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CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE
Publie le mardi 12 janvier 2010 par Open-Publishing9 commentaires
CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE
Et sur l’utilité du débat que lance ce concept
Si "Une croissance infinie dans un monde fini est une absurdité !" (attend-t-on aujourd’hui), alors la nature et la vie humaine sont une absurdité.
C’est ce que disait Camus penseur immense et faillible de l’absurde, faillible comme tout humain. On ne dit qu’une part infime de la réalité. Nous sommes les interprètes de ce que nos sens nous transmettent en passant par l’accumulation collective et personnelle de ces interprétations et savoirs partiels.
Les subalternes ne trouvent de voix qu’en mêlant la leur à celle des dominants. C’est ce qu’a fait Camus consciemment ou non (les deux mêlés sans doute) pour pouvoir exprimer des choses essentielles, mais ce qui en a limité monstrueusement la portée. Que les subalternes cessent de renoncer à avoir leur propre voix pour trouver leur voie.
La croissance n’est pas infinie, c’est le mouvement de la nature qui est infini et ce mouvement comporte la vie et la mort, part de la vie. Naissance, croissance, maturation, mort.
La mort n’est pas disparition, et n’est pas uniquement la mort qui nous concerne à titre personnel, la notre. Ne faisons pas un transfert simpliste de la peur de notre propre mort sur la peur de la mort de l’humanité.
Il y a une vie et une mort permanente dans la portion de vie qui nous attribué personnellement. Et dans cette vie il y a sans cesse des croissances, des maturations, des disparitions-transformations. De même pour la part d’existence attribuée à l’humanité qui aura une transformation et une succession.
J’ai essayé déjà d’expliquer mon point de vue, ce que je pense de la décroissance. C’est une idée légitime dans son contenu de ne pas croquer comme un ver la pomme dans laquelle nous vivons. Surtout de ne pas la croquer n’importe comment et inutilement. Mais il n’y a pas de développement de la vie personnelle et générale sans croissance. S’il s’agit de transformer qualitativement la croissance, oui. S’il s’agit de maintenir en la diminution une production telle qu’elle existe, malade de l’échange marchand millénaire, non.
La transformation de l’échange en accumulation du capital entre en crise chaque fois que le capital est trop accumulé par rapport aux conditions des lois l’échange capitaliste. Et en crise définitive lorsque les techniques, moyens et besoins de production se développent au point d’entrer en contradiction bloquante avec ces lois. Alors il faut inventer d’autres moyens d’échange et en particulier celle de l’échange entre les grands ensembles humains constitués. Je ne parle pas de l’échange avec notre épicier, bien qu’une transformation de l’échange entre grands ensembles modifiera celui-là aussi.
A-t-on assez d’imagination et de savoir pour imaginer et construire un autre type de croissance ?
Oui, mais pour cela il faut briser des résistances. Elles résident essentiellement dans les forces dominantes attachées au capital. Aujourd’hui on ne voit qu’une formule dans cette façon de s’exprimer. C’est que le système dominant et ceux qui l’animent ont réussi à vider de son contenu la formule et le savoir qu’elle contient. Rendre son contenu à la formule est la tâche du présent.
L’idée de décroissance est généreuse, mais en fonction de qui la porte. Quand elle est portée par ceux qui ne manquent de rien elle peut être dérisoire.
Le subalternes ne trouvent de voix qu’en mêlant la leur à celle des dominants. C’est ce qu’a fait Camus consciemment ou non pour pouvoir exprimer des choses essentielles, mais ce qui en a limité monstrueusement la portée. Que les subalternes cessent de renoncer à avoir leur propre voix pour trouver leur voie.
Mais est-il utile et surtout correct vis à vis du mouvement anti-croissance, que répondre ainsi ?
Je m’en excuse et adresse mes amitiés à la Prévert aux militants de la décroissance que je ne connais pas personnellement mais que je sens généreux en général ("je dis tu a tous ceux qui s’aiment, je dis tu a tous ceux que j’aime même si je ne les connais pas....").
Il y a peu de place pour des pensées qui ne s’intègrent pas totalement à un mouvement reconnu, estampillé, même si fondamentalement elles sont solidaires des luttes populaires et du, des mouvements organisés qui y sont liés. Ainsi sommes-nous encore, non libérés du mode de vie des clans, au point de voir le monde comme un super-clan, alors que les moyens de production le nient objectivement avec toute la vigueur du fait économique. Mais les choses changent lentement et s’accélèreront je crois.
« ….A ceci près, pourtant, où tout peut basculer en un sens ou dans un autre : des valeurs sans dimensions sont liés à tous nos actes de la vie sociale. Sommes-nous prêts à nous regarder les uns les autres, et surtout ceux dont nous passons commande d’activité, avec ce regard là ? C’est là que l’on touche à un point de résistance majeur…. »
Yves Schwartz. Manifeste pour un ergo-engagement 2009, in « l’activité en dialogue II, Octarès.
Pierre Assante, le Lundi 11 janvier 2010
Messages
1. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 09:10
Sortir des generalités et voir en detail :
A Bornéo, un grand barrage va noyer la jungle des tribus Penan
KUALA LUMPUR - Près de 70.000 hectares de jungle vont être engloutis cette année sur l’île de Bornéo avec l’entrée en service d’un méga-barrage, au désespoir des tribus de chasseurs-cueilleurs délogées de leurs terres ancestrales.
Les turbines du barrage de Bakun seront mises en marche courant 2010, 17 ans après l’approbation de cet investissement de 2,2 milliards de dollars par les autorités malaisiennes.
Il faudra alors huit mois pour que se remplisse la retenue, qui recouvrira une vaste zone forestière de l’Etat du Sarawak, au nord de l’île que se partage la Malaisie et l’Indonésie.
Pour cela, la zone a été vidée de ses quelque 15.000 habitants, pour la plupart membres des ethnies Penan et Kenyah, relogés dans de nouveaux campements, où certains ont perdu leurs repères.
"Notre peuple n’a jamais voulu quitter ces lieux. Nous désirons y mourir", affirme Balan Balang, chef coutumier d’une tribu Penan.
Le vieil homme regrette l’impuissance des siens à pouvoir résister aux autorités malaisiennes qui "nous ont rayés de la carte en signant quelques documents" alors, qu’avant, "on nous combattait avec des arcs et des machettes".
Avec l’aide d’associations, son objectif est d’éviter que de nouveaux barrages soient construits au Sarawak, où une douzaine de projets sont actuellement examinés.
"A quoi vont servir tous ces barrages ?", s’interroge Harrison Ngau, un ancien parlementaire malaisien qui défend les droits des indigènes. "C’est juste un moyen pour les politiciens de se faire de l’argent", accuse-t-il.
L’organisation Transparency International a également dénoncé le barrage de Bakun comme "un monument de corruption", dont l’utilité économique n’a pas été prouvée. La demande électrique du Sarawak, éloignée du reste de la Malaisie, ne nécessite pas un tel équipement d’une capacité de 2.400 MW lorsqu’il deviendra totalement opérationnel en 2011, estiment ses détracteurs.
La société publique Sarawak Energy Berhad, qui le gère, reste pour l’instant très vague sur les douze autres projets. "Il s’agit d’un plan stratégique que nous avons le potentiel de mener à bien, mais ils ne seront peut être pas construits avant 50 ans", explique à l’AFP le ministre du Développement rural du Sarawak, James Masing.
Riche en matières premières, le Sarawak suscite notamment l’intérêt de la Chine, dont la société publique SGCC prévoit d’y développer, avec des partenaires malaisiens, des projets énergétiques d’un montant de 11 milliards de dollars.
M. Masing reconnaît que les nouveaux campements accueillant les Penan déplacés ne sont "pas parfaits", notamment en raison d’un accès limité à l’eau, aux soins ou à l’éducation. "Ils ont de bonnes raisons de ne pas nous faire confiance, mais notre objectif n’est pas qu’ils disparaissent", affirme-t-il.
Mais pour Balan Balang, qui se dit âgé "de 70 à 80 ans", le barrage ne fait qu’accentuer le sentiment d’une perte irrémédiable de l’environnement et des traditions autochtones.
La forêt, qui couvrait la grande majorité de Bornéo, est maltraitée par le déboisement illégal et laisse place à d’immenses plantations pour l’huile de palme, dont l’Indonésie et la Malaisie sont les deux premiers producteurs mondiaux.
"Nos rivières sont désormais toutes polluées. La faune, comme les cochons sauvages ou les gibbons, disparaît petit à petit. Même le rotin et les plantes aux larges feuilles que nous utilisons pour les toits de nos maisons sont difficiles à trouver", se lamente Balan Balang.
Au Sarawak, le nombre de Penan est évalué à environ 10.000, dont 300 à 400 seraient encore nomades.
12 janvier 2010 07h30
http://www.romandie.com/infos/News2/100112063006.wqu4rs1i.asp
1. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 09:36, par Assante Pierre
je pense qu’il n’y a pas de contradiction antagonique entre les généralités et l’action au quotidien sur des sujets précis de défense de populations précises.
Il y a quand même une cohérence à rechercher entre toutes ces actions. Une cohérence donne une direction à un mouvement (direction au sens premier et non "commandement").
Toutes les batailles précises pour l’environnement se heurtent à des intérêts financiers. Je ne connais pas d’exemple où ces intérêts cédent par "humanisme pur" aux besoins d’une population.
Les victoires dans ce domaine comme dans les autres découlent toutes d’un rapport de force et sont remises sans cesse en question par le profit qui reconstitue les conditions de destruction de la planète.
Votre remarque est très juste. Mais elle ne s’oppose pas aux "généralités" que je tente de partager comme vous tentez de partager le "particulier".
Il est très important et essentiel que les batailles ponctuelles, pratiques, concrètes, sur des cas précis soient menées, c’est même la première préoccupation qui doit être la notre, sans opposition mais aide d’une vision d’ensemble
MERCI sincèrement.
Pierre
2. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 10:22
Le Capitalisme m’impose, la violence, par l’éducation reçue, liée à la défense de ses intérêts, de ne penser que par le biais de sa destruction. Le monde "fini" auquel il se réfère, ne produit que des subalternes prosélytes dressés à son conformisme et aussi par concomitance et par opposition, des marginaux par la pensée et par les modes de vie qui servent de repoussoir. Les modes de vie sont culturels, et la croissance un mythe destiné à consolider et à perpétuer le pouvoir des dominants. La décroissance joue le rôle un repoussoir à la fois inique pour les dominés et commode pour les dominants.Il prolonge la fin de L’Histoire sans permettre d’en ouvrir une autre page.
Le Capitalisme est Guerre par définition, la Décroissance, comme l’écologie ouvre un nouveau champ de bataille qui ne le remet nullement en cause.
3. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 10:40, par Assante Pierre
Je crois que les choses sont à la fois complémentaires et contradictoires.
Les contradictions internes se développent à partir des réalités vécues et ne se cantonnent pas à l’intérieur du débat théorique, ce qui serait une vision et action purement spéculative. Il faut connaître les limites de la dialectique nous dit Karl : je partage.
C’est par exemple le point de vue de ceux qui veulent développer la démocratie pour détruire la domination de classe : je partage. Mais pas d’une façon mécanique, pas comme un principe figé sans tenir compte de cet ici et maintenant.
Ne voir qu’un versant de la contradiction, c’est amputer la réalité et l’action sur la réalité du moment, ici et maintenant. Ce qui ne veut pas dire qu’on prend fait et cause "agnostiquement" ou "éclectiquement"pour les deux parties contradictoires.
Pardon pour ce langage "hermétique" ou "lapidaire", mais c’est pour répondre brièvement à un argument théorique en débat.
Pierre
2. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 11:28, par La Louve
Très bon article de Pierre Assante qui encore une fois n’oublie pas ce qu’est l’Homme mais ne néglige pas non plus "la Raison dans l’histoire" si je puis employer ce terme hégélien ;) ni l’analyse marxiste des concepts que MArx n’a pas pu envisager comme celui de "décroissance".
Je partage cette analyse, qui précise ce qui peut être admissible dans la "décroissance" et ce qui ne peut pas l’être.
Je finirai en citant ce passage du texte :
Oui c’est juste, mais HEUREUSEMENT je pense que le temps va venir prochainement où de plus en plus, il y aura cette "place" pour ce type de pensées "non intégrées". Reste à savoir où va être cette place et comment elle va être construite.
LL
1. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 11:56, par Assante Pierre
Cette réponse de LL m’est particulièrement encourageante, bien que nous ne nous connaissions pas.
MERCI
Et pour les autres aussi merci, même si on ne partage pas tout.
C’est bien de se confronter humainement.
Pierre
2. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 13:01, par Jean-Yves Peillard
bonjour,
la décroissance n’est qu’un mot "obus" (Ariès) pour interpeller les consciences, un mot qui risque moins d’être repris par ces soit-disant "dominants" (je ne pense pas que les rapports humains se définissent par un rapport dominant-dominé) parce qu’il n’est tout simplement pas "commercial", chacun l’interprétera à sa manière, changeante , en fonction du temps, de sa propre expérience mais en tâchant de maintenir une ligne directrice qui nous est commune : l’équilibre, le respect des cycles, le respect des autres etc... Même si on tente de le définir dans un dictionnaire, c’est illusoire.
Je ne vois pour ma part que décroissance économique pour l’occident et ceux qui l’ont singer ou qui se sont inscrits malgré eux sous son joug. Toutes ces civilisations détruites et paysages dévastés etc...donnent à réfléchir (l’an 01 ; on arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste). Vous parlez de Marx, il a raté le coche avec un certain Podolinsky (bien avant Georgescu-Roegen) qui lui aurait causé thermo-dynamique.(JC Michea). Vous parlez de peur de la mort, encore un leurre ; nous avons à inventer, à créer pour vivre ensemble en bonne intelligence. Nous avons à tenir les leçons du passé et comprendre ceux qui témoignent, ceux qui restent transparents, simplement, ceux qui luttent. Chacun rêve ce qu’il veut mais on attend les actes ; on doit se lever.
On se lève déjà. Jean-Yves Peillard (www.independentwho.info)
3. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 13:51, par Pierre Assante
Merci aussi pour ces remarques.
Croissance ou décroissance, tout peut être utilisé pour le profit, paradoxalement
C’est comment on se sert d’un outil et quel outil il y a derrière le mot qui importe pour le développement humain.
Dominés nous nions souvent la domination. Et passons souvent de la révolte à la soumission.
Pour reprendre un terme d’Hégel moi aussi, je fais appel à l’idée de négation de la négation, qui est construction et transformation (pour les habitués de ce terme allemand : aufhebung)
Pierre
http://monsite.orange.fr/metamorphose-travail/
4. CRITIQUE OUVERTE DU CONCEPT DE DECROISSANCE, 12 janvier 2010, 16:57
Oui c’est juste, mais HEUREUSEMENT je pense que le temps va venir prochainement où de plus en plus, il y aura cette "place" pour ce type de pensées "non intégrées". Reste à savoir où va être cette place et comment elle va être construite.
LL
Merci pour cette question essentielle et debut de reponse :
la deuxieme vie de l’altermondialisme ou chronique de l’anticapitalisme mondial en gestation ; vers l’assemblée generale du genre humain ,premiere session Bolivie avril 2010 ? :
Sommet Mondial des Peuples sur le Changement Climatique pour la défense de l’humanité, de la vie et de la planète
Bolivie : Face à l’échec de Copenhague
Vendredi, janvier 8, 2010
http://infosud.tele.free.fr/?p=1187