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Attentat meurtrier contre les Gardiens de la révolution en Iran

Publie le dimanche 18 octobre 2009 par Open-Publishing
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Au moins 30 personnes, dont six hauts commandants des Gardiens de la révolution, ont été tuées dimanche matin 18 octobre dans un attentat perpétré dans une ville du sud-est de l’Iran frontalière du Pakistan. Selon l’agence de presse officielle iranienne Irna, il s’agissait d’un attentat-suicide : "Un homme portant des explosifs sur lui les a fait exploser lors d’une réunion des chefs de tribus" avec les commandants des Gardiens de la révolution.

Téhéran pointe les Etats-Unis. L’Iran a dénoncé un acte "terroriste" et accusé les Etats-Unis de cet attentat, le plus meurtrier de ces dernières années contre le corps d’élite des Gardiens de la révolution. Le président du Parlement, Ali Larijani, a estimé que "les dernières actions terroristes résultent de l’action des Etats-Unis et montrent l’animosité américaine à l’égard de notre pays". Barack "Obama a dit qu’il tendait la main à l’Iran mais avec cette action il s’est brûlé la main", a-t-il ajouté. Selon l’agence Fars, l’armée iranienne a accusé Londres et Washington d’être impliqué dans l’attentat : "Dans un avenir qui n’est pas lointain, nous (l’Iran) prendrons notre revanche et les Baloutches nettoieront cette région des terroristes et des criminels", ajoute Fars, citant un communiqué officiel.

Les Etats-Unis ont immédiatement démenti : "Nous condamnons cet acte de terrorisme et pleurons la perte de vies innocentes. Les informations faisant état d’une implication présumée des Etats-Unis sont totalement fausses", a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Ian Kelly.

La télévision publique iranienne a également fait état d’une implication britannique. A Londres, un porte-parole du Foreign Office a condamné l’attentat. "Le terrorisme est odieux où qu’il se produise. Nos sympathies vont aux victimes et à leur famille", a-t-il dit.

Une guérilla sunnite en accusation. L’attentat a été revendiqué par le groupe des Joundollah ("Armée de Dieu"), selon la télévision d’Etat. Les Joundollah sont des sunnites de l’ethnie baloutche qui se sont signalés depuis près de cinq ans par plusieurs attentats sanglants dans la province du Sistan-Baloutchistan, proche des frontières pakistanaise et afghane. Le groupe dénonce le "génocide" dont sont victimes les Baloutches - majoritairement sunnites- de la part du pouvoir chiite. Fondé en 2002, ce groupe, accusé par Téhéran d’être lié à Al Qaida et aux services de renseignements pakistanais, a versé dans la lutte armée en 2005. Pour certains experts, cités par la BBC et le Huffington Post, il est peu probable que Joundallah soit liée à Al Qaida, mais plutôt qu’il bénéficie d’un soutien logistique du côté du Baloutchistan pakistanais et qu’il soit lié au trafic de drogue, important dans la région.

Mais ses effectifs semblent relativement réduits : une centaine d’hommes, armés d’armes de petit calibre et d’explosifs. Ce qui n’a pas empêché plusieurs coups d’éclat, comme l’enlèvement et le meurtre d’un officier des gardiens de la Révolution en 2005. D’autres attaques, dont une tentative d’assassinat contre Mahmoud Ahmadinejad en 2005, et un attentat-suicide qui a fait 25 morts dans une mosquée chiite de Zahedan en mai 2009, ont été attribuées au groupe par Téhéran. A la suite de cet attentat, survenu à quelques jours de la présidentielle, une vingtaine de membres présumés des Jundollah ont été exécutés par le régime.

L’Iran bousculé de l’intérieur. Selon la chaîne de télévision Al-Jazira, rien ne permet de penser, dans l’immédiat, que cette attaque a un lien quelconque avec le mouvement de contestation de l’élection présidentielle. "Les enlèvements, explosions, et affrontements entre les Jundollah et l’armée sont monnaie courante dans la province", raconte la correspondante de la chaîne qatarie. "Mais il faut souligner que cet attentat a frappé une rencontre très importante, avec des hauts dirigeants des Gardiens de la Révolution", souligne-t-elle.

Interrogé par le New York Times, le chercheur égyptien Mustapha El Labbad, a estimé qu’il pouvait s’agit à la fois d’un enjeu religieux et d’en enjeu ethnique, aussi bien "des Baloutches contre les Perses, que des sunnites contre les chiites". Cet attentat a également eu lieu à la frontière avec le Pakistan, souligne le chercheur, pour qui "le mélange est explosif".

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a promis de punir les coupables : "Nous allons nous occuper sérieusement des criminels qui commettent (...) de tels crimes contre l’humanité", a-t-il promis, selon l’agence de presse officielle Irna.

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2009/10/18/attentat-meurtrier-contre-les-gardiens-de-la-revolution-en-iran_1255458_3216.html

Messages

  • COMPTE A REBOURS : LA GUERRE CONTRE L’IRAN A COMMENCE EN 2003

    "Compte à rebours

    Silencieusement, furtivement, à l’abri des caméras, la guerre contre l’Iran a commencé.

    De nombreuses sources confirment que les Etats-Unis ont intensifié leur aide à plusieurs mouvements armés à base ethnique – Azéris, Baloutches, Arabes, Kurdes, minorités qui, ensemble, représentent environ 40 % de la population iranienne –, dans le but de déstabiliser la République islamique.

    Début avril, la télévision ABC révélait ainsi que le groupe baloutche Jound Al-Islam (« Les soldats de l’islam »), qui venait de mener une attaque contre des gardiens de la révolution (une vingtaine de tués), avait bénéficié d’une assistance secrète américaine.

    Un rapport de The Century Foundation (1) révèle que des commandos américains opèrent à l’intérieur même de l’Iran depuis l’été 2004. Le 29 janvier 2002, dans son discours sur l’état de l’Union, le président George W. Bush classait l’Iran, avec la Corée du Nord et l’Irak, dans l’« axe du Mal ».

    Le 18 juin 2003, il affirmait que les Etats-Unis et leurs alliés « ne toléreraient pas » l’accession de ce pays à l’arme nucléaire. Il n’est pas inutile de rappeler le contexte de l’époque. M. Mohammad Khatami était alors président de la République islamique et multipliait les appels au « dialogue des civilisations ».

    En Afghanistan, les Etats-Unis avaient bénéficié du soutien actif de Téhéran, qui avait utilisé ses nombreux relais pour faciliter le renversement du régime des talibans.

    Le 2 mai 2003, lors d’une rencontre à Genève entre l’ambassadeur iranien Javad Zarif et M. Zalmay Khalilzad, à l’époque envoyé spécial du président Bush en Afghanistan, les dirigeants de Téhéran soumettaient à la Maison Blanche une proposition de négociation globale sur trois thèmes : les armes de destruction massive ; le terrorisme et la sécurité ; la coopération économique (2).

    La République islamique se déclarait prête à soutenir l’initiative de paix arabe du sommet de Beyrouth (2002) et à contribuer à la transformation du Hezbollah libanais en parti politique.

    Le 18 décembre 2003, Téhéran signait le protocole additionnel du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), protocole que seuls quelques pays ont ratifié et qui renforce considérablement les capacités de surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

    Tous ces gestes d’ouverture furent purement et simplement balayés par l’administration américaine, qui reste focalisée sur un objectif, le renversement du « régime des mollahs ». Pour créer les conditions d’une éventuelle intervention militaire, elle continue à agiter la « menace nucléaire ».

    Depuis des années, des rapports alarmistes ont été produits par les administrations américaines successives, et toujours démentis. En janvier 1995, le directeur de l’Agence américaine pour le contrôle des armements et le désarmement affirmait que l’Iran pourrait avoir la bombe en 2003 ; parallèlement, le secrétaire à la défense William Perry affirmait que cet objectif serait atteint avant... 2000.

    Ces « prévisions » furent répétées l’année suivante par M. Shimon Pérès (3).

    Pourtant, en avril 2007, malgré les progrès accomplis par l’Iran en matière d’enrichissement d’uranium, l’AIEA estime que Téhéran ne disposera « des capacités » de produire la bombe que d’ici quatre à six ans.

    Qu’en est-il réellement ? Depuis les années 1960, donc bien avant la victoire de la révolution islamique, l’Iran a cherché à développer une filière nucléaire pour préparer l’après-pétrole.

    Avec l’évolution des technologies, la maîtrise totale du cycle du nucléaire civil rend plus facile le passage au militaire. Les dirigeants de Téhéran ont-ils pris une telle décision ? Rien ne permet de l’affirmer. Le risque existe-t-il ? Oui, et pour des raisons faciles à comprendre.

    Durant la guerre irako-iranienne (1980-1988), le régime de Saddam Hussein a utilisé, en violation de tous les traités internationaux, des armes chimiques contre l’Iran ; ni les Etats-Unis ni la France ne se sont indignés de cet usage d’armes de destruction massive qui a traumatisé le peuple iranien.

    D’autre part, les troupes américaines campent en Irak et en Afghanistan, et l’Iran est enserré dans un réseau dense de bases militaires étrangères.

    Enfin, deux pays voisins, le Pakistan et Israël, disposent de l’arme nucléaire. Quel leader politique iranien serait insensible à un tel contexte ?

    Comment, dès lors, éviter que Téhéran n’accède à l’arme nucléaire, ce qui relancerait la course aux armements dans une région déjà bien instable et porterait un coup sans doute fatal au traité de non-prolifération ?

    Contrairement à ce qui est souvent avancé, l’obstacle essentiel ne réside pas dans la volonté de Téhéran d’enrichir l’uranium : l’Iran, selon le TNP, en a le droit mais a toujours affirmé qu’il était prêt à apporter volontairement des restrictions à ce droit et à accepter un renforcement des contrôles de l’AIEA pour éviter toute éventuelle utilisation de l’uranium enrichi à des fins militaires.

    La préoccupation fondamentale de la République islamique est ailleurs, comme le prouve l’accord signé le 14 novembre 2004 avec la « troïka » européenne (France, Royaume-Uni, Allemagne) : l’Iran acceptait de suspendre provisoirement l’enrichissement de l’uranium, étant entendu qu’un accord à long terme « fournirait des engagements fermes sur les questions de sécurité ».

    Ces engagements ayant été refusés par Washington, l’Iran reprit son programme d’enrichissement.

    Au lieu de poursuivre une politique indépendante, l’Union européenne s’est alignée sur Washington.

    Les nouvelles propositions formulées par les cinq membres du Conseil de sécurité et par l’Allemagne, en juin 2006, ne contenaient aucune garantie de non-intervention dans les affaires iraniennes.

    Dans sa réponse, en août, Téhéran exigea à nouveau que « les parties occidentales qui veulent participer aux négociations annoncent en leur nom et celui des autres pays européens la mise de côté des politiques d’intimidation, de pressions et de sanctions contre l’Iran ». Seul un tel engagement permettrait de relancer les négociations.`

    Autrement, l’escalade est inévitable.

    D’autant que l’élection à la présidence, en juin 2005, de M. Mahmoud Ahmadinejad ne facilite pas le dialogue, le nouvel élu multipliant les déclarations incendiaires, notamment sur le génocide des Juifs et sur Israël.

    Mais l’Iran, un grand pays à la riche histoire, ne se résume pas à son président. Les tensions sont fortes au sein même du pouvoir, et M. Ahmadinejad a subi une déroute électorale aux élections des municipalités comme de l’Assemblée des experts en décembre 2006. Plus largement, la contestation à la fois économique et sociale reste forte, et les aspirations à plus de libertés sont vives, notamment chez les femmes et chez les jeunes.

    La société refuse toute caporalisation.

    Le seul atout que possède le régime pour souder la population autour de lui reste, justement, le nationalisme, le refus des ingérences étrangères dont l’Iran a souffert tout au long du XXe siècle...

    Malgré le désastre irakien, rien n’indique que le président Bush ait renoncé à attaquer l’Iran.

    Cet objectif s’inscrit dans sa vision d’une « troisième guerre mondiale » contre le « fascisme islamique », une guerre idéologique qui ne peut se terminer que par la victoire totale.

    La diabolisation de l’Iran, facilitée par la posture de son président, s’inscrit dans cette stratégie, qui peut déboucher sur une nouvelle aventure militaire.

    Ce serait une catastrophe, non seulement pour l’Iran et pour le Proche-Orient, mais aussi pour les relations que l’Occident, et en premier lieu l’Europe, entretient avec cette région du monde.

    Alain Gresh.

    http://www.monde-diplomatique.fr/mav/93/GRESH/14767