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Et maintenant Delteil "se paye" Fajardie !

1er mars 2010, 21:08, par MARTIN Roger

AD NAUSEAM

Gérard Delteil, militant et théoricien révolutionnaire, pourfendeur de l’État policier, Prix Moncey de la Gendarmerie, Grand Prix du Quai des Orfèvres, a engagé une lutte de tous les instants contre les faux révolutionnaires.

Pendant dix jours, sa plume a fustigé Didier Daeninckx (« nul politiquement », « aux connaissances politiques rudimentaires », « RRRésistant de papier », « procureur stalinien » et autres joyeusetés), puis il s’en est pris à Roger Martin (« calomniateur », « porte-flingue et porte-coton (?) de Didier Daeninckx), mais aujourd’hui, le dénonciateur de la police et la justice bourgeoises, qui ne parle que de faire des procès à ses contradicteurs, s’en prend aux morts.

Voici ce qu’écrit celui qui ose évoquer « le petit comportement minable » des autres :

"Cela-dit, le milieu du polar n’est pas pire que les autres. Dans les bureaux et les usines, les gens se font aussi des crasses pour passer chef. La différence, c’est une certaine hypocrisie, la différence entre les grandes idées proclamées et le petit comportement personnel minable. Pas tous, heureusement. Fajardie - paix à son âme - était le type même de l’opportuniste dont la seule vraie préoccupation était... Fajardie. Il pouvait copiner avec Delon, avec un réalisateur d’extrême-droite et se dire anar le lendemain dans une réunion de la CNT ; dégommer Daeninckx un jour dans son dos et se rallier à lui le lendemain."

Ce crachat dégueulasse sur la tombe d’un écrivain qui fut un des tout premiers à permettre le renouveau du genre noir et que l’on retrouva toujours du côté des obscurs et des sans grade, à Métaleurop par exemple, c’est la saloperie de trop, l’ignominie qui fait déborder la coupe. Je ne crois pas aujourd’hui que ce jaloux maladif, cet envieux obsessionnel mérite qu’on continue à perdre son temps à polémiquer avec lui. Et j’ose croire que tous ceux qui sont écoeurés par sa bassesse, par son attitude face à l’affront fait au Poulpe, par cette haine recuite qu’il nourrit contre les vivants et aujourd’hui les morts, auront dorénavant, lorsqu’ils le croisent, la seule attitude digne de respect en ignorant ce foutriquet.

Roger Martin

Frédéric Fajardie, un homme de convictions et d’action

À Arras, hommage sera rendu à l’auteur de Métaleurop, paroles ouvrières, disparu le 1er mai 2008.

Il s’appelait Moreau, mais du héros de L’Éducation sentimentale, qui portait son patronyme, c’est le prénom qu’il préférait. Il est parti trop vite, laissant derrière lui une oeuvre considérable et abondante, comme un Balzac ou un Jack London.

Il avait su gagner la confiance d’un lectorat exigeant et nombreux qui attendait ses livres avec une impatience gourmande et fraternelle. Admiré par la plupart de ses pairs, il avait néanmoins souffert d’une hostilité plus sourde que déclarée, nourrie par une certaine jalousie aux raisons troubles, le milieu du polar, malgré certaines illusions soigneusement entretenues, n’étant pas plus fraternel que celui de la littérature tout court. Tueur de flics, en 1979, l’avait imposé comme une voix nouvelle dans la veine du roman noir, à l’égal d’un Manchette.

Suivirent des romans courts, incisifs et déchirants, La Nuit des chats bottés, Sniper, dont personne ne sembla remarquer ce qu’ils devaient à l’écriture du Steinbeck de Des souris et des hommes, une influence pourtant revendiquée dans Gentil, Fatty ! Avide et passionné, l’écriture était pour lui une occupation de tous les instants : remarquable nouvelliste, il en écrivit des centaines, dont la plupart sont de véritables joyaux. Maître du dialogue, il en signa pour le cinéma, avec les scénarios de quelques films noirs où s’illustrait Delon, ce que ne manquèrent pas de lui reprocher dans son dos des confrères dépités qui s’illustrèrent plus tard à TF1.

Parallèlement, il signait dans l’Humanité des billets d’humeur au vitriol. Boulimique d’histoire, lui, le spécialiste du roman court, il réussit la saga romanesque haute en couleur des Foulards rouges où il rendait hommage au genre de cape et d’épée et au génial Dumas. L’histoire contemporaine était néanmoins le thème de prédilection de l’ancien militant d’extrême gauche et du compagnon de route du Parti communiste. Frédéric Fajardie n’écrivait pas pour passer le temps. Résistance et épuration en Normandie (La Théorie du 1 %), guerre d’Espagne (Une charrette pleine d’étoiles), Résistance (Un homme en harmonie), voilà ce dont cet homme qui ne s’était jamais renié avait envie de parler. Et avec quel talent !

À la Fête de l’Huma, nous avions sympathisé et je crois pouvoir dire que nous étions devenus amis. Il avait accepté avec enthousiasme d’écrire une nouvelle pour le recueil 36 Nouvelles noires pour l’Humanité. La dernière fois que je lui ai parlé, c’était au téléphone. Sa voix assurée avait cependant du mal à masquer la maladie, mais sa seule préoccupation c’était son Métaleurop, paroles ouvrières, dont les droits iraient aux ouvriers de la boîte. Il en parlait avec émotion et fierté, plaçant cette oeuvre de « propagande » au-dessus de sa dernière saga romanesque. Depuis, quand je pense à Frédéric Fajardie, je l’imagine quelque part, en compagnie d’un Jules Vallès ou d’un Jack London, ces écrivains qui n’ont jamais, comme lui, renoncé. Jusqu’au dernier moment, Frédéric Fajardie est resté fidèle à ses convictions et à ses idéaux de jeunesse. Faire vivre son oeuvre avec son souvenir, comme c’est le cas à Arras ce 1er Mai, c’est le plus bel hommage qui puisse lui être rendu.

Roger Martin

30 avril 2009 L’Humanité