLUS AUCUN !!

Les attentats de l’OAS ont eu lieu en 1961/62. Ils n’étaient pas moins aveugles et pas moins criminels que ceux des brigades rouges. Dés 64 une première amnistie libérait les ¾ de ces membres. En 68, soit 7 ans ! seulement après les faits, Salan et ces acolytes sortaient de prison...
Amnistie générale et définitive pour les deux parties : On n’a plus le droit de parler des crimes commis à l’occasion de la guerre d’Algérie. Quels qu’ils soient, pour quelque raison qu’ils aient été commis, aussi atroces eussent ils été...
Pour faire bon poids, Mitterand rétablira, en 1981, les droits à la retraite des généraux félons .
« Et pourquoi pas Pétain à Verdun ! « s’exclamera Pierre Joxe suffoqué.
« Pourquoi pas ? En effet... » rétorquera le président...

Argument absolu : consolider la « Paix civile ».

Et là ? Trente ans après les faits ?

Les arguments gluants d’hypocrisie de nos tenants de la Loi et l’Ordre, comme quoi : « Les victimes, elles n’ont pas eu de sursis ! » — Mme Michu essuie une larme ! C’est bon pour l’audimat ! — auraient la moindre chance d’être audibles si les assassins de la gare de Bologne, les activistes des réseaux Gladio, et le Prince Borghèse lui-même, étaient au moins passés devant un tribunal... Rions un peu... Quoique pas très drôle !

Non, la lâche décision du Tartuffe de l’Elysée — Il livre, mais souhaite une grâce ! — est moralement ignoble.

Pour ma part, c’est pour ces deux raisons ; morales et politiques, que je signe cette pétition, mais en aucun cas pour exprimer un soutien rétroactif à des actions meurtrières aussi injustes que contre productives. Quoi qu’il en fût, par ailleurs, du courage et de la sincérité, dont je ne doute pas, des convictions de Battisti ou de Marina.

Salut et fraternité
Mike Gallantsay