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TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS"
Publie le dimanche 28 mai 2006 par Open-Publishing8 commentaires
Suite à une convocation sur mon portable au commissariat d’Annecy, et sans aucune explication concernant le motif de cette convocation, je me rends à 9h le matin au commissariat d’Annecy. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendait :
Là on me dit que je suis en garde à vue jusqu’au soir, si tout va bien, que j’ai le droit de voir un avocat, et de prévenir une personne de mon choix.
Je sens s’écrouler un cube de verre imaginaire tout autour de moi et dans ce fracas de verre brisé tous mes sens en éveil, je commence à me sentir coupable, mais de quoi ?!.?!
On me demande de retirer mes lacets, et tout le cinéma (essayez donc d’aller aux toilettes avec le flic qui garde la porte ouverte), photos face profil avec l’ardoise noire, empreintes digitales, pas le droit de passer un coup de fil par toi même ni de répondre à un appel, etc...) On m’assène la coup sous les termes suivant : " escroquerie aux assedic " !
On me récite mes droits, je saisis l’occasion de l’avocat commis d’office pour avoir une heure de répit et avoir en face de moi quelqu’un qui n’est pas un ennemi, c’est une petite pause salutaire. Mais le pauvre n’est au courant de rien, n’a pas accès au dossier et ne peut que me réciter des banalités, ça fait tout de même du bien de parler à un être humain.
On commence par me nier le droit de me prétendre artiste, on me parle d’émissions de télé, un autre flic arrive et décrit en rigolant la dernière émission de la nouvelle star, " eux ont du talent ces petits jeunes ". Ma substance vitale est en train de me quitter...
Et peu à peu j’apprends que les Assedic ont déposé une plainte contre l’association X... (je ne sais pas si je dois mettre le nom) avec qui j’ai travaillé pendant trois ou quatre années comme relais pour mes heures, cachets et interventions artistiques.
On me demande de signer une autorisation de perquisition alors que mon domicile en H. S. est celui de mon compagnon et que le mien est dans les A. de H. P., et sur mon refus, on me menace de prolonger la garde à vue, de mettre " en bas " comme ils disent, avec coups de poings sur la table, haussement de ton, et pressions psychologiques. Je finis par signer pour avoir la paix, puis je demande à me rétracter et là : re-menaces et haussement de ton. " Si vous collaborez on en tiendra compte etc... " Je finis par accepter la perquisition chez Bao alors que mon adresse officielle est à R...
On me questionne sur des faits remontant à 5 ans en arrière, qu’avez vous fait en 2001, 2002 ? Je m’embrouille dans les dates, je n’aime pas le passé, je suis toujours tournée vers l’avenir et je n’ai pas la mémoire des dates- " nous aussi on a des problèmes de mémoire, on en a tous " me dit le collègue du flic. On m’annonce qu’on a les moyens de me faire avouer et que on verra tout à l’heure...je me sens prise dans un piège...j’ai l’impression que je ne vais pas survivre à cela, ma tête me fait mal, j’ai l’estomac qui fait n’importe quoi. Je vois mes parents mourir de chagrin, ma maison saisie, mon couple démoli etc, etc....
Arrive l’heure de midi, on m’apporte le " plat Sarkozi ", qui me donne envie de gerber, l’odeur est à l’image du reste. La femme flic a peur que je fasse un malaise et me force à manger...j’avale trois petits pois...j’ai envie de vomir (finis les bons vieux sandwiches de Maigret)
On perquisitionne au domicile de mon compagnon. De retour au commissariat, après avoir saisi tous mes feuillets et mes documents professionnels, ainsi que ceux concernant ma compagnie artistique, on m’interroge pendant encore 6 heures non stop sur ces documents, comment se passe l’enregistrement d’un disque, qu’est-ce qu’un concert, un spectacle, pourquoi telle facture ou telle pièce ? Des noms, qui est ce musicien ? vous avez répété combien de temps ?
-" ah, 12 heures de travail, vous vous foutez de nous " etc...
On remonte depuis 2001, je ne me souviens de rien, je suis trop émue pour pouvoir me défendre ou me justifier. Je m’embrouille encor plus dans les dates.
J’ai monté cette association loi 1901 pour pouvoir fonctionner sur des projets artistiques tels que comédies musicales, concerts, disques en souscription etc.. Je n’ai pas d’argent, jamais reçu aucune aide ni aucune subvention de personne, je bosse des heures et des jours et des nuits comme tout le monde pour mener à bien tout ça comme un grand nombre d’artistes dans mon cas, je n’arrive pas à mettre 3000 de côté pour changer ma voiture qui a 20 ans (brave vieille nevada !) bref, la galère, mais le bonheur d’avoir choisi sa vie et de pouvoir construire des projets artistiques.
On m’explique que je vais devoir rembourser 47 000 (j’ignore d’où sort cette somme, car cela voudrait dire que j’aurais touché plus de 900 € par mois des Assédic pendant 4 ans, ce qui est loin d’être le cas).
Vers 21h (12 heures plus tard de destruction systématique) je signe la déposition qui fait six page, je n’arrive pas à relire, j’aurais signé n’importe quoi pour qu’on me laisse partir.
Je sens le sol se dérober sous mes pieds, mon avenir s’écrouler, j’ai envie de me foutre en l’air, je me sens humiliée et brisée. Finalement, après un interrogatoire éprouvant de 12 heures, on me laisse partir avec la tête en feu, une nausée violente et pas du tout littéraire, non sans m’avoir demandé de faire la preuve de toute mon activité artistique depuis 2001 " sans quoi je considérerais qu’il y a eu tricherie ".
Je suis restée sans voix pendant deux jours, pour une chanteuse c’est amusant et j’ai souhaité de tout mon coeur trouver un boulot au supermarché du coin, et ne plus entendre une seule note de musique de ma vie.
Deux jours après, je me relève et je me dis qu’il ne faut pas baisser les bras, ne pas leur donner raison, alors je repars sur le sentier de la guerre, sur ma clé de sol avec ma boule dans la gorge mais aussi l’envie de me battre et de ne pas en rester là. Il y a beaucoup d’autres petits soldats de l’intermittence qui vont passer comme moi sur le grill et j’aimerais bien qu’ils se manifestent, pour que nous soyons plus forts ensemble pour nous défendre et garder la tête haute.
Voilà comment, ne parvenant pas à faire disparaître le statut des intermittents par les voies de la négociation, on tente de le faire par d’autres moyens
Notre isolement c’est leur force
Dans cet affaire on constate deux niveaux :
1.. une atteinte à la personne ; c’est pour nous du ressort de notre citoyenneté, des collectifs anti sarko, de la ligue des droits de l’homme etc.. C’est être présent à l’hôtel de police lorsque les copains sont convoqués avec des représentants de différents partis syndicats association... (Se souvenir par exemple, que la circulaire Pascal Clément enjoint les magistrats à requérir des peines d’emprisonnement ferme pour les infractions commises à l’occasion des manifestations anti-cpe)
2.. une atteinte au salarié (nous sommes toujours sous un régime avec présomption de salariat) dont la défense se passe normalement par les syndicats, pour nous la FNSAC-CGT ( http://www.fnsac-cgt.com/ ) (divers syndicats selon les branches). Ici le problème de dossier (dont j’ignore les tenants et aboutissants) est passé directement à la justice, sans concertation, sans passer par la commission assedic etc..
N’hésitez pas à me contacter en cas de problèmes ou d’informations
Denis MICHEL (représentant le SFA : Syndicat Français des Artistes-interprètes) 04 79 85 21 57
ciedm@delokmanivelle.com
Messages
1. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 30 mai 2006, 09:06
Petite question : depuis quand la "fraude à l’Assedic" relève du Pénal ?
2. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 30 mai 2006, 11:32
bonjour,
après avoir fait suivre un mail contenant le témoignage de S., j’ai reçu un message d’un ami d’ami qui peut transmettre ce message au syndicat de la magistrature. Mais pour cela il faut l’accord de la personne concernée. Cette personne rajoute à son courriel ceci : "Si S. veut témoigner, entre autres, de la manière indigne dont fonctionne la garde à vue, ce que je crois comprendre, il serait préférable me semble-t-il que son courriel ne comporte pas de nom de personne physique ou morale autre que le sien et qu’elle invite explicitement à sa diffusion."
Xavier Ferran, musicien.
1. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 30 mai 2006, 16:50
D’abord et avant tout, il faut rappeler à tous, militants ou non : NE FAITES PAS DE DÉCLARATION PENDANT VOTRE GARDE À VUE. VOUS N’Y ÊTES PAS OBLIGÉS. NE RÉPONDEZ QUE SUR LES QUESTION PORTANT SUR VOTRE ÉTAT CIVIL. C’EST PAS COMPLIQUÉ, BORDEL !
KAOU
3. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 30 mai 2006, 17:51
Bonjour,
J’ai lu et relu le témoignage de S. C’est inquiétant et ça ouvre pas mal de questions.
Je me demande en particulier si S. est poursuivie en tant que salariée (intermittente) ou bien en tant qu’employeur. En effet elle mentionne dans son message :
Le choix de "monter une association" peut facilement mettre le salarié intermittent en situation d’auto employement, et donc casser le "lien de subordination" présumé établi par le contrat de travail. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_du_travail).
On navigue donc éventuellement aux marges du salariat. Et quand il n’y a plus de salariat, il n’y a plus d’Assedic non plus. C’est une vision bête et méchante qui semble poindre du côté d’Annecy, mais qui est malheureusement très logique.
Les institutions (ADAMI, collectivités locales et les divers bailleurs de fonds,... ) ont + ou - poussés les artistes à "monter leur association" car ils ne subventionnent pas les artistes directement. C’était à mon avis pousser les artistes vers une pente assez dangereuse : l’association dirigée officiellement ou officieusement par un artiste salarié se retrouve "naturellement" employeur pour mener à bien des projets artistiques.
Quand aux manières utilisées (garde à vue etc...) au delà de la brutalité qui semble malheureusement assez courante, on peut imaginer que la police cherche à isoler le suspect pour qu’il ne s’entende pas avec d’éventuels "complices" (gérant "de paille" de l’association, etc...) C’est cruel mais encore une fois logique.
En espèrant qu’il y ai plus de peur que de mal dans cette histoire, et avec toute ma compassion pour S. (que je ne connais pas).
Michel (musicien)
4. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 30 mai 2006, 18:33
A l’auteur de l’article : d’un point de vue de la forme, il me semble dangereux de mentionner tout nom propre autre que celui de S, merci donc de supprimer les noms des personnes physiques et morales ou de villes dans cette article dans le but de ne pas envenimer la situation ou dans le simple respect de la vie privée de S.
Une élève de la personne concernée.
5. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 31 mai 2006, 12:09
Bonjour,
Je suis S., la personne qui a écrit son témoignage de garde à vue. Je suis intermittente, chanteuse et je monte des comédies musicales avec des amateurs.
J’ai vu votre site et les réactions suscitées par mon témoignage. J’aimerai que vous retiriez mon nom ainsi que celui des autres personnes citées car je me rend compte que faute d’informations complètes, tout le monde écrit ou déduit n’importe quoi sur la question. J’ai un travail artistique, intense en ce moment particulièrement, et je ne souhaite pas que ce travail puisse souffrir de cette triste mésaventure. J’ai déjà bien assez de mal à surmonter cette épreuve, sans en rajouter.
Pourriez-vous donc s’il vous plait retirer de votre site tous les noms propres. En revanche, vous pouvez laisser le témoignage si vous le souhaitez.
Merci de bien vouloir tenir compte de ce mail
Bien cordialement
S
1. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 1er juin 2006, 19:06
S. a écrit :
Plus exactement : on en déduit ce qu’on peut.
Il serait d’ailleurs intéressant d’avoir les réponses aux questions posées pour pouvoir y voir plus clair, et peut-être ensuite pouvoir aider la personne mise en cause.
6. > TEMOIGNAGE mai 2006 "GARDE A VUE D’INTERMITTENTS", 31 mai 2006, 14:46
Depuis quand peut-on signer une autorisation de perquisition à un domicile qui ne soit pas le sien ?? A moins qu’il soit déclaré à plusieurs nom...