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Au procès Colonna, la justice antiterroriste en accusation
Publie le dimanche 1er mars 2009 par Open-Publishing2 commentaires
Par Philippe Madelin | Journaliste | 01/03/2009 | 12H33
Dans le procès intenté pour terrorisme et assassinat contre Yvan Colonna devant la Cour d’assises de Paris, le véritable événement de la semaine a été la mise en accusation… de Didier Wacogne, le Président de la Cour. Avec en ligne de mire, derrière lui, tout le système policiaro-judiciaire sur lequel repose la lutte anti-terroriste en France.

Photo : Dominique Erignac et son avocat Philippe Lemaire au procès d’Yvan Colonna (Benoit Tessier/Reuters)
Dès le premier procès de Colonna, en 2007, la défense avait dénoncé avec véhémence des enquêtes et des instructions à charge contre le prévenu, finalement condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac.
On repasse le plat pendant cette instance d’appel. Tandis que Colonna ne cesse de proclamer son innocence, la Défense multiplie les mises en cause directe des enquêteurs et de la cour d’assises. Chargés de condamner -sur une décision prise d’avance, proclament le prévenu et la défense- les magistrats se retrouvent en position d’accusés.
Le Président Wacogne leur ouvre un boulevard par ses maladresses
Première étape : un commissaire de police, Didier Vinolas, ancien collaborateur direct du préfet Erignac, est cité par l’accusation pour charger le dossier. Mais, stupéfaction, Vinolas soutient que selon un informateur, deux hommes ayant participé aux faits seraient dans la nature, jamais poursuivis. L’erreur du président est d’avoir « oublié » d’informer la Défense que Vinolas lui avait écrit pour l’informer au préalable.
Deuxième reproche : le président a tout tenté pour éviter que les deux noms cités par Vinolas soient réintégré en procédure. Il y a bien eu « supplément d’information », mais la cour a estimé que le commissaire Vinolas n’apportait pas d’élément nouveau, donc qu’il était inutile d’enquêter sur les faits cités ! Donc, rejet d’une nouvelle demande de complément d’information.
Troisième étape : on en était là quand une nouvelle mise en cause a été soulevée. Un autre témoin, le commandant Georges Lebbos, policier de la DNAT (Direction nationale anti-terroriste) qui a effectué 80% des actes de procédure dans les enquêtes conduites pour mettre en cause Yvan Colonna, est cité par l’accusation.
Sa déposition apparaît à la défense comme fondamentale pour éclairer la manière dont le nom d’Yvan Colonna a été introduit dans le dossier. Lebbos apparaît le 9 février, à l’ouverture du procès, dans la liste des témoins qui doivent déposer. Une déposition d’autant plus fondamentale qu’un document antidaté par Lebbos a conduit à l’acquittement de deux des supposés complices de Colonna, Jean Castela et Vincent Andriuzzi.
Or le 27 février, le président Wacogne dévoile soudain que le commandant Lebbos lui a adressé dès le 9 février un certificat médical indiquant que son « état de santé dépressif » ne lui permettrait pas de déposer devant la Cour. C’est son droit, même si une expertise médicale doit confirmer cet état de santé.
Mais la Défense s’est gendarmée contre le fait que le certificat médical était connu du président dès le 9 février, et qu’il n’en a mentionné l’existence que le 27. Nouvelle tentative pour truquer le procès, on évite d’interroger les acteurs les plus fondamentaux.
D’autant que les avocats de la défense observent que le président Wacogne interroge très longuement et avec une suspicion manifeste tout témoin qui apporte des éléments à décharge en faveur de Colonna, pour ne pas dire qu’il s’acharne ; que l’accusation et les parties civiles tentent de tourner en dérision les témoins qui apportent de l’eau au moulin de la Défense. Ainsi des témoins Joseph Colombani, partenaire politique fondamental du préfet Erignac, et de Marie-Ange Contart, témoin visuel du meurtre
Une première demande de récusation du président Wacogne introduite par la défense a été rejetée par la cour d’appel de Paris. Les avocats d’Yvan Colonna ne renoncent pas pour autant à reprocher au président de la cour d’être de parti pris. L’accusé l’a lui-même répété à haute et forte voix.
En vérité, au-delà du dossier Colonna c’est tout le système judiciaire anti-terroriste qui se trouve mis en cause. « Ce sont des voyous », lance un des avocats généraux pour fustiger la défense. C’est un argument un peu court pour expliquer pourquoi et comment la cour d’assises est utilisée comme un instrument de pouvoir et non comme une institution de justice.
« Quand la politique entre dans le prétoire, la Justice s’en va », tonne Me Antoine Sollacaro.
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L’auteur a ajouté dans les commentaires :
C’est toute la question du respect des Droits de l’homme en matière de lutte anti-terroriste. C’est aussi la question que Georges W Bush avait soulevé en autorisant la torture infligée à des hommes suspectés de participer aux actions terroristes genre Al Qaïda. C’est encore la question posée par les « colonels » en Algérie, en Argentine, au Chili, partout où se sont développées les systèmes dictatoriaux. Même si on tente d’exterminer ses adversaires, comme les Nazis en Allemagne, pour des motifs en apparence légitimes - la protection de la population contre les terroristes - les atteintes aux Droits de l’homme n’ont jamais démontré leur efficacité. Plus grave, elles ont toujours été contre productives.
Messages
1. Au procès Colonna, la justice antiterroriste en accusation, 1er mars 2009, 17:44
Les questions sont bien posées. Il en ressort que Colonna n’est pas le coupable. Des témoins objectifs sont là pour le prouver. Que faut-il de plus ?
C’est sous la pression des citoyens honnêtes qu’il sera possible de démasquer le montage politico-judiciaire de cette affaire.
Un premier point déjà c’est quand Sarkozy s’est esclaffé que la police venait d’arrêter le "coupable" du préfet Erignac. Lui qui a fait du droit, qui est avocat même, savait pertinemment qu’un individu est présumé innocent tant qu’il n’est pas jugé. Son dérapage verbal en dit long, beaucoup trop long. Faut-il y voir un premier indice ?
2. Au procès Colonna, la justice antiterroriste en accusation, 1er mars 2009, 19:11, par Brutus
La justice antiterroriste a fait ses premiers pas à l’époque où Pasqua déclarait vouloit "terroriser les terroristes".
Il faut bien dire qu’il n’y a pas eu grand monde à l’époque pour s’inquiéter de la mise en place d’une juridiction et d’une procédure d’exception qui rappellaient au mieux la Cour de sureté de l’Etat, supprimée quelques années auparavant, et au pire les sections spéciales de Vichy.
De dérives en dérives, il n’y a pas eu beaucoup plus de monde pour s’inquiéter de celles d’un juge Bruguière dont certaines instructions relevaient plus de scénarios de James Bond de série B que de la Justice dans un Etat de Droit.
L’apothéose a été atteinte avec les inculpations sous le régime de l’anti-terrorisme de la "cellule invisible de Tarnac" (et il faut bien garder à l’esprit que les inculpés en liberté sous contrôle judiciaire risquent toujours de trés lourdes peines de prison).
Il faudrait encore parler de ces grands pourvoyeurs de la juridiction antiterroriste que sont les Basques dont on peut penser ce qu’on veut des revendications et des actions mais dont on peut aussi penser qu’ils sont condamnés (y compris à la torture) avant même d’avoir été jugés.
Il semble que la "patrie des droits de l’homme" (on ne rit pas) ait perdu de vue qu’en matière de Justice l’exception tend toujours à se substituer à la règle. pour le plus grand malheur du Droit.