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Le Sionisme et l’antisémitisme (2/3)
Publie le mercredi 21 février 2007 par Open-Publishing2 commentaires
La montée du sionisme et sa nature
Le sionisme va puiser son fonds idéologique nationaliste dans le même terreau que les nationalismes européens, ceux qui vont mener l’Europe à la guerre de 14 ou plus tard à la collaboration avec le Nazisme. Le sionisme repose sur un certain nombre de mensonges fondateurs. _ Pour les sionistes, l’antisémitisme est inéluctable. La lutte pour l’égalité ou la citoyenneté n’a pas de sens. Il faut partir et avoir son propre pays. Un exemple : l’affaire Dreyfus : Théodor Herzl en tire la conclusion que puisqu’une moitié de la société française est antisémite, il faut partir.
On peut en tirer une conclusion diamétralement opposée. Puisque le combat pour Dreyfus a été celui de tous les progressistes français et puisqu’il s’est soldé par une victoire, c’est que la lutte pour la citoyenneté a un sens. De même, les sionistes vont utiliser le pogrom de Kichinev pour provoquer une émigration vers la Palestine. À la même époque, en Russie, de nombreux Juifs s’engagent dans les partis révolutionnaires. Parmi eux, il y a le Bund, parti révolutionnaire juif qui prône « l’autonomie culturelle » pour les Juifs sans territoire spécifique et qui organise des milices d’autodéfense.
Le sionisme est donc essentiellement au départ une idéologie nationaliste d’exclusion qui prétend défendre le peuple opprimé par la séparation et le repli sur soi. Il est au début très minoritaire face à tous les courants politiques qui, au nom d’une conception universaliste du judaïsme et des persécutions antisémites, se battent pour transformer les sociétés dans lesquelles vivent les Juifs.
Quel est le peuple juif que les sionistes veulent sauver en le faisant immigrer ? Il ne s’agit pas des millions de Juifs du Yiddishland qui forment bien un peuple. Dès le départ, le sionisme veut éradiquer le Yiddishland. Il s’adresse à l’ensemble des Juifs du monde, y compris à ceux qui n’ont rien à voir avec l’antisémitisme européen. Pour cela, il fabrique une langue et une identité nouvelles et ce sera bien sûr la langue religieuse.
Les sionistes qui arrivent en Palestine dès le début du XXe siècle méprisent ou ignorent le peuple autochtone. C’est le fameux mythe meurtrier de la « terre sans peuple pour le peuple sans terre ».
Une anecdote que raconte Eitan Bronstein, fondateur de Zochrot, un mouvement israélien qui recherche la mémoire des villages palestiniens rayés de la carte : au musée de Hadera, une grande ville entre Tel-Aviv et Haïfa, il y a la photo des fondateurs de la ville. Quand on regarde la photo, autour des fondateurs, il y a plein de Palestiniens. Ils ne sont pas sur la légende. Les sionistes ne les ont pas vus. Ou alors ils les ont vus avec les yeux de tous les colonialistes : comme une population destinée à être soumise ou dominée et à qui on peut voler la terre sans problème.
Les sionistes ont inventé toute une théorie pour justifier la prise de possession du pays. L’ancien Premier Ministre Itzhak Shamir ou la ministre de Sharon, madame Livnat ont parlé d’une présence ininterrompue des Juifs en Palestine. C’est historiquement faux. Entre la dernière révolte contre les Romains, celle de Bar Kochba en 135 ap JC et l’arrivée de Juifs espagnols en Galilée en 1492, il n’y a quasiment pas de Juifs dans le pays, en tout cas beaucoup moins en proportion que dans les pays voisins (Egypte, Mésopotamie, Perse …). Même avec une immigration (essentiellement religieuse) pendant le XIXe siècle surtout vers Jérusalem, le nombre de Juifs est très faible avant le sionisme. Il s’agit donc bien d’une entreprise de conquête et de négation du peuple autochtone.
Le sionisme a incontestablement un aspect messianique. Aspect qui lui a valu au début l’hostilité franche de certains courants religieux pour qui cette prétention messianique (où l’Etat d’Israël remplace le Messie) est une hérésie. Depuis, le courant national-religieux a fait la synthèse (avec la colonisation des territoires occupés) entre colonialisme et intégrisme. Mais il reste des groupes religieux antisionistes (Nétouré Karta, Satmar …).
Le sionisme a entrepris de transformer radicalement les Juifs. Pour construire l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer » le Juif, le cosmopolite, l’universel, le dispersé. Il a fallu se débarrasser de sa culture, de ses valeurs, de sa mémoire, de son histoire. De nombreux traits, de nombreux mythes de la société israélienne sont totalement étrangers à l’histoire juive. Le militarisme bien sûr (Israël est une armée dotée d’un Etat et pas le contraire), l’esprit pionnier (« du désert, nous avons fait un jardin », façon de masquer que la société israélienne s’est surtout développée par un transfert massif d’argent venu d’Occident), l’insensibilité totale à l’autre qui s’oppose radicalement à l’universalisme de la sortie du ghetto. Pour les Juifs du monde arabe, c’est pire. Là, il n’y a pas d’histoire de persécution. C’est le sionisme qui a créé les conditions de leur départ et qui a organisé matériellement leur émigration pour qu’Israël puisse se doter d’un prolétariat. Ils ont été arrachés de pays où la présence juive était vieille de 2000 ans avec un message qui les prive de passé et d’avenir : « vous viviez dans des pays de sauvages, les Ashkénazes vous ont ramenés chez vous ». Il y aura un travail très important à faire sur « les identités juives » pour combattre les évolutions de la dernière période. On peut dire que, là où d’autres idéologies ont échoué pour créer un « homme nouveau », le sionisme a réussi à créer un « homo judaïcus » nouveau. L’opposante Nourit Peled parle de virus ou de paranoïa collective.
Le sionisme veut clore l’histoire juive. Il présente la diaspora comme une gigantesque parenthèse. Il proclame la centralité d’Israël. Tous les Juifs sont sommés d’immigrer ou d’aider Israël.
Sinon, ce sont des traîtres ayant la haine de soi. La plupart des institutions juives (à commencer en France par le Crif) n’ont qu’une seule fonction : la défense inconditionnelle de la politique du gouvernement israélien, quel qu’il soit. Cette négation du droit à l’existence d’un judaïsme non-sioniste est totalitaire. Mais elle puise ses sources dans un conflit plus ancien entre « partisans de l’ouverture » et « partisans de la fermeture ».
Avec l’émancipation des Juifs, les premiers l’avaient emporté.
Avec le sionisme, les seconds prétendent parler au nom de tous les Juifs. Non seulement leur politique est criminelle vis-à-vis des Palestiniens, mais elle met en danger les Juifs qu’ils vivent hors d’Israël ou en Israël. Elle s’oppose à des années de lutte pour l’égalité des droits. Et sérieusement, qui peut penser qu’Israël puisse poursuivre éternellement et impunément sa politique d’humiliations et de destruction de la Palestine ?
Face à toute critique, le sionisme se défend en invoquant l’antisémitisme et le génocide. Il faut être clair sur cette question. Oui, l’antisémitisme racial est une monstruosité qui a abouti à l’extermination programmée de 6 millions de Juifs (soit la moitié des Juifs européens), tués parce que Juifs, toutes classes sociales confondues. Tous les courants politiques, tous les Etats, toutes les Eglises ont été défaillants vis-à-vis de la montée du Nazisme. Les sionistes invoquent souvent la visite du grand mufti de Jérusalem à Himmler en 1942 pour justifier les slogans actuels (Arafat est un nouvel Hitler). Mais ils omettent des faits gênants : Ben Gourion brisant l’embargo des Juifs Américains contre l’Allemagne Nazi, Jabotinsky admirateur de Mussolini, le groupe Stern ayant une telle conscience du génocide en cours qu’il a continué à assassiner des soldats britanniques jusqu’en 1942. La construction du futur Etat a toujours primé sur toute autre considération.
Pendant l’occupation Nazi, la résistance juive a été essentiellement communiste ou bundiste, les sionistes n’y ont joué qu’un rôle marginal.
Après la guerre et dans les premières années d’Israël, le génocide n’intéressait personne et on opposait l’israélien pionnier défrichant fièrement sa terre au déporté soumis se laissant massacrer.
Le tournant, c’est le procès et l’exécution d’Eichmann (1960). Plus tard, il y aura Yad Vaschem. Le génocide devient la raison d’être et la justification des politiques israéliennes : « les Arabes veulent nous tuer ou nous jeter à la mer. Si nous ne voulons pas que le génocide se produise à nouveau, nous n’avons pas le choix. ». La peur de l’anéantissement et l’instrumentalisation de l’extermination sont soigneusement entretenues. Qui sait en Israël que la moitié des Juifs exterminés n’étaient pas croyants et ignoraient pour la plupart jusqu’à l’existence du sionisme ?
Ce qui est sûr, c’est que partout où, après 1945, il y a eu discrimination ou persécution contre les Juifs, le sionisme a été renforcé. Sur ce terrain comme sur d’autres, les bourgeoisies des pays Arabes ont agi contre les intérêts du peuple palestinien en participant au départ des Juifs. Dans les pays de l’Est, sous le stalinisme et le post-stalinisme, la persistance d’un antisémitisme officiel a renforcé Israël. S’est ajoutée à ce phénomène la déception de nombreux Juifs qui avaient été communistes ou proches du communisme.
On le comprendra, je ne crois pas à l’existence d’un « sionisme à visage humain », même si quelques refuzniks y croient encore et pensent que seule l’occupation salit la société israélienne. L’apparition massive d’un projet colonial ignoble (450000 israéliens vivent dans les territoires conquis en 1967) et celle d’une extrême droite religieuse ou laïque virulente ayant l’appui d’une large partie de la société ne sont pas fortuites.
L’existence de gouvernements « d’union nationale » incluant de vrais fascistes comme Avigdor Liebermann montre que le sionisme a rayé les différences idéologiques. L’idéal du kibboutz s’est fondu dans le militarisme et le soutien à l’impérialisme. Dès les années 30, la droite sioniste (Jabotinsky) avait annoncé la couleur en prônant l’épuration ethnique et le « transfert » des Palestiniens. Elle est toujours fidèle à ce programme et le met toujours en application.
Le problème en Israël, ce n’est pas la droite, c’est la « gauche ». Je ne parle évidemment pas de la minorité anticolonialiste qui manifeste quotidiennement contre l’occupation mais de la gauche officielle qui gravite autour du Parti Travailliste. Cette gauche a trempé dans tous les crimes commis contre la Palestine : C’est l’Irgoun de Begin qui a massacré les villageois de Deir Yassine en 1948 mais c’est la Hagana qui a achevé le travail en appliquant le plan Dalet (l’expulsion). La « gauche » était au pouvoir en 1967 quand la décision de coloniser la Cisjordanie a été prise. Comme elle n’avait pas le « personnel » pour coloniser, elle a littéralement fabriqué le courant national-religieux qui a été le fer de lance de la création des colonies.
La « gauche » n’a jamais reconnu des droits égaux pour les Palestiniens. Elle leur concède tout au plus un pseudo état, véritable bantoustan, sans terre, ni eau, ni unité territoriale. La « gauche » comme la droite pense qu’elle n’a pas « de partenaire pour la paix ». Elle défend mordicus un Etat Juif pour les Juifs, prônant « l’alya » et dans lequel les Non-Juifs sont des parias ou des sous-citoyens. Et c’est la « gauche » qui a inventé le concept de « sécurité d’Israël », préalable à toute négociation.
Bref, la paix supposera une rupture d’une fraction notable des Juifs avec le sionisme et une « sécularisation » de la société israélienne. Esther Benbassa parle de post-sionisme.
Messages
1. Le Sionisme et l’antisémitisme (2/3), 21 février 2007, 17:12
Le "sionisme politique" se définit comme mouvement national d’émancipation et le sionisme messianique se définit comme suit : "Le but messianique d’Israël n’est pas la restauration de l’ancien Etat juif... ce qui impliquerait une deuxième séparation avec les autres nations mais l’union de tous les enfants de Dieu qui confessent le Dieu unique, afin que soit réalisée l’unité de toutes les créatures douées de raison. " (Philadelphie de 1869,Jewish Encyclopedia, Vol. II, p 214)
Sans oublier la conférence de Montréal(1897) qui confirme tout en dénonçant les conclusions du congrès sionistes de Bâle(1896).
C’est le sionisme politique qui l’a emporté grâce à la conjugaison de trois facteurs : Constitution, en Europe, des Etats Nations avec la théorisation des indentités( Racisme : Gobineau), développement des bourgeoisie nationales, ’industrialisation avec expansion coloniale et condition juive en Europe (progroms et persécutions)
M. El Bachir
2. Le Sionisme et l’antisémitisme (2/3), 21 février 2007, 17:24
Le combat pour la paix suppose une rupture d’une fraction notable des Juifs avec le sionisme et une « laicisation » de la société israélienne.IL passe par l’arret de l’immigration de la "diaspora" et par la possible emigration de tous ceux qui n’en peuvent
plus de cette societé raciste.Notre solidarité doit passer par la.