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Hier, à l’Anpe, mon conseiller y m’a dit que comme y avait plus trop de chances que je retrouve du travail sur ma branche, je devrais me faire embaucher dans une entreprise de service à la personne, parce que là il y avait beaucoup de débouchés. C’est un secteur qui crée des emplois y m’a dit.
Et je crois que c’est vrai parce que mon copain Polo qui va toujours chercher des idées ch’ais pas où, il m’a raconté que dans une émission de la radio de not’ président qui veut que notre bien, Rue des entrepreneurs, ils avaient bien expliqué pourquoi. Polo, il connaît des émissions que je sais même pas qu’elles existent vu qu’en plus elles passent le samedi matin et que moi je dors à cause qu’on a passé la nuit avec les potes à picoler, Djamel y dit faire la fête, comme tous les vendredis soirs. De toute manière, ça me viendrait pas à l’idée de les écouter. Ben Polo, lui, y les écoute.
Et dans celle-là, y avait des amis de not’ président, ils le sont tous à la radio de not’ président vu que justement c’est sa radio qu’y fait pour nous, qui disaient qu’un emploi sur cinq créés en France en 2006 était dans les emplois de service (je comprends pourquoi je trouve pas de boulot s’y en a que cinq par an, j’ai fait remarquer à Polo. Ça l’a fait rigoler, ch’ais pas pourquoi.)
Que c’est pour ça que not’ président qui travaille beaucoup pour qu’on soit heureux, mais ça a commencé bien avant que not’ président y soit not’ président, il a fait des chèques pour que « ceux qui ont les moyens ne payent que la moitié. C’est le moyen pour faire décoller ce marché. » (je mets des guillemets parce que Polo y m’a dit que c’était comme ça qu’on faisait pour montrer que c’était quelqu’un d’autre qui parlait, une citation ça s’appelle).
Avant, y avait les chèques emploi-service mais c’était pas assez. Les riches y z’en veulent plus parce que s’y dépensaient tout leurs sous, comment y feraient pour rester riches ? Maintenant c’est les « chèques emploi service universel ». Universel, ça veut dire, si j’ai bien compris, que quand tu vas travailler chez un riche, tu peux lui faire tous les boulots de l’univers qu’il veut : arroser son jardin, lui faire son ménage, son repassage, promener son chien, faire ses courses, garder ses gosses, réparer son ordinateur et son congélateur, conduire sa femme au Fouquet’s pour s’asseoir à la place de not’ président quand il a été élu pour la vie, bref tout ce que font les domestiques bien élevés. Mais plus personne veut faire domestique, ils veulent tous être salariés.
« Pour faire décoller ce marché, continuait l’ami de not’ président, il faut pouvoir faire goûter, notamment aux particuliers qui sont les seuls solvables, c’est eux qui financent, leur faire goûter les avantages de ce service déclaré. » Comme quand on lance une nouvelle boisson gazeuse, pour que les gens s’habituent à la boire, on la fait pas payer cher, y m’explique Polo. Sauf que là, c’est pour empêcher le travail du noir.
Comme pour la prohibition de l’alcool par Al Capone, quand y a prohibition de l’emploi, le travail y se fait en cachette, la nuit, c’est pour ça qu’il vaut mieux que ce soit un noir. J’espère que le noir y l’aura quand même droit à l’emploi service.
Moi, j’lui ai rétorqué aussi sec à Polo, que j’avais pas envie de me faire goûter par une grosse bourge. Y m’a dit que j’étais vraiment con. Le but, c’est que « ces services vont rentrer chez nous au quotidien un peu comme la télécommande de la télévision, on peut plus s’en passer aujourd’hui ».
Là, j’ai compris que ça faisait partie de l’élevage des riches. C’est un moyen de faire que les riches y puissent plus se passer des pauvres, comme les pauvres y peuvent plus se passer de la télévision de not’ président avec la télécommande pour zapper plus vite entre toutes les chaînes de not’ président qu’on aime pour en voir le plus possible, et que les riches y veulent zapper les pauvres pour en consommer plus aussi.
Comme avant la révolution de France, y a longtemps. Que notre président y veut la refaire à lui tout seul parce qu’il est fort, c’est pour ça qu’on l’aime. « Une révolution civilisationnelle ! » qu’elle a dit une dame amie de not’ président dans l’émission. C’est pourquoi il faut « organiser de manière industrielle le secteur, le défi étant même d’accroître la productivité ». En industrialisant la pêche, ils ont exterminé les poissons, en industrialisant l’emploi peut-être qu’ils vont exterminer les ouvriers, il restera que des domestiques, il a murmuré le Polo qu’est trop sensible.
J’ai demandé comment on fait pour accroître la productivité d’une télécommande ? « La productivité, c’est le bien-être produit par heure de travail » elle m’a répondu la dame dans le poste. Je me suis dit que elle aussi elle parlait qu’avec des chiffres, et que ça allait me faire mal à la tête. Alors j’ai repris un café. « Autrefois, c’était ça : ce bien-être supplémentaire, quand on a rien, c’est avoir plus de choses ; quand on est nanti, comme c’est le cas aujourd’hui dans les pays développés, le bien-être supplémentaire, il provient de services plus diversifiés et de meilleure qualité qu’on peut vous rendre, en augmentant la gamme des produits offerts. C’est pareil pour les biens. On mélange des biens et des services productifs pour apporter une meilleure satisfaction au client. »
Qu’est-ce que c’est que ces conneries, y nous dit Fred qui vient de se lever ? C’est que Fred y croit pas ce que disent not’ président et ses amis qui répètent. Y dit que not’ président, honte sur lui, c’est un menteur parce qu’y porte des talonnettes pour faire croire qu’il est grand. Moi, je lui ai dit que je trouve normal que not’ président y fasse grand, parce que c’est la grandeur de la France. C’est sûr que pour de Gaulle c’était plus facile vu qu’il était déjà grand tout petit en tant que sauveur de la patrie. Pour Chirac aussi vu qu’il était le fils de de Gaulle, c’est génétique. Mais not’ président, vu qu’il est pas d’ici par sa famille et qu’il a plein de pères, même des communistes comme Thorez, et que les gens de gauche y sont moins grands que les gens de droite, c’est Dieu qui l’a voulu, il a besoin de talonnettes.
Alors j’ai dit à Fred d’aller boire son café parce que je voulais écouter la fin de l’histoire de Polo.
Dans l’émission, le présentateur y s’offusquait que vu que c’était les gens qui avaient les moyens qui utilisaient les chèques, pourquoi y payaient pas le prix normal ? C’est pour ça qu’il a donné le titre à son émission : « La qualité de vie à bon compte ». Y doit être moins ami de not’ président que les autres celui-là. Y sera pas invité au Fouquet’s quand not’ président y sera réélu à vie.
Justement, qu’y l’a répondu l’autre vrai ami de not’ président, « les aides ne sont pas éternelles ». En fait, il s’agit « de passer gentiment de 12 à 35 ou 40 euros de l’heure pour apprendre aux Français (qui sont forcément tous des nantis, note Polo qui suit les choses, donc ces emplois c’est pour les étrangers, donc c’est pour favoriser l’immigration que not’ président y veut la choisir, à moins que les pauvres soient déclarés étrangers de la France) à payer le vrai prix d’un service de qualité ; de les accompagner dans l’acte d’achat de services. C’est une éducation à la consommation ».
C’est pour ça qu’y a des pauvres qui ont voté pour élire not’ président. Parce qu’y fait bien le boulot d’élevage des riches. Ils prend soin d’eux pour qu’ils puissent acheter des pauvres. Il les habitue très progressivement à donner un peu de sous aux pauvres pour améliorer leur bien-être à eux. Parce qu’un riche, c’est très fragile, c’est pas résilient comme un pauvre. Dés qu’il a le cafard parce qu’y sent qu’on l’aime pas assez, y consomme plus de pauvres.
Heureusement que not’ président y s’en occupe, parce que c’est pas sur le syndicat qu’y faut compter pour ça. Enfin, pas encore. C’est pour ça que not’ président, qui s’occupe de tout parce qu’il est bon, s’occupe aussi des syndicats, surtout des chefs. Pour les éduquer eux aussi. C’est pour ça qu’il a fait faire la manif pour le pouvoir d’acheter. Pour que tout le monde puisse acheter des pauvres.
Les entreprises amies de not’ président s’en occupent aussi. Dans l’émission, elles disaient qu’elles payaient des CESU (c’est le nom des chèques) à leurs salariés. C’est comme les chèques restaurants et les chéques vacances, c’est « un moyen de fidéliser les salariés » en leur leur procurant « un revenu complémentaire exonéré de charges sociales », « un moyen de les motiver ».
En plus, ça permet de développer les modes de garde des enfants pour que les salariés motivés restent plus longtemps au boulot et dans les embouteillages. Sauf ceux qui dorment dans l’entreprise comme y z’ont commencé à le faire pendant la grève, y crie Fred depuis le pieu où il est retourné. Parce que maintenant les "Français" y font des enfants mais y peuvent plus les garder, alors les enfants s’énervent et il faut appeler super Nanny. Mais justement, y recrie Fred du pieu, quand ils habiteront dans l’entreprise, c’est l’entreprise qui élèvera leurs mômes. C’est le retour du communisme du XIX° siècle, j’vous dis, quand le patron y construisait la ville de ses pauvres entre son usine et son château et qu’y s’occupait de tout. Y’ avait pas de syndicats pour embêter et tous les pauvres étaient heureux de leur élevage de riches. Ben moi, ch’uis sûr que not’ président qui est si grand, y fait tout ce qu’y peut pour qu’on y arrive enfin.
À la fin de l’émission, y continue Polo, ils ont aussi parlé des pauvres qui allaient trouver le bonheur dans ces nouveaux emplois. En fait c’est pas qu’y sont nouveaux, en tant que travail, parce que jardinier, repasseuse, femme de ménage, plombier, etc. ça existe déjà. Mais en tant qu’emplois, si.
Ça, c’est un tour de passe-passe habituel du capitalisme, y m’a expliqué mon ancien délégué syndical CGT. Par exemple, par une loi ou en jouant sur les prix par des mécanismes financiers (j’ai même pas demandé ce que c’était des mécanismes financiers, ch’uis sûr que j’aurais pas compris la réponse), tu affames une catégorie de petits artisans qui sont obligés, enfin pas complètement obligés parce qu’ils sont libres de vendre leur force de travail qui est à eux, mais bon, qu’est-ce qu’y peuvent faire d’autre, pas la révolution quand même !, donc obligés de venir te demander de leur donner (enfin, pour pas grand chose) un emploi. Pour faire le même travail qu’y faisaient avant. C’est la transmutation miraculeuse du travail en emploi.
Ça me rappelle une chanson de Gilles Servat :
« Mais de tous ces paysans, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
On les mettra à l’usine, on manque toujours de prolétaires. »
Sauf que quand c’est un emploi, c’est le patron qui décide comment et quand tu fais le travail.
Mais là, ce sont des emplois merveilleux ! Tellement merveilleux que, dans l’émission, y disaient que des infirmières se débauchaient pour devenir femmes de ménage. Alors, tu vois.
Ouais, il a dit Fred, et ça serait pas parce que les infirmières elles seraient affamées ? Mais lui, il est contre le communisme que not’ président qui est trop bon veut pour nous.
En plus, y a des super formations, comme pour les femmes de ménage infirmières à « l’Académie de la propreté ». Pourquoi, y dit encore Fred, les ouvriers y connaissent pas leur travail ? Pfuu !
Faut voir tout ce que ça apporterait à l’employé : « Ces gens qui auront fait tous les métiers, ils sauront vivre. Donc, c’est quand même un beau métier que d’avoir une formation tout au long de la vie qui vous permet d’apprendre à vivre ».
Parce que les pauvres y savent pas vivre ? qu’il a gueulé, Fred, tellement que ça l’énervait d’entendre ça. Là, moi et Polo on est d’accord avec lui. On est pas des "presque-animaux" comme ils disaient au moyen-âge en parlant des paysans ou au XIX° siècle en parlant des prolétaires, qu’y dit Polo qui lit des livres !
Même les chinois que j’ai vu à Thalassa que j’ai regardé parce qu’y avait pas de séries américaines ni de foot sur les autres chaînes de not’ président qui m’oublie des fois, mais il fait tellement de choses pour nous déjà que je lui pardonne, y sont pas des bêtes, enfin plus.
Pourtant y avait une ouvrière qui disait qu’elle gagnait 150 euros par moi pour dix heures par jours, six jours sur sept, "plus" deux jours de congés par mois. C’était une privilégiée, parce qu’il y en a plein d’autres qui travaillent douze heures par jours, sept jours sur sept, qu’y disaient. Elle, elle trouvait que c’était juste par rapport à ses compétences.
C’est que là-bas, c’est le « socialisme capitaliste », il a dit le chef du parti et que c’est ce que les ouvriers y veulent.
Même que l’ouvrière elle a dit, oh, chantons mes frères et sœurs, la phrase que notre président y dit toujours pour nous faire plaisir : « j’aimerais bien gagner plus, mais pour ça, il faut que je travaille plus. » Feeeignante !
C’est ce bon monsieur Pernoud qui était content. C’est sûr que lui y sera invité au Fouquet’s quand not’ président y sera encore réélu à vie. Comme il a dit pour un reportage : « vous allez voir la capacité de toute une communauté à basculer dans le capitalisme. » Comme quoi y sont pas des bêtes.
Là, monsieur Pernoud il nous a montré un village où les paysans de mer d’avant ont tellement labouré la mer que les poissons ont disparu. Alors des paysans de terre qui avaient pas le pouvoir d’acheter en travaillant leurs champs, sont venus pour « labourer la plage » pleine de palourdes. Comme maintenant ils ensemencent le « champ de sable » avec des coquillages, au cas où le sable s’épuiserait aussi, ils vont vers un avenir radieux.
J’espère qu’il mettra pas trop longtemps à arriver, leur avenir radieux. Parce que pour l’instant y sont heureux parce qu’ils sont dans le communisme, mais sur la plage à gratter le sable avec des cadences infernales on dirait presque des animaux. Et ils ont pas trop d’argent quand même pour acheter, sauf le chef de parti-patron.
Heureusement pour eux, ils sont plus résilients que les pauvres français qui sont pas encore dans le communisme, même si not’ président y fait ce qu’y peut. D’ailleurs, quand le reporter a posé la question au gamin pour savoir s’il voulait faire le beau métier de papa et maman quand il serait grand, il a répondu : « non, je ne descendrais pas à la mer », comme on dit descendre à la mine... « je voudrais être instituteur. » Feeeignant ! Fonctionnaire ! Moi, je vous l’dis, il nous a dit Polo, le capitalisme ça rend feignant !
En tout cas, mon conseiller Anpe (je dis "mon" comme je dis "mon" délégué syndical CGT, "mon" adjudant, "mon" patron, pour montrer qu’ils sont à moi, qu’ils font partie de mon élevage), c’est pas de ça qu’y m’a parlé. Y m’a dit que pour ce type d’emploi je devrais arriver à me vendre parce que j’avais quand même le bon profil (c’est pas comme Djamel qui est inemployable, y z’ont dit).
C’est vrai que depuis le temps qu’on nous apprend à nous vendre dans les stages pour l’insertion d’intégration, on sait faire nos CV. Comme y pas grand chose à mettre dedans comme emploi, on peut broder comme les bonimenteurs de foire y font pour vendre leur camelote.
Polo, qui est poète, il a mis qu’il aimait bien la poésie. Y dit que la poésie c’est bien pour rendre jolie la merde. Il m’a récité un poème pour me montrer.
« Rappeler vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux,
Au détour du sentier une charogne infâme,
Sur un lit semé de cailloux. »
Et ça finissait par :
« Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés ! »
Y m’a dit que c’était Beaudelaire qui l’avait écrit, un grand poète. J’ai pensé qu’y devait pas être aussi connu que ça, vu que je l’ai jamais vu à la télé et que not’ président il en a pas parlé, mais je l’ai pas dit à Polo pour pas lui faire de peine.
Moi, ça me fait des frissons et ça me fait pleurer la poésie. Ça faisait beaucoup pleurer les pauvres avant, la poésie comme celle d’Édith Piaf, ou même Mireille Mathieu quand elle chante « Paris se met en colère » pour not’ président et qu’y pleure aussi, parce qu’il est pauvre parmi les pauvres.
Peut-être que c’est pour ça que les pauvres y sont résilients, les larmes ça humidifie le corps et donc ça le ramollit, ça l’assouplit, et y résiste mieux. Mais les jeunes générations de pauvres je sais pas si elles seront longtemps résilientes parce que leur poésie elle fait pas beaucoup pleurer. Sauf à la Star académie, celle-là d’académie, c’est pour les femmes de ménage qui veulent devenir vedettes, mais je suis pas sûr qu’ils pleurent à cause de la poésie. En tout cas, ça permet aux chanteurs de la misère qui viennent de chez les pauvres, sauf s’y sont enfants de chanteur, de gagner plein de petites pièces pour devenir très riches et être ami avec not’ président qui pleure pour nous.
Pour revenir à la vente, ça montre qu’on n’est pas des esclaves. Un esclave, c’est vendu par son maître. Alors que là c’est nous-mêmes qu’on est notre propriétaire. Bien qu’après qu’on se soit vendu on est moins propriétaire vu que c’est le patron qui décide s’y nous garde ou pas et si on peut faire des heures supplémentaires pour gagner plus en travaillant plus, comme y voudrait not’ président qu’on aime.
Sauf si on crée notre entreprise. Là, c’est nous le patron. Mais Fred y dit que c’est pas sûr vu l’histoire de son beau-frère qui est ajusteur.
Son beau-frère y dit toujours : un maçon, ça travaille au centimètre, un charpentier au millimètre, un ajusteur au micron. Il est fier d’être un bon ajusteur, et il a raison parce que c’est vrai. Les ouvriers y sont fiers d’être ouvriers. Enfin, peut-être moins maintenant que not’ président il a dit que c’étaient des preneurs d’otages, mais qu’il fallait les aimer quand même, il est si bon. Donc ce beau-frère il a travaillé longtemps comme ouvrier pour des patrons. Il râlait que lui y faisait le travail pendant que le patron il utilisait le fric de l’entreprise pour ses trucs perso et même qu’il déclarait ses frais personnels de chez lui dans les frais de l’entreprise pour les déduire. Comme il avait pas de conscience politique et qu’il a pas connu de syndicalistes, il était très aigri, pourtant il était gentil.
Comme son patron revendait "son" entreprise, il a dû la racheter avec l’autre ouvrier sinon ils se retrouvait au chômage et il était vachement trop vieux à quarante ans pour espérer retrouver un emploi. Maintenant c’est lui qui est patron, il travaille beaucoup plus, il se fait du souci, mais il a vu (en fait, surtout sa femme qui tient les comptes) que les petites pièces s’accumulaient plus vite quand on est patron que quand on est ouvrier, surtout quand on peut déduire ses frais à soi dans les comptes de l’entreprise. Il râle quand même parce qu’il a trop de travail, qu’il est crevé, vu que comme il est à son compte il est obligé de prendre toutes les commandes sinon il perdrait des clients et il descendrait la pente et ferait faillite. Il se retrouve dans une roue infernale vicieuse qui le comprime de plus en plus. Alors il râle aussi parce qu’il y a trop de taxes et de paperasses pour entretenir ces feignants de fonctionnaires, même s’il gagne beaucoup plus d’argent qu’avant. Mais comme il dit : avant j’avais le patron sur le dos, maintenant c’est mon banquier et ma femme. Mais maintenant il a une conscience politique, il vote pour le Front de Lepen. Enfin, avant que not’ président, qui veut le communisme pour tous, pas que pour les riches, ne mette le méchant borgne dans sa grande poche où y met tout le monde.
J’ai dit à mon conseiller Anpe de pas mettre de croix dans la case que je serai plus demandeur d’emploi, même pour faire plaisir à son chef qui aime les chiffres, parce que je voulais réfléchir, pas comme Trézéguet quand y marque le but, et que quand on en sort de la case demandeur d’emploi on n’est pas sûr de pouvoir y revenir.
Quand ch’uis reparti de l’Anpe, ch’uis passé chez Afid parce que sa mère elle travaille dans une société de service depuis pas mal de temps et que je voulais lui demander comment ça se passait vu qu’elle a l’expérience.
Sa mère, la pauvre, c’est comme ça qu’on s’appelle entre pauvres parce que "la prolétaire" c’est trop long à dire, donc, la pauvre, elle est grosse, parce que souvent, les pauvres y font pas de sport, y vont pas au sauna, y mangent trop, surtout les femmes qu’elles font de la bonne pâtisserie sucrée qu’elles sont bien obligées de goûter, et pas assez de légumes et de fruits comme not’ président y dit dans ses publicités qu’y fait pour tenter les pauvres et tester s’y sont bien résilients, bref, les pauvres y savent pas vivre, c’est pour ça que les amis de not’ président y veulent leur apprendre pour qu’y soient heureux.
Et la maman d’Afid elle est pas complètement heureuse, même si elle sait que not’ président qui donne l’exemple pour le sport, nous conduit vers l’avenir radieux, parce qu’elle a mal aux jambes, parce qu’elle a des varices, qu’elle a mal dos, qu’elle est toujours fatiguée. Tout ça parce qu’elle sait pas vivre.
Moi, je me demande comment elle fait pour tenir sur sa mobylette, quand elle part à trois heures du matin faire le ménage des bureaux, parce pendant la journée y faut pas déranger les cadres qui eux travaillent beaucoup et qu’on veut pas leur mettre sous le nez un feignant de pauvre. Mais elle est obligée de prendre la mobylette, parce que comme elle fait une heure ici, une heure là, elle a beaucoup de déplacements, ce qui fait qu’elle est dehors presque tout le temps même si tous comptes faits, elle fait pas tellement d’heures de travail payées, parce que les déplacements c’est pas du travail pour les pauvres alors que pour les riches si, vu que eux, y réfléchissent tout le temps, même dans la limousine avec chauffeur, c’est pour ça que not’ président y veut qu’y soient bien payés vu que c’est eux qui font la richesse de la France que not’ président il aime et qu’y veut qu’elle soit comme l’Amérique de son copain cow-boy, qui est le not’ président des américains et même peut-être du monde.
Heureusement qu’elle a des cours de temps en temps pour apprendre à vivre. Là, elle me raconte, on lui explique comment y faut se tenir chez les riches pour assurer la qualité de leur bien-être quand on fait leur ménage ou leur manger, qu’y faut être discret, toujours à l’heure, poli, bien faire ce qu’y demandent, rester bien propre même quand on a fait la mobylette sous la pluie ou qu’on a transpiré toute la journée à passer la serpillère et à faire attention de pas tomber de la mobylette, et surtout à garder le sourire parce que ça augmente la satisfaction du consommateur de pauvres et que c’est ça le communisme de not’ président qui rend heureux.
Même des fois, les formateurs, on les appelle aussi des coaches comme au foot, vu que dans l’entreprise de service on est une équipe, « et ... une équipe qui gagne ! » comme y dit son chef qui est dynamique com’ not’ président, not’ coach à tous, y sont plus exigeants que les riches qu’y sont souvent gentils quand on a réussi la qualité de leur bien-être. Mais justement, les formateurs y disent que les riches, enfin les nouveaux riches de not’ président, y connaissent pas non plus la vraie vie des riches anciens et que c’est le pauvre qui doit lui apprendre comment y faut le commander pour que le pauvre y soit heureux. Ça aussi, ça fait partie de l’élevage des riches.
La maman d’Afid, même quand elle a mal, elle se plaint pas à son coach, parce que les pauvres y se plaignent pas, y sont orgeuilleux, et aussi que les coaches y z’aiment pas qu’on se plaigne, vu qu’y sont élevés par les militaires vu que c’est la guerre économique et que les militaires y se plaignent jamais, jamais. Y z’embêtent personne avec des blocages de grève.
Fred y dit qu’un jour les militaires y viendront aider not’ président pour aller plus vite vers l’avenir radieux qu’il est venu de Hongrie pour nous apporter, si les pauvres y sont pas capables d’aller plus vite malgré leur amour de not’ président que Allah le protège elle dit la maman d’Afid en levant les bras vers le ciel comme si y avait quelqu’un, ou pour libérer les otages que les ouvriers ont gardés et que le président Chavez il a pas pu sauver.
Ça se voit que Fred y l’habite pas la cité, parce qu’ici, ch’ais pas si c’est des militaires, mais l’avenir radieux on va l’avoir plus vite que les autres.
En tout cas, je trouve que la maman d’Afid elle est vachement résiliente. Ça doit être parce qu’elle pleure beaucoup en cachette, tellement des fois elle a mal. Moi, j’crois pas que je serai assez résilient pour faire de l’emploi service, même si c’est le plus beau métier du monde, même avec une formation. Et même si je pleure des fois en voyant tous les enfants morts à la télévision de not’ président, qui est grand.
P’tit Nico
Messages
1. Chomdu 2, 26 novembre 2007, 21:49
COLUCHE président !!!
COLUCHE président !!!
COLUCHE président !!!
ludo
2. Chomdu 2, 30 novembre 2007, 20:00
Article éloquent de lucidité, qui dit tout haut ce que personne n’ose penser. Le pire c’est que je suis moi meme un salaud de patron.
J’ai longtemps culpabilisé, mais en meme temps il n’y a rien de nouveau depuis l’aube de l’humanité. Le chef de la tribu a toujours été le plus balaise, qui se tapait les femmelles, alors que les chétifs et les malingres restaient sur la touche. bien ou pas bien, De toute façon si il en avait été autrement l’espece humaine se serait affaiblie voir dégénérée au point de disparaitre et on serait meme pas la pour en parler
C’est comme ça pour les animaux et on trouve ça normal.
On trouve génial de voir un bel oiseau aux couleurs chatoyantes, perché sur sa branche au milieu de la foret.
On oublie que c’est parcque la nature est bien plus atroce que l’homme, car elle laisse crever tout oiseau qui n’aurait ne serait ce que 9.5/10 aux yeux, ou celui qui aurait un bec plus petit que la normal ou qui ne volerait pas assez vite.
Nous on acheve pas nos concitoyens (je suis moi meme myope) donc finalement c’est pas si mal. En tout cas je serais un pauvre piaf, il y a longtemps que je me serais fait tailler en piece par le premier chat du quartier, qui n’aurait pas manquer de me supplicier pendant des heures avant de me décapiter pour le plisir sans meme me bouffer
Mais faudrait que ce soit autrement pour nous, car on est infiniment supérieur aux betes, ce qui rajoute à l’arrogance humaine qui se sens supérieur à tout et qui s’est permis d’ailleurs de saloper la planete ...
Enfin je vais me faire traiter de facho, car j’ai oser dire que c’est normal qu’il y ait des forts et des faibles.
Je ne sens pas bien dans un camp ou dans l’autre, en tout cas félicitation pour l’article, qui résume bien la situation mais qui propose pas grand chose ( a part stigmatiser les méchants riches, et encenser les gentils pauvres)