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Charles Rizk : Le Liban a un dossier solide sur les crimes de guerre d’Israël

Publie le samedi 26 août 2006 par Open-Publishing
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Charles Rizk : Le Liban a un dossier solide sur les crimes de guerre d’Israël

Le gouvernement se prépare à entamer une action en justice contre l’État hébreu
L’article de Jeanine JALKH

Dès la seconde semaine de la guerre menée par Israël contre le Liban et alors que les objectifs de l’offensive devenaient de plus en plus clairs en termes de destructions délibérées et de crimes commis contre la population civile, le ministère de la Justice s’est saisi de ce dossier en vue de traduire l’État hébreu devant les tribunaux compétents. L’action vise de toute évidence à réclamer des compensations pour les préjudices matériels et moraux commis contre le peuple Libanais dans son ensemble, et contre la communauté chiite en particulier, qui a payé le plus lourd tribut au cours de cette guerre.
Pour le ministre en charge, Charles Rizk, « le Liban a un dossier solide et entend le mener jusqu’au bout ».
Dès l’annonce du cessez-le-feu, le ministère a multiplié les réunions avec les plus hautes autorités judiciaires du pays en présence de juristes et d’experts libanais pour mettre au point un document de travail qui habiliterait l’État libanais à incriminer Israël et à demander à ce que justice soit rendue aux milliers de victimes.
Si M. Rizk est convaincu de la justesse de la cause que son gouvernement entend défendre devant les tribunaux internationaux « voire peut-être libanais », c’est que le Liban a bel et bien souffert dans sa chair et dans ses biens des exactions israéliennes que plusieurs organisations ont déjà qualifiées de « crimes de guerre ». En effet, le dossier libanais est conforté par les rapports d’organisations internationales telles que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Human Rights Watch et enfin Amnesty International qui ont tous dénoncé les comportements de l’armée israélienne et mis en exergue les multiples violations du droit humanitaire international lors de cette guerre.
Après les mises en garde faites par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui avait adopté, il y a une semaine, une résolution dénonçant « le bombardement massif des populations civiles libanaises », Amnesty est revenu à la charge de son côté pour condamner les attaques ciblées contre des structures civiles, « des attaques indiscriminées et disproportionnées », qui ne sont rien d’autre que « des crimes de guerre », avait insisté Kate Gilmore, secrétaire générale exécutive adjointe d’Amnesty. L’organisation humanitaire Human Rights Watch avait à son tour stigmatisé « l’utilisation par Israël des bombes à fragmentation contre les civils », se fondant sur des témoignages et des enquêtes effectuées sur le terrain.
Autant de positions qui vont dans le sens de l’action entreprise par le ministre libanais de la Justice, qui affirme que « cette guerre s’est avérée être un véritable massacre plutôt qu’une guerre au sens classique du terme ». M. Rizk rappelle au passage que 90 % des victimes de cette confrontation sont des civils. « Le massacre de Cana illustre parfaitement ces propos », dit-il. Préférant ne pas « dévoiler » ses cartes pour l’instant, M. Rizk explique toutefois la démarche entreprise par son département en vue de mettre au point un dossier complet. Dans un premier temps, le ministère rassemblera toutes sortes de preuves et témoignages identifiant les crimes présumés.
Le comité ad hoc mis en place à cette fin étudiera dans un second temps les textes et lois qui s’appliquent - « il y en a plusieurs », précise le ministre - ainsi que la liste des tribunaux compétents en la matière. Le comité entend en outre établir des contacts avec les organisations internationales « pour voir dans quelle mesure il pourrait y avoir collaboration sur ce dossier ».

L’avis des experts
Selon un expert juridique de la Fédération internationale des droits de l’homme, Michel Tubiana, la procédure juridique pour prouver que de tels crimes ont été commis est « longue, difficile et fastidieuse », et l’aboutissement de l’action judiciaire n’est pas toujours garanti. Cependant, « le Liban a des chances de pouvoir obtenir gain de cause », assure-t-il. Cet expert fait toutefois remarquer que si elle est saisie, la justice internationale fera également comparaître le Hezbollah, « qui est l’autre partie belligérante dans ce conflit ».
À cela, Hadi Rached, un expert en droit international, répond : « Si le Hezbollah est traîné devant la justice, cela veut dire qu’il y a une reconnaissance officielle du parti chiite, ce qui n’est pas nécessairement à l’avantage d’Israël, ni de tous les pays qui considèrent ce parti comme un groupe terroriste. » « Ceci est vrai dans le cas d’un recours devant la Cour internationale de justice (CIJ), qui suppose une procédure qui mettrait en cause des États et non des organisations ou des partis politiques », précise M. Rached. Il reste que le Liban peut toujours « recourir à la Cour pénale internationale même s’il n’a pas adhéré à la Convention de Rome, qui avait établi cette cour ». « En effet, précise l’expert, cette convention ouvre la voie à la possibilité de poursuivre en justice des individus ayant commis notamment des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. » Selon M. Rached, le Liban pourra saisir la Cour pénale internationale par le biais de l’article 12, alinéa 3 de la convention qui permet au gouvernement d’« annoncer publiquement son acceptation de la Convention de Rome, sans nécessairement passer par la procédure de ratification ».
« L’alinéa 1 du même article permet alors au procureur général près la Cour pénale de s’autosaisir, selon une procédure appelée “ proprio muto” ».
Afin de renforcer encore plus sa cause, le Liban peut, parallèlement, encourager la saisine, au niveau individuel, par les familles des victimes détenant une double nationalité des tribunaux étrangers où elles sont naturalisées (France, Angleterre, Allemagne, États-Unis, Australie etc...).
« Nous serons alors en présence de ce qu’on appelle un bombardement juridique, puisque nous allons avoir des dizaines de milliers de Libanais binationaux qui saisiront des tribunaux de pays étrangers », dit-il. L’avocat cite le précédent établi à Gaza, lorsqu’une victime palestinienne, qui s’était prévalue de sa nationalité anglaise, avait intenté, devant les tribunaux britanniques, un procès contre l’officier israélien qui avait bombardé et détruit sa maison. « La victime palestinienne a obtenu gain de cause lorsque les tribunaux anglais ont émis un mandat d’arrêt contre cet officier », conclut le juriste.

Jeanine JALKH

http://www.lorient-lejour.com.lb/page.aspx?page=article&id=320596

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