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A France Inter, Philippe Val imprime sa marque face à une rédaction méfiante.

Publie le jeudi 7 janvier 2010 par Open-Publishing

Six mois après son arrivée quelque peu mouvementée à la direction de France Inter, Philippe Val imprime sa marque.

Depuis le 4 janvier, la tranche d’information du matin présentée par Nicolas Demorand démarre désormais à 6 h 30 au lieu de 7 heures, pour s’aligner sur celle de sa rivale Europe 1. Cette idée avait été lancée il y a quelques années par les prédécesseurs de M. Val sans jamais aboutir.

La radio publique, leader en audience pour le journal de 8 heures, n’arrive pas - ou mal - à capter les auditeurs du petit matin. "Il était nécessaire de le faire, car les habitudes des Français ont changé", explique M. Val.

Mais le directeur de France Inter a pris sa décision sans en avertir les producteurs et les journalistes concernés. C’est le cas, notamment, de Patricia Martin, animatrice du "5/7" qui, prévenue deux jours avant son départ en vacances, voit son émission amputée d’une demi-heure.

Même chose pour le journaliste Simon Tivol, un des piliers de la station, dont la chronique de 6 h 45 a été supprimée avec prière de trouver, seul, un point de chute dans une autre émission.

"J’ai été débordé et je n’ai pas eu le temps de les prévenir", a expliqué M. Val, le 18 décembre 2009 aux membres de la société des producteurs de France Inter, qui, "surpris par la brutalité" de cette décision, avaient demandé à le rencontrer.

Il avait profité de la rencontre pour leur faire part de grands changements dans la prochaine grille de septembre. Et sûrement des économies. "France Inter est une radio qui coûte cher à l’actionnaire, qui n’est pourtant pas très bien traité par la station", avait-il alors indiqué.

Le lendemain, un tract de la société des producteurs rappelait à M. Val que le seul actionnaire de France Inter était le peuple français, à travers le paiement de la redevance audiovisuelle. Et non pas le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, désormais, nomme lui-même le PDG de Radio France.

"Nous sommes encore dans une forme de nervosité. Il est évident pour moi que l’actionnaire d’Inter n’est pas le président de la République, mais les auditeurs, affirme M. Val. Tout changement est compliqué à faire, mais je ne veux pas que France Inter soit un musée."

Il reste que ses propos ont créé un certain malaise à France Inter, où le mot "actionnaire" ne fait pas partie de la "culture maison".

D’autant plus qu’à quelques semaines des élections régionales, une tension commence à poindre au sein de la rédaction, et plus particulièrement au sein du service politique. Après la démission en novembre de Françoise Degois, la journaliste chargée du Parti socialiste (PS) qui a rejoint le cabinet de Ségolène Royal au conseil régional de Poitou-Charentes, le poste n’a toujours pas été pourvu.

La directrice de la rédaction, Hélène Jouan, souhaite lui trouver un remplaçant en interne. M. Val, lui, a déjà contacté le journaliste Renaud Dely, directeur adjoint de la rédaction de Marianne, pour venir remplacer Mme Degois.

"Personne n’est dupe, s’insurge un journaliste d’Inter. Si le directeur adjoint de la rédaction de Marianne nous rejoint, ce ne sera pas pour suivre les activités du PS comme un simple reporter. M. Val le fait venir pour remplacer Hélène Jouan."

"J’ai effectivement une proposition de Philippe Val pour rejoindre la rédaction d’Inter, mais rien n’est fait, confirme M. Dely. Il reste à définir mon poste, et ce ne sera certainement pas pour prendre la place d’Hélène Jouan."

Pourtant, à l’Elysée, on ne cache pas l’agacement qu’inspire la liberté de ton des journalistes politiques de la radio publique. En décembre 2009, lors d’un pot au service de presse de l’Elysée en compagnie de journalistes accrédités, M. Sarkozy n’avait pas hésité à mettre en cause publiquement la directrice de la rédaction d’Inter et plusieurs de ses journalistes.

"C’est la fin de la période d’observation. Nous sommes désormais entrés dans un rapport de forces avec le pouvoir et son représentant à la tête d’Inter", résume un journaliste de la station.

Sur un ton ironique, il souligne aussi la promotion "par l’actionnaire de l’Elysée", le 1er janvier, du PDG de Radio France, Jean-Luc Hees, au grade d’officier de la Légion d’honneur.

http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2010/01/07/a-france-inter-philippe-val-imprime-sa-marque-face-a-une-redaction-mefiante_1288651_3236.html#ens_id=1250641