Bellaciao
La défaite du jour du souvenir
Article de Paolo Ferrero ex secrétaire général de Refondation Communiste, coordinateur de l’Union Populaire en Italie vice président de la Gauche Européenne
Aujourd’hui, le 27 janvier, c’est le jour du Souvenir. A cette date, en 1945, la soixantième armée de l’armée soviétique franchit les portes du camp de concentration d’Auschwitz et l’horreur de l’Holocauste devint un fait public. La mémoire de cette date est censée marquer une discontinuité dans l’histoire de l’humanité, un avant et un après : l’holocauste ne doit pas être oublié pour qu’il ne soit plus répétable. Les souffrances infligées étaient trop grandes et le plan nazi d’extermination d’une partie de l’humanité jugée inférieure : juifs, gitans, homosexuels, etc. était trop lucide et rationnel. Ce "trop" de souffrance et de rationalité lucide dans sa poursuite ne peut être ignoré : il est incompatible avec l’existence de l’humanité et comme tel doit être rappelé "pour toujours et à jamais".
Cette journée n’est donc pas seulement un moment de commémoration ou un anniversaire : c’est un projet qui utilise la mémoire comme un outil pour faire en sorte que la pratique inhumaine de l’holocauste assume une valeur universelle et devienne un tabou.
Il est clair qu’il s’agit d’un projet controversé.
Ils ont commencé par le révisionnisme historique, niant l’holocauste dans l’ampleur ainsi que la qualité de la conception criminelle.
Ils ont ensuite élevé d’autres crimes et massacres au rang d’holocauste. Cela n’a pas élargi la prise de conscience de la gravité de l’holocauste mais l’a relativisé, en en faisant un épisode parmi d’autres.
Aujourd’hui, nous avons eu le renversement complet du sens du jour du souvenir : les dirigeants du musée n’ont pas invité le gouvernement russe à la cérémonie qui s’est tenue dans le camp de concentration d’Auschvitz.
Il faut saisir le sens général de ce qui s’est passé aujourd’hui en Pologne : ce n’est pas seulement un acte politique mais c’est la négation de l’unicité de l’holocauste dans sa réduction à un alignement politique dans un conflit. Nous sommes face à la banalisation du mal, à sa non-reconnaissance. Ce qui s’est passé aujourd’hui en Pologne aurait pu se produire avec la complicité de tous les pays occidentaux.
Il faut prendre acte de ce fait qui s’ajoute à l’indulgence bienveillante avec laquelle les pays occidentaux apprécient un nationalisme ukrainien qui trouve ses mythes fondateurs en collaboration avec les nazis et qui s’accompagne d’un Parlement européen qui réécrit l’histoire du XXe siècle sur la base de la pensée réactionnaire – quand elle n’est pas nazie – typique de nombreux pays de l’Est.
Le projet politique inhérent à la journée du souvenir, la tentative d’introduire une discontinuité dans l’histoire de l’humanité qui érigerait l’holocauste en tabou, échoue donc en raison de la paresse des pays occidentaux qui, pour des raisons d’opportunité politique, banalisent et relativisant « l’unicité dévastatrice de l’holocauste ».
L’Occident, la pensée libérale occidentale - aujourd’hui largement hégémonique - est à l’origine de ce gigantesque travail de révisionnisme historique qui ne se nourrit pas de négations mais d’équations... Nous en aurons de nouvelles preuves dans les semaines à venir, lorsque le jour de le souvenir sera utilisé pour assimiler des phénomènes historiques qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.
La lutte contre ce révisionnisme historique plus subtil et dangereux est l’une de nos principales tâches politiques car le caractère sacré de la lutte contre le nazi-fascisme est le seul fondement solide sur lequel nous pouvons construire, je ne dis pas une société de libres et d’égaux mais aussi seulement une civilisation digne de ce nom.
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Vos commentaires
# Le 29 janvier 2023 à 01:19, par Stirner
En tout cas ce ne serait pas étonnant car ce grand peuple (que je me plais pour ma part à nommer le " Peuple mère" pour le rôle qu’il a joué dans la libération de l’homme) commence par affirmer l’unicité de Dieu et d’un Dieu qui serait celui de toute l’humanité, et produire la naissance des deux religions suivantes qui ne sont rien d’autre que des formes du judaïsme) il paraît étonnant pour l’agnostique que je suis de dire cela et pourtant l’affirmation d’une seule humanité est un pas gigantesque fait dans la direction d’une vision commune -iste- de cette humanité et comme le capitalisme et e.g l’impérialisme occidental (sur son déclin d’ailleurs et tant mieux) ne sont fondés que sur la différence (origine de l’inégalité : races, classes sociales etc...) et la violence, on comprend quelque part les deux millénaires de torture et de barbarie infligées à ce peuple et la tentative de cacher, de banaliser cette barbarie.
# Le 29 janvier 2023 à 17:29, par Pedro
Dieu unique ? Au dessus des autres mais pas forcément unique.
"Louez le Dieu des dieux, Car sa miséricorde dure toujours"
https://saintebible.com/psalms/136-2.htm
Dieu de toute l’humanité ? oui, si on veut...
"vous êtes un peuple élu , une communauté de rois-prêtres , une nation sainte , un peuple que Dieu a pris pour sien"
https://www.bible.com/fr/bible/21/1PE.2.9-10.BDS
https://www.gotquestions.org/Francais/genocide-cananeen.html
Quoiqu’il en soit, Marx n’a jamais pensé une telle chose qui concerne de loin le communisme. Les réacs prétendent même que l’article de Marx Sur la Question juive serait antisémite. En réalité, ils le coupent de son contexte : c’est une réponse à l’ouvrage de Bruno Bauer "La Question juive".
# Le 29 janvier 2023 à 19:40, par Stirner
Pécisions intéressantes et bienvenues ; il reste que la tentative de banaliser les massacres de Juifs (notemment vers 30 après Jesus Christ à Alexandrie et à chaque départ de croisade, et bien sûr durant la seconde guerre mondiale -et toujous en Europe d’ailleurs- ne passera pas !
# Le 30 janvier 2023 à 10:29, par Pedro
https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Grenade
D’accord, géographiquement, Grenade était en Europe.
Plus frais à nos mémoires :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meute_anti-juive_de_Constantine
# Le 31 janvier 2023 à 04:09, par Stirner
Oui mais c’est après la chute du dernier état musulman d’Espagne, le royaume nassraride de Grenade en 1492, que les rois chrétiens de Castille et d’Aragon , décidèrent d’expulser d’Espagne les Juifs qui refusèrent de se convertir au christianisme :. étrange coïncidence : la même année que la chute de Grenade... Aujourd’hui encore des millions de personnes chrétiennes, depuis le décret de Théodose II vers 390 , ( 10 millions en Egypte, 2,5 en Syrie, 2,5..en Irak, 17% de la population palestinienne ; la moitié des Libanais continuent d’être chrétiens depuis environ 12 siècles d’occupation musulmanes ;
les faits sont têtus mais ce sont des choses dont on ne se vante pas. Il n’y a plus qu’à vérifier.